Tout comme Awa Nana et Kissem Walla-Tchangaï, Angèle Aguigah en passe de sacrifier des milliers de Togolais

Transmission du chronogramme de la CENI au PM malgré les contestations

Tout comme Awa Nana et Kissem

Walla-Tchangaï, Angèle Aguigah en passe de sacrifier des milliers de Togolais

 

A la tête du bureau de la CENI, Madame Angèle Aguigah est allée remettre au Premier ministre Ahoomey-Zunu les dossiers concernant les législatives en vue. Le jeudi de la semaine dernière donc, Mme Aguigah a transmis au chef du gouvernement le chronogramme des activités électorales, les budgets de fonctionnement de la CENI et des opérations électorales. Enième acte qui renforce le sentiment que le gouvernement ne renonce pas à sa logique d’élections sur des bases unilatérales. Madame Aguigah va-t-elle être l’instrument d’un nouveau rendez-vous électoral qui finit dans le chaos ?

Une logique qui se confirme

En acceptant de recevoir la délégation de la commission électorale et de se faire transmettre officiellement les dossiers relatifs aux élections en vue, le Premier ministre a apporté de l’eau au moulin de ceux qui accusent son camp politique de préférer des élections organisées sur la base de règles particulières taillées sur mesure. M. Ahoomey-Zunu s’associe du coup à Madame Aguigah et à ses collègues dela CENIqui continuent d’évoluer comme si tout était normal au sujet des élections. L’un et l’autre apparaissent dès lors comme des agents d’un système qui a pris goût à faire des élections et à les gagner à sa manière.

Parlant à la presse, à la sortie de l’audience, madame la présidente a expliqué qu’ils sont allés remettre les dossiers, on l’a déjà dit, et échangé avec leur hôte sur ce qui a été fait, va l’être très prochainement. « Nous avons discuté avec le Premier ministre du contenu de ce  chronogramme, les tâches que nous avons déjà accomplies, celles qui sont en cours et celles qui doivent venir immédiatement dès la semaine prochaine » a indiqué en substance Mme Aguigah. On s’aperçoit nettement que, en dépit de la bouderie des adversaires politiques, le gouvernement de Faure Gnassingbé et de Séléagodji Ahoomey-Zunu ne semble rien comprendre. « Les chiens aboient, la caravane passe » semble-t-on dire. Pour preuve : la présidente a déclaré que des tâches ont été déjà accomplies. Peut-on croire qu’elles le sont de façon neutre et sans aucune manipulation ? Elle dit également quela CENIqu’elle dirige s’apprête à mettre en œuvre d’autres tâches dès la semaine qui vient, à quelles fins va-t-on le faire ? Nul ne peut en douter.

Comme Awa Nana et Kissem Tchangaï ?

La nomination de Madame Aguigah a rappelé sans doute aux Togolais des noms de femmes qui ont occupé la même responsabilité. Les Togolais se sont souvenus sûrement de Mesdames AWA Nana et de Kissem Tchangaï Walla. Chacune de ces compatriotes a eu à écrire des pages sombres de l’histoire électorale du pays.

La première qui a aujourd’hui la lourde charge de présider la cour de justice dela CEDEAOa marqué d’une manière particulière ses compatriotes et surtout la communauté internationale par ses attitudes en 1998. La présidentielle de cette année avait été conduite par une commission électorale dont elle était la présidente. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, feu Eyadèma avait laissé Gilchrist Olympio compétir contre lui. L’homme du 13 janvier croyait peut-être que le fils de sa victime de 1963 était un candidat de plus, un adversaire qu’il allait humilier grâce aux suffrages et au plébiscite des Togolais.

L’histoire renseigne plutôt que c’est selon toute vraisemblance l’homme du 13 janvier qui a connu la plus grosse honte de sa vie. Les résultats authentiques de ce scrutin du 21 juin 1998 n’ont jamais été connus mais tout porte à croire que le bulletin frappé du gros épi de maïs avait été bon pour remplir les sacs de jute disposés dans les isoloirs. Ce qui nous importe dans ce malheureux souvenir, c’est prioritairement le rôle joué par Awa Nana en cette année. Comme un fait de rêve, les Togolais apprennent le lendemain de scrutin que la présidente de la commission électorale a démissionné. Morbleu : que peut cacher une telle surprise ? Le mercredi suivant le dimanche du vote, la situation se clarifie. Prétextant de la situation inattendue créée par cette démission, le Général ministre de l’intérieur Séyi Mèmène reprend les procès-verbaux et proclame dans un processus célère les résultats : le candidat Gnassingbé Eyadèma remporte le scrutin avec 52,13% des suffrages exprimés. Quel rôle Awa NANA a-t-elle joué dans cette comédie ? A-t-elle démissionné de façon fantaisiste pour permettre à feu Eyadèma de réaliser son plan moribond ? L’histoire le dira un jour.

L’histoire n’aura pas besoin de beaucoup de recul ni de réflexion pour établir cependant la responsabilité d’une autre compatriote dans le dénouement calamiteux d’un rendez-vous électoral. Rien n’autorise en vérité à considérer des circonstances atténuantes ou un quelconque bénéfice du doute au profit de Kissem Tchagaï Walla. Présidente de la commission électorale nationale indépendante de 2005, la dermatologue a eu le courage de proclamer Faure Gnassingbé vainqueur de la présidentielle alors même que ce qu’elle a organisé ne ressemblait pas à des élections. Devant l’histoire, elle est coupable de complicité de fraude électorale et surtout de crimes organisés à grande échelle. Le rapport Koffigoh a avancé le chiffre de 150 morts, celui des nations unies le triple soit près de 500 morts. Madame Tchangaï Walla porte sur sa conscience le malheureux sort de tous ces citoyens.

Que va faire Angèle Aguigah ?

A la suite de ses compatriotes femmes ayant dirigé la commission électorale, Madame Angèle Aguigah a un défi à relever. Il lui faut choisir de briser le signe indien et la regrettable dynamique qu’elles ont ouverte. Ce que tous les Togolais souhaitent est que les législatives que la présidente Aguigah va organiser ne se termine pas dans le chaos comme ce fut le cas en 1998 et en 2005. Contre elle, les conditions de son élection constituent un handicap. Alors que tout le monde connaît ses relations avec le RPT et surtout avec le nouveau parti UNIR, on l’a fait passer pour une militante de la société civile pour l’imposer à la tête de la commission. A-t-on fait ce tour de passe-passe en espérant en tirer profit par la complaisance et la coopération de la présidente ? Tout autorise à le croire étant donné que les actes posés par la présidente une fois à la tête de la commission électorale ressemblent fort bien à du service sur commande.

Pourtant, beaucoup de Togolais ont cru que l’élection des femmes à la tête de la commission est un bon signe. Une croyance populaire insinue en effet que la femme est beaucoup plus sensible et plus raisonnable que l’homme. Son rôle et son statut de mère lui garantissent des qualités qu’on peut exploiter heureusement en politique, notamment, dans la gestion des élections. On donne l’exemple de madame Pogono qui a dirigé la cour constitutionnelle du Bénin avec panache et grande impartialité ; il y a aussi l’exemple dela Ghanéennequi dirige d’une main de fer heureuse la haute cour de justice de son pays. Mesdames Nana et Tchangaï Walla ont donné déjà le mauvais exemple. Angèle Aguigah est sur le même chemin. Pourra-t-elle rectifier le tir ? Ce sera bien entendu à son honneur et à son avantage. Il n’est jamais trop tard pour bien ou mieux faire.

Nima Zara

Le Correcteur N° 400 du 17 décembre 2012