La preuve par la non application des recommandations
Une mission de l’Union Européenne est annoncée au Togo dans les prochains jours. Officiellement il s’agira d’évaluer les processus électoraux mais, au vu du schéma qui se dessine, un simulacre d’élection est inévitable au Togo. Pendant au moins cinq ans, l’Union Européenne, à travers ses représentants sur place, a accompagné le gouvernement togolais dans la fuite en avant de sorte qu’à quelques mois de la fin de la présente législature, rien n’a été fait qui puisse donner une indication claire sur la mise en œuvre des réformes recommandées.
Depuis 2006, on a assisté à de nombreuses réunions entre les représentants des pays de l’UE au Togo et des membres du gouvernement. Ces séances ont été toujours sanctionnées par des communiqués impertinents qui se bornent à noter de prétendus progrès et à encourager le gouvernement.
C’est à partir de juin 1998 que l’Union Européenne a inauguré le financement des élections frauduleuses au Togo en débloquant des centaines de millions d’Euro pour l’organisation des scrutins qui se soldent toujours par des hold up électoraux sanctionnés par des morts et des contestations qui ne font qu’exacerber les tensions.
Les autorités togolaises, de père en fils, jettent les recommandations de l’institution européenne à la poubelle au nez et à la barbe des diplomates européens en poste à Lomé qui font semblant de ne rien constater, allant jusqu’à noter chez les autorités togolaises, une prétendue volonté politique qui ne se concrétise jamais.
Depuis six ans, les représentants de l’Union Européenne ont assisté impuissants au cinéma réalisé par le Pouvoir et dans lequel ils se sont illustrés comme des acteurs complices du personnage principal dont l’objectif primordial n’est pas de construire une démocratie mais de domestiquer le pouvoir dans le vestibule clanique. Ce n’est pas pour blaguer que Faure avait publiquement déclaré en 2005 devant les militants du RPT que leur papa leur avait dit que si jamais ils perdaient le pouvoir, il leur serait difficile de le récupérer.
Certains diplomates européens vont jusqu’ à faire une comparaison entre la situation actuelle et celle de 2005 pour conclure qu’il y a progrès bien que les Togolais constatent le contraire. A les entendre, tout porte à croire que Faure a fait des progrès parce que le fait d’avoir enjambé des cadavres en nageant dans un fleuve de sang pour parvenir au pouvoir pour ensuite organiser des élections inéquitables et frauduleuses sans mort d’hommes, est une prouesse à saluer.
Pour permettre aux lecteurs d’avoir une idée de la complaisance de l’Union Européenne à l’égard des autorités togolaises, nous publions les recommandations des rapports de mission d’observation de l’UE de 2007 et de 2010 (voire page 5,6et 7). On constate qu’à sept mois des élections législatives, alors que le chronogramme devrait être déjà en chantier, aucune des recommandations ou presque, n’est mise en œuvre. Le gouvernement s’est contenté de créer plusieurs versions de CPDC où il place des amis pour amuser la galerie. L’argument selon lequel la non participation du CAR et de l’ANC serait à l’origine du statu quo est ridicule car si le pouvoir avait un tant soit peu la volonté d’opérer des réformes, il l’aurait fait parce que parmi ceux qu’il a cooptés au CPDC, il y en a (OBUTS, ALLIANCE) qui ont fait des propositions qui prennent en compte celles du CAR et de l’ANC, mais elles ont été toutes rejetées par le RPT qui impose sa loi à tous. Et dans un mois, on dira que les réformes ne sont plus possibles, et qu’en conséquence, le même dispositif frauduleux qui a prévalu depuis 1998, doit être reconduit. Devant cette situation, on peut s’interroger sur l’opportunité de cette mission européenne annoncée au Togo. On peut dès lors présager que dans l’incapacité d’amener le pouvoir en place à faire en sorte que les conditions de transparence soient mises en place, les partenaires choisissent plutôt de faire pression sur les partis de l’opposition pour les amener à accepter la fraude programmée dans la confusion et la précipitation. Après quoi, ils pourraient pondre une recommandation qui ne serait pas prise en compte en 2015, et ainsi de suite. Sous la haute bienveillance de l’Union Européenne, le cycle fraudes électorales- contestation-dialogue est recommandé aux Togolais qui devraient se rendre à l’évidence que l’oppression se nourrit du silence et de l’inaction, et que les partenaires extérieurs ne réagissent qu’au rythme des pressions internes. Aujourd’hui plus qu’hier, l’insurrection des peuples contre l’injustice et l’abus d’autorité est plutôt encouragée par les grandes nations démocratiques lorsqu’elles s’imposent comme une alternative pour des transitions démocratiques.
Abass SAIBOU
Le Regard N° 770 du 15 février 2012