UNE SEMAINE CONTRE L’IMPUNITE AU TOGO : le CST a rendu un vibrant hommage à Tavio Amorin

UNE SEMAINE CONTRE L’IMPUNITE AU TOGO :

Le CST a rendu un vibrant hommage à Tavio Amorin

Dans le cadre des manifestations marquant le vingtième anniversaire de l’assassinat de Tavio Ayao Amorin, le Collectif « Sauvons le Togo » (Cst) a concocté un programme sur sept jours pour dire non à l’impunité et demander que justice soit rendue au leader du PSP et à tous les martyrs du Togo.

Démarrée le lundi 23 juillet 2012 par une conférence de presse suivie de témoignages des anciens compagnons de lutte du Premier Secrétaire du Parti socialiste panafricain (Psp), la semaine contre l’impunité au Togo s’est achevée le dimanche 29 juillet dernier par une messe d’actions de grâce dite en l’Eglise Notre-Dame de la Rédemption à Bè-Klikamé,  en sa mémoire et en celle de tous les martyrs du Togo.

Entre autres temps forts du programme, la veillée de prières et de témoignages à Tokoin Gbonvié le mercredi 25 juillet, le concert de chansons du collectif Y’en a marre « Etiamé » sur l’esplanade du Palais des Congrès de Lomé vendredi dernier, et la marche contre l’impunité dans les rue de Lomé.

La marche qui a fait couler des larmes à certains policiers !

Répondant à l’appel du Cst, des milliers de Togolais ont battu le pavé le samedi 28 juillet 2012 pour dénoncer l’impunité érigée en mode de gouvernance au Togo. Le cas de Tavio Amorin dont les assassins ont signé leur forfait en laissant leurs cartes d’identité sur les lieux du crime est on ne peut plus déconcertant.  Vingt années se sont écoulées sans que les sieurs Karèwè et Boukpéssi ne soient mis aux arrêts.

En effet, dans la nuit du jeudi 23 juillet 1992, ces deux policiers ont tiré à bout portant sur le Premier Secrétaire du Psp dans le quartier Tokoin Gbonvié. Dans leur fuite, ces malfrats ont laissé une sacoche contenant leurs cartes professionnelles. La victime rendit l’âme six jours plus tard, le coup lui étant fatal. Malgré ses preuves, les assassins de Tavio ne sont guère punis. Ils se la coulent douce à l’intérieur du pays au grand dam de la famille éplorée qui n’a pas fini de sécher ses larmes.

A travers la marche du samedi dernier, le Cst entend non seulement rendre hommage à Tavio mais à tous les martyrs du Togo. Marc Atidépé, Atsutsè Agbobli, Koffi Kongoh, Sylvanus Olympio etc., d’illustres personnalités à qui le peuple togolais se doit de rendre hommage.

Rien n’est laissé au hasard par les organisateurs qui ont exhumé des images poignantes des archives pour montrer la barbarie humaine dans son état brut.

Insupportables, ces images placardées sur les pancartes ont fait pleurer plus d’un Togolais qui les découvrent pour la première fois. Nombreux sont les manifestants émus devant des policiers qui n’ont pas hésité à couler des larmes, au niveau du Commissariat central. « Ce sont vos camarades qui sont responsables de ces atrocités. Ils répondront tôt ou tard de leurs actes», leur vociférait un manifestant très remonté.

Le long de la marche, la foule scandait des slogans hostiles au pouvoir. «Hélou, hélou, hélou lo ! » (Abomination ! sacrilège !), « Que justice soit rendue aux martyrs de la démocratie ! », réclamaient les manifestants.

Une marche particulière

La particularité de la marche contre l’impunité réside en son lieu de rassemblement et sa chute, deux lieux hautement symboliques. L’école primaire de Tokoin Gbonvié, le lieu de rassemblement est l’endroit où Tavio a été froidement abattu alors que le cimetière de la plage est la dernière demeure de l’enfant terrible de la conférence nationale souveraine des années 90, l’un des martyrs de la jeune démocratie togolaise.

L’autre fait remarquable est le dépôt de gerbe notamment à Le Togo, Place Anani Santos, dans la mer en hommage à tous les martyrs du Togo, avant de se rendre sur la tombe de l’illustre disparu, transformée en lieu de meeting. Tour à tour Me Zeus Ajavon, Me Jil-Benoît Afangbédji, Claude Améganvi, Agbéyomé Kodjo, Cdt. Olivier Amah Poko et Jean-Pierre Fabre ont rendu hommage à Tavio.

Claude Améganvi : «Vous savez combien Tavio et moi étions de grands amis. Nous avons commencé la lutte au même moment, depuis la Conférence nationale souveraine. Et même avant. Et c’est pour le Togo que nous luttons. Je voudrais dire à la famille Amorin que Tavio est mort mais il n’est pas mort. Il vit toujours. Car lui-même disait qu’on peut tuer un homme mais pas ses idées. Il est dans nos cœurs. Si c’est le départ du pouvoir qui mettra fin à l’impunité au Togo, nous allons l’obtenir. Il y a dix ans de cela, nous voulions faire cette cérémonie, mais on nous avait empêchés à coups de gaz lacrymogènes».

Jil-Benoît Afangbédji «En 1963, on a versé le sang en tuant Sylvanus Olympio, le premier Président du Togo. Depuis ce jour, on continue de verser le sang. Nous n’allons pas nous taire sur ces violations des droits de l’homme. Tôt ou tard les bourreaux, répondront de leurs actes, soit au Togo, soit à la CPI »

Officier Amah : «Le jour où on évacuait Tavio, moi je revenais d’une formation des officiers à Abidjan. Ça ne nous a pas fait du bien mais comme vous le savez, on ne pouvait pas le dire quand on était là-bas. Car on nous avait cousu les bouches avec la corde des bœufs. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de le dire. C’est ce que j’ai refusé en 2005 et on m’a enlevé de mon poste. Mais retenez ceci : ceux qui ont commis ce crime, répondront de leurs actes devant Dieu. Ça c’est sûr. Ne perdez pas courage».

Jean-Pierre Fabre : «Je ne suis jamais venu sur la tombe de Tavio. C’est ma première fois car le jour où on partait de l’Eglise avec le corps, je suis rentré parce que c’était insupportable. Comme nous le disons toujours, la lutte populaire est invincible. On nous martyrisera, mais un jour nous allons reprendre ce qui nous est dû. Si nous cheminons selon la voie tracée par le Cst, nous allons réussir la lutte. Soyez courageux pour lutter contre l’impunité au Togo.»

La famille éplorée n’est pas du reste. C’est en sanglot que la sœur ainée de Tavio se demandait qui pouvait leur ramener leur frère du séjour des morts : «Je vous remercie pour votre sortie massive ce matin. Surtout malgré la terreur qu’il y a dans le pays. Merci pour votre bravoure. Mais j’ai une question à vous poser : lorsque vous parliez d’avenir, où est celui de mon frère ? Où est mon frère ? Cherchez-le-moi (Pleurs)»

Quant à l’un des neveux de Tavio, l’assassinat de leur oncle ne restera pas impuni : «Moi ce que je demande, c’est que les auteurs de ce crime soient punis. On ne peut laisser une telle forfaiture ».

 

Place Anani Santos rebaptisée Place des martyrs du 25 janvier 1993

 

Pour immortaliser la semaine contre l’impunité au Togo, le Cst a rebaptisé la Place Anani Santos « Place des martyrs du 25 janvier 1993», en mémoire de tous les martyrs et particulièrement ceux qui sont morts ce jour-là à Fréau jardin.

Une pancarte symbolique y est implantée à cet effet.

En rappel, le 25 janvier 1993, alors que l’opposition togolaise manifestait pacifiquement à Fréau Jardin, des individus armés ont tiré à balles réelles dans l’immense foule, occasionnant plusieurs morts. Les responsables de cette tuerie ne sont jamais connus.

Isidore Akollor

Actu Express N° 205 du 31 juillet 2012