TOGO : Une dette comme les autres

TOGO : Une dette comme les autres

30 octobre par Samir Abi

Retour sur le débat autour la dette publique togolaise organisée par Attac Togo et Visions Solidaires en présence de la Direction de la Dette publique et de la Banque mondiale en cet après-midi du 15 octobre. Au même moment, au pays du soleil levant, s’achevait l’assemblée générale des institutions de Brettons Woods en présence de nos distingués Ministres des finances et de la planification allés faire des courbettes pour de nouveaux prêts. La mise en débat de la dette publique togolaise par la société civile s’imposait deux ans après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE. En effet, que de cris de joie et de célébrations avaient marqué cet événement, il y a deux ans ! A la suite de cette nouvelle, le gouvernement avait fait miroiter au peuple la fin de toutes les misères. Deux ans après, quel bilan ?

Pour Mr Kotsolé, représentant la Direction de la dette publique, les acquis de l’initiative PPTE sont très salutaires. L’annulation de 95% des 324 milliards de F CFA de la dette publique du Togo envers les pays du Club de Paris a été, selon lui, une bouffée d’oxygène. Les 5% encore dûs (16 milliards de F CFA) pourront être totalement remboursés à la COFACE (France) et à l’ONDD (Belgique), selon les projections gouvernementales, d’ici 2015. L’autre bouffée d’oxygène, selon l’intervenant, est venue de la Banque mondiale avec l’annulation des dettes de l’IDA (une des filières du groupe Banque mondiale) et de la Banque Africaine de Développement au compte de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM). Le montant annulé serait de l’ordre de 357 milliards de F CFA. L’orateur a souligné deux faits nouveaux intervenus dans la stratégie d’endettement du Togo qui promettent une meilleure gestion de la dette dans l’avenir. Le premier de ces faits est la création d’un comité national de la dette publique en charge d’élaborer des stratégies d’emprunt et de gestion efficiente de l’endettement public. Ce comité est composé essentiellement d’experts des divers Ministères en charge des questions économiques. La société civile n’y est bien sûr pas invitée et pour cause : Pas assez d’expertise. Le second fait majeur, selon Mr Kotsolé, serait le recours de plus en plus marqué du Togo à l’endettement intérieur pour combler le gap budgétaire, contrairement aux années précédentes où le gouvernement avait recours à des prêts et des « dons » externes. Mais le constat sur le terrain est qu’en septembre 2012 le Togo avait déjà emprunté 55,77 milliards de F CFA sur le marché au taux d’intérêt de 6% et la Chine, de son côté, engraisse allègrement l’ardoise de la dette publique par la construction de multiples infrastructures.

 Même son de cloche chez Mr Tougma Yemdaogo, l’économiste de la représentation de la Banque mondiale au Togo, qui, en rappel de l’historique de l’initiative PPTE, a souligné l’importance du rôle joué par la société civile dans la venue de cette initiative à travers ses interpellations constantes sur la dette publique des pays les moins avancés. Le G7 et les institutions financières internationales ont donc, par l’initiative PPTE et l’IADM, satisfait, selon lui, les exigences de la société civile en prenant en compte au mieux les préoccupations des pays pauvres très endettés et de la société civile sur la dette et en mettant en place une nouvelle approche basée sur le dialogue et la concertation avec les états dans la conduite de leurs réformes économiques. Le bilan de l’initiative PPTE au Togo s’est caractérisé par le retour de la crédibilité du Togo vis-à-vis des institutions financières ce qui lui a permis de dégager des ressources pour faire face à ses politiques économiques et sociales.

Pour Mr Assignon Max, représentant l’intersyndicale des travailleurs du Togo, invité au débat pour donner le point de vue des travailleurs sur l’initiative PPTE : « Trop tôt pour tirer un bilan social au Togo de l’initiative PPTE ». Les syndicats togolais n’ont pas encore fait l’évaluation de l’initiative.

Et, au tour de la société civile de donner son point de vue. Comme on pouvait s’y attendre le débat fut houleux. Au début, la question de l’audit de la dette publique du Togo fut abordée et, très rapidement, les organisations de défense des droits de l’homme et les militants pour la justice environnementale, présentes à l’atelier, sont revenues sur les conditionnalités pour l’atteinte du point de décision puis du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Que d’efforts a dû consentir le pauvre citoyen togolais qui a vu ses frais d’électricité augmenter après une privatisation chaotique de la compagnie d’électricité nationale. Après avoir bradé à tour de bras les entreprises publiques l’État togolais se voit forcer la main par les IFI qui lui demandent, dans le cadre de son deuxième document stratégique de réduction de la pauvreté pour la période 2013 -2017, de baser sa croissance sur le secteur privé. On parle bien sûr de dialogue !!! Comment se baser sur le revenu aléatoire de la fiscalité sur les entreprises privées pour réaliser tous les investissements publics nécessaires afin d’améliorer le bien-être de la population et atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ? En quoi l’atteinte du point d’achèvement a-t-il permis d’avancer dans l’atteinte des OMD au Togo ?

 Le constat sur place est que dans les lycées publics de la capitale en cette période de rentrée scolaire, on retrouve des salles de classe avec trois élèves assis sur un banc prévu pour deux et que les hôpitaux restent toujours des mouroirs pour les femmes qui accouchent. Les investisseurs étrangers dans le secteur des mines attirés par l’amélioration du climat des affaires voulues par les IFI développent de façon anarchique des exploitations minières sans étude d’impact environnemental. Le débat est revenu sur la privatisation du secteur bancaire voulue par les IFI. En effet, malgré la surliquidité bancaire et le bénéfice record de 3 milliards de F CFA enregistré par les banques publiques togolaises en 2011, leur privatisation est réclamée par le FMI pour une « meilleure gestion ». Les lois des Institutions financières internationales sont impénétrables.