VIOLENCES POLITIQUES AU TOGO

 

  L’art de nier l’évidence
Publié le dimanche 15 juillet 2012

Depuis qu’il est opposant, d’abord au régime de Gnassingbé Eyadéma et maintenant à son fils Faure, Jean-Pierre Fabre en a vu des vertes et des pas mûres. L’intéressé lui-même ne doit plus savoir combien de fois il a inhalé du gaz lacrymogène, reçu des coups de matraque, été brutalisé par les forces de l’ordre ou même assigné à résidence. Cette répression, il la vit pratiquement au quotidien ou, à tout le moins, chaque fois qu’il veut battre le macadam pour dénoncer des comportements du régime en place. Et cela, du temps où il était à l’Union des forces du changement (UFC) et maintenant dans son propre parti politique, l’Alliance nationale pour le changement (ANC).

Ces derniers temps, Jean-Pierre Fabre se retrouve, une fois de plus, à dénoncer le régime en place dans le cadre du Collectif « Sauvons le Togo » qui est dans la rue pour dénoncer le nouveau code électoral.

S’il parle de dialogue avec ce collectif qui a décliné une invitation autour d’une table de négociation, le pouvoir bande aussi les muscles en arrêtant les responsables de ce regroupement de partis et d’organisations de la société civile, en assiégeant leurs domiciles, en les traduisant en Justice, etc.

Jean-Pierre Fabre, qui fait donc partie de ce collectif, ne pouvait qu’être dans son collimateur. Certes, il n’a pas encore été interpellé. Il n’en demeure pas moins qu’il est sous étroite surveillance. C’est dans un tel contexte qu’il dit avoir passé un très mauvais quart d’heure suite à la violation de son domicile par des forces de l’ordre.

Le plus surprenant dans cette affaire est la réaction du commissaire central de police de Lomé. En effet, il a tout nié en bloc et affirmé tout de go qu’aucun agent n’est entré par effraction chez l’opposant à plus forte raison tabassé et arrêté qui que ce soit.

Incroyable mais vrai ! Tout cela serait donc sorti directement de l’imagination de l’opposant qui cherche à jouer simplement les victimes ! Toutefois, on est sûr d’une chose : entre l’opposant et le commissaire de police, il y a quelqu’un qui ne dit pas la vérité. Il faudra peut-être une enquête impartiale pour tirer cette situation au clair. En attendant, il est difficile de dédouaner les forces de l’ordre togolaises qui se sont illustrées de tout le temps par leur brutalité, leur répression systématique des manifestations de l’opposition. Cette habitude est tellement bien ancrée chez bon nombre d’agents du bras armé de la loi que le changement d’attitude ne peut être brusque.

Les luttes pour la démocratie au Togo, les contestations des résultats des élections, surtout la présidentielle, ont toujours donné lieu à des répressions qui ont fait de nombreuses victimes. L’image de l’ancienne Suisse d’Afrique en a même pris un sérieux coup et a longtemps mis le pays au ban de la communauté internationale pour violation des droits de l’Homme.

C’est avec l’arrivée du fils Faure Gnassingbé au pouvoir qu’est intervenue une timide réhabilitation sur ce plan.

Le pouvoir n’hésite pas à tout mettre en œuvre pour présenter le pays comme respectueux des droits humains. Même si, pour cela, il faut souvent maquiller la réalité. C’est ce qui s’est passé récemment avec la falsification, par le pouvoir, du rapport de la commission nationale des droits humains sur l’état des droits de l’homme au Togo. Malheureusement, pour ces « chirurgiens » à la petite semaine, leur manœuvre a été mise à nu par le courage du président de la commission qui a « balancé » le vrai rapport sur Internet. En niant l’évidence, le commissaire a sans doute le souci de gommer cette mauvaise image séculaire. Mais il ne suffit pas de vouloir changer d’image pour que cela se réalise comme par magie. Il faut surtout poser des actes allant dans ce sens. Et en la matière, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

 

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Séni DABO