Y a-t-il un lien entre la mise des casernes militaires en état d’alerte et l’incendie des marchés ?
Les fils d’une nation ne la détruisent pas ; ils la construisent et c’est dans cette œuvre de construction dans l’effort et l’engagement collectif sans répit, que l’extérieur apporte son appui. Jamais l’extérieur, nulle part au monde, ne s’était substitué aux fils et filles d’une nation. Depuis la naissance du CST, celui-ci a produit un laborieux document apprécié, s’il vous plaît, des grandes chancelleries dans notre pays de par la pertinence et l’engagement citoyen qui y transparaît sans équivoque. Cela, beaucoup de Togolais ne le savaient pas.
Si le Pouvoir recherchait la paix, la démocratie et le développement pour ce pays, il se serait, tout comme les diplomates, intéressé au contenu et appelé les auteurs dudit document pour se mettre ensemble pour un dialogue franc et sincère dépourvu du dilatoire habituel, prenant en compte les propositions. Tout ce qui à l’époque importait pour le chef de l’Etat, c’est une rencontre avec le Coordonnateur du CST pour lui dire que la place Deckon ne lui plaisait pas.
Face à de vains efforts et sacrifices, cramponné à l’indifférence de Faure Gnassingbé, de guerre lasse et comptant sur la mobilisation et le soutien des Togolais pour les trois jours, le CST a lancé sur tout le territoire l’opération « Les derniers tours de Jéricho » marquée par un sit-in à la place Deckon pour ce qui est de Lomé. La suite on la connaît. C’est dans un tel contexte que survient l’abominable incendie des grands marchés de Kara et de Lomé. Tout porte à croire que la sortie musclée de Gilbert Bawara en dit long sur la taille de la riposte préparée par le régime. Un peu comme pour dire : « C’est nous ou le chaos ».
Tôt dans la journée de ce 10 janvier où démarraient les manifestations, aux environs de huit heures, la rédaction avait été alertée que sur toute l’étendue du territoire, les camps militaires auraient été mis en alerte et qu’il leur aurait été demandé de se tenir prêts à toute éventualité. Qu’est-ce qu’une armée « républicaine » et « apolitique » a-t-elle à voir avec des manifestations à caractère politique ? L’armée togolaise a-t-elle, comme on le fait miroiter, cessé d’être neutre ? Est-elle face à des ennemis extérieurs ? Jusqu’à quand continuera-t-on à donner dans la duplicité dans ce pays ? Au regard de cela, d’après nos analyses, au cas où la police et la gendarmerie feraient preuve de complaisance et de velléité, c’est à partir de là que les militaires seraient déversés dans les rues.
Signalons que pour ces manifestations, certains commissariats ont été réduits à un strict minimum de personnel pour les tâches administratives. Comme quoi, au lieu de régler les vrais problèmes du pays et sérieusement, en favorisant le vrai dialogue constructif, aurait-on préféré se mettre dans la logique de mettre le pays à feu et à sang ? C’est ce que nous savons des policiers et nous n’avons pas d’informations précises concernant les brigades de gendarmerie. Mais sans doute, il ne pourrait qu’en être de même. Si nous n’avions pas eu à faire état de cette information obtenue de source digne de foi dans notre parution de vendredi, c’est parce que nous n’avions pas eu échos des interférences directes des militaires dans les répressions. En tout cas, les Togolais ont vu à Lomé comme à Sokodé des gens en « tenue de policiers et de gendarmes ».
Navigation à vue et légèreté du Pouvoir
Après ce qui est arrivé au marché de la ville de Kara, nul ne pouvait s’attendre à une réédition à Lomé et presque à la même heure. Rien ne permet d’innocenter le Pouvoir. Le premier a eu lieu au premier jour et le second au troisième et dernier jour. Cela aurait-il été planifié ? Ayant appris qu’un second incendie venait de se déclencher à Lomé cette fois-ci dans le plus grand marché du Togo, nos analyses nous ont mené dans le spirituel dans un premier temps. Nous avons immédiatement fait le pont avec 2008 sous le même Faure Gnassingbé où neuf ponts presque au même moment avaient cédé sur tout le territoire. Des inondations montres s’ensuivront d’un degré jamais atteint. En souvenir de ces événements qui semblaient annoncer que la gouvernance de celui-ci n’est pas de bon augure pour le pays, nous nous sommes dit que sûrement, ces incendies seraient d’origine spirituelle, donc relèveraient de la volonté de Dieu pour marquer la décadence et la fin d’un pouvoir illégitime et que tout cela échapperait à l’entendement humain.
Mais très vite, nous avons abandonné cette piste qui ferait de Dieu un criminel. Car ce n’est pas la mise à feu spirituelle des biens des pauvres populations de Kara et de Lomé déjà victimes d’une gouvernance criminelle que le Bon Dieu favoriserait. Plutôt la dizaine de résidences princières de Cacaveli, d’Agou, Pya, Défalé, Dapaong, etc., que Faure Gnassingbé aura érigées sur l’ensemble du territoire national en l’espace de cinq ans à coup de plusieurs milliards pendant que les populations togolaises végètent dans un dénuement total et peinent à manger à leur faim. Ce qui est depuis samedi sur toutes les lèvres après l’incendie des marchés de Kara jeudi et de Lomé, soit à 48h d’intervalle, c’est que c’est le pouvoir lui-même qui serait derrière ces œuvres macabres. Que chacun écoute les Loméens ces derniers jours pour s’en convaincre.
« Tu as tué le poumon culturel Goethe en 2005. Exploit réédité en 2013 contre le poumon économique. Je te remercie. Tu es très humain ! ». Voici l’ironique, très amusant mais triste message que nous avons reçu quelques heures après le second drame d’une connaissance de l’intérieur du pays après que nous avons cherché à savoir s’il suivait l’actualité et que nous avons repris intégralement. Il en est ainsi dans l’opinion. Entre nous, les marchés comme celui de Kara et de Lomé n’ont-ils pas de gardiens ? Ils en ont. Et compte tenu de la taille, il doit y en avoir plus d’un gardien ou vigile. En plus, nous ignorons le cas de Kara, mais pour le grand marché de Lomé, il y a une gendarmerie qui le jouxte. En plus, il y aurait un service de police à l’intérieur du marché.
Autre question, est-il normal que des villes comme Kara et Lomé avec des patrouilles nocturnes armées jusqu’aux dents, laissent survenir la mise à feu de leur marché, principal pôle d’activités économique sans que personne ne surprenne les auteurs ? A quoi servent donc ces patrouilles ? Est-ce juste pour les rackets ? Autre chose, quel est le sort des gardiens de ces deux marchés aujourd’hui ? Sont-ils mis aux arrêts où trouve-t-on que leur responsabilité n’est pas engagée ? Pourquoi n’a-t-on pas pris de mesures de sécurité immédiatement pour empêcher que ce qui est arrivé à Kara se répète, si l’on tenait à prévenir une réédition ? Kara et Lomé sont-elles les deux villes visées par un plan, de telle sorte que la sécurité des autres marchés du pays ne surviendrait qu’après Lomé ? En tout état de cause, dans l’état actuel des choses, difficile, très difficile pour le Pouvoir de convaincre de son innocence.
A la recherche de bouc-émissaire ?
Est-ce pour charger le CST et la fragiliser, étant donné que depuis sa création, il n’a cessé de donner de l’insomnie à Faure Gnassingbé et ses amis ? Après qu’on a permis que des milliards de francs CFA soient partis en fumée à Lomé après Kara, voilà que le lacunaire régime se réveille et comprend seulement maintenant qu’il faut déployer des policiers, gendarmes et militaires pour sécuriser les marchés du pays. C’est une mesure peu convaincante qui donne l’impression de s’abriter derrière quelque chose, eu égard à tout ce développement que nous venons de faire. Après les dégâts, place à la sécurité des Togolais ! Certains diront que gouverner c’est prévoir et que le Pouvoir n’a pas été prévoyant et aurait dormi sur ses lauriers après Kara. Nous leur dirons que c’est sans doute ce qui aurait été prévu avant de trouver le moyen de prendre cette mesure.
Le gouvernement voudrait-il trouver un argument pour prouver à Patrick Spirlet de l’UE qu’il a raison de le soutenir, de faire des discours lénifiants au profit de Faure et que c’est le CST qui refuse que le pays avance, que c’est Ajavon Zeus, Jean-Pierre Fabre, Abass Kaboua, Agbéyomé Kodjo, Me Abbi Tchessa, Mes Afangbédji et Kpandé-Adzaré, les Profs Gogué et Komi Wolou, Olivier Amah, Gérard Adja qu’on vient d’interpeler pour, dit-on, les besoins d’une enquête judiciaire à qui l’on va tenter de faire porter le chapeau. Nous croyons que c’est parti pour tenter de décapiter le CST après avoir encerclé jeudi le domicile de Me Ajavon en vain. Les citoyens attendent de voir.
Au fait, quel Togolais de bonne foi, surtout pas fou, peut croire, que le CST et ses responsables seraient si écervelés et bornés, voire idiots, au point de trouver un intérêt à voir les marchandises des commerçants togolais partir en fumée ? Quel membre d’un CST qui a passé son temps à dénoncer la saisie arbitraire des fonds des commerçants du grand marché de Lomé justement par ce même pouvoir, à dénoncer les impôts et taxes abusifs levés ces derniers temps contre ces commerçants dont on tente de tuer les activités commerciales à jamais, irait imaginer d’achever des opérateurs économiques et leurs autres collègues, en mettant le feu à toute l’œuvre de leur vie en les assommant définitivement ? Quel membre d’un CST porté à bout de bras par les femmes du marché va œuvrer contre les intérêts de celles-ci ?
A quoi rime cette sortie d’un « gardien » d’une des succursales du CIB-NTA (une structure proche du Pouvoir et impliquée dans les truquages des résultats des élections dans les préfectures) à Atakpamé qui raconte que, n’eût été sa vigilance, cette structure de prestation de service allait subir le même sort que ces deux marchés ? Ne s’agit-il pas d’un montage pour prouver à l’opinion qu’il s’agit bien de l’œuvre de l’Opposition, en l’occurrence du CST contre lequel tous les loups de la presse alimentaire sont lâchés pour un travail de lynchage médiatique et de fragilisation mais qui outre mesure ne semble freiner l’élan de ce regroupement ? Dans sa salade, le gardien raconte que l’auteur de l’incendie vite maîtrisé a pris la poudre d’escampette et qu’il l’a poursuivi mais, que vu l’obscurité, il avait rebroussé chemin. Quand on connaît le pays où l’on est, il est aisé de se demander si l’auteur ne s’est pas poursuivi lui-même dans cette nuit, ce petit matin de samedi aux environs de 2h. Cela peut bien se passer sur simple consigne et veiller à ce qu’il n’y ait pas de dégâts considérables, juste pour convaincre l’opinion.
Coup de chapeau aux sapeurs pompiers ghanéens
La situation que vit notre pays et qui fait qu’en dépit des immenses richesses que recèle notre sol et qu’une minorité pille allègrement et de manière éhontée, et y ayant pris goût, refuse de quitter le pouvoir, nous pousse à regretter que ce soient des sapeurs pompiers encore de ce pays voisin qui a trouvé utile d’équiper un village en matériel de sécurité adéquat, qui une fois encore vole au secours du grand marché de Lomé. Saluons le travail et le sens de la bonne gouvernance comme de la bonne gestion au Ghana qu’on n’arrive même pas à imiter malgré la proximité. Pendant que les dirigeants ghanéens construisaient leur pays, au Togo le slogan était « heureux le peuple qui chante et qui danse ». On commandait « Ablo » pour plusieurs millions de francs à manger aux animateurs et autres. A l’heure du bilan, le résultat à l’arrivée est parlant. La capitale, n’a pas un digne centre de sapeurs pompiers.
Brave peuple ghanéen, chaque jour, bénissez Dieu de vous avoir donné de vrais dirigeants responsables, car on gouverne des hommes en veillant à leur sécurité prioritairement. Tout ça fait honte aux Togolais ! Mais seulement, les autorités togolaises ont-elles honte ? Samedi et dimanche sur les médias d’Etat, nous avions entendu parler de bonne collaboration entre les deux pays à propos de l’appui des ghanéens. N’est-ce pas honteux ? Si au Ghana voisin on avait chanté et dansé, se croyant heureux des décennies durant, ceux-là auraient-ils pu venir avec le cœur et de beaux véhicules en forme, faire ce qu’on les a vus faire samedi. Sapeurs pompiers togolais, bravo à vous aussi, puisque les dirigeants vous ont mis dans des conditions à ne pas pouvoir servir vos compatriotes efficacement. Vous donner ces moyens risquerait de les priver des gros pillages et détournements pour lesquels ils sont là où ils sont.
Pendant que les soldats du feu ghanéens recevaient des applaudissements ce samedi, ce sont des huées qui saluaient les policiers et gendarmes togolais qui se promenaient dans leurs véhicules bleu-ciel et bleu-marine et auxquels les populations lançaient : « Oui, si c’est pour lancer des gaz, pour se déchaîner sur de pauvres civils, on vous voit, vous êtes champions ! ». On ne parle pas d’une éruption volcanique ni d’un tremblement de terre au Togo, mais la différence s’est faite nette. Après l’épisode du 12 janvier, les Togolais attendent pour voir s’ils vont attendre une troisième fois pour voir les sapeurs pompiers ghanéens franchir la frontière d’Aflao pour le même objectif. Mais un spectacle qui demeure difficile à comprendre et qu’il faut dénoncer : pendant un bon moment, les sapeurs pompiers ghanéens qui venaient prêter main forte aux Togolais, auraient été bloqués à la frontière d’Aflao, côté Togo, sous prétexte qu’ils n’auraient pas reçu l’ordre de les laisser passer. Difficile de comprendre un tel comportement.
Pour finir, y-a-t-il un lien entre la mise des casernes militaires en état d’alerte sur tout le territoire et les incendies du grand marché de Kara et de Lomé ? C’est de là que nous sommes partis. C’est une dame d’un niveau scolaire moyen, âge, environ 65 ans, toute furieuse qui a éveillé notre attention par ceci : « ces gens savent qu’ils n’ont pas de chance et qu’ils sont vomis du peuple et que les Togolais ne voteront pas pour eux. Alors dans leur tête, il faut tout détruire avant de perdre le pouvoir, s’ils doivent le perdre. Et c’est le pouvoir qui aurait manigancé tout ça et personne d’autre. Tu as entendu les propos de Bawara mercredi ? Ils avaient tout préparé, c’est eux ou le chaos, c’est moi qui te le dis ». « Maman, vous avez raison », lui avions-nous lancé en lui ajoutant l’information qui circulait depuis jeudi aux premières heures par rapport à la mise en alerte des militaires.
Alain SIMOUBA
www.liberte-togo.com
13 janvier 2013