Libération de Senou et annulation des inculpations pour défaut de preuves dans l’affaire des incendies des marchés
face à l’incompréhensible maintien des autres détenus :
La consécration de l’arbitraire et du grand complot contre la lutte démocratique
S’il y a un secteur dont le fonctionnement suscite régulièrement la risée au sein de l’appareil d’Etat togolais, c’est incontestablement le pouvoir judiciaire, une aile marchante de l’Executif dont il est pourtant sensé être indépendant. En effet, les magistrats togolais se sont illustrés ces dernières années dans des affaires honteuses qui n’ont pas manqué de mettre à nu toute la pourriture qui gangrène cette corportation.
Le samedi 12 janvier 2013, le grand marché d’Adawlato à Lomé était dévoré par un immense incendie. Le bâtiment principal fut ravagé par les flammes causant des dégats économiques inestimables trois jours après les incendies du marché de Kara. Quelques heures plus tard, alors que l’incendie n’était pas encore totalement maitrisé, les forces de l’ordre ont procédé aux premières arrestations de présumés coupables de cet acte criminel. Tomety Toussaint alias Mohammed Loum, Hervé Senou, Honorable Kwami Manti, feu Etienne Yakanou et autres ont été arrêtés puis jetés en prison sans procès. Devant la vague d’indignations suscitées par ces arrestations arbitraires, le ministre de la Sécurité Yark Damehame s’était empressé de présenter des bidons comme étant les vases ayant contenu le liquide qui aurait servi à l’incendie. Une véritable bataille judiciaire s’est alors déclenchée entrainant par la suite l’inculpation d’autres personnalités politiques et de la société civile : Zeus Aziadouvo, Jean-Pierre Fabre, Me Jil-Benoît Afangbedji, Me Ata Zeus Ajavon ont été inculpés. Quarante mois après, le dossier n’a connu aucune évolution notable. Au contraire, ceux qui sont détenus continuent de croupir en prison sans qu’aucun procès ne vienne situer l’opinion sur leurs responsabilités et les peines encourues dans cette affaire. Etienne Yakanou y a d’ailleurs perdu la vie. Curieusement, le mardi 10 mai dernier en début de soirée, la libération d’un des inculpés en prison, Hervé Senou a été annoncée. Aucune précision n’a été donnée quant aux raisons de cette libération surprise d’un des détenus. Dans la foulée, on annonce également l’annulation des inculpations de Me Zeus Ajavon, Me Raphaël Kpandé-Adzare, Zeus Aziadouvo, Me Jil-Benoit Afangbedji, Claude Améganvi et Eric Dupuy pour dit-on défaut de preuves. Cet argument pour le moins insolite devrait avoir des implications beaucoup plus conséquentes que la seule libération de Hervé Senou. Pourquoi les autres accusés notamment Ignace Missehoun, Christophe Agbegnezi, Kwami Manti, Eklou Maurice et Mohamed Loum sont-ils encore gardés en prison ? La logique voudrait qu’ils soient aussi élargis et que les inculpations de Jean-Pierre Fabre, Jean Eklu, Alphonse Kpogo, Ouro-Akpo Tchagnao et autres soient aussi annulées. L’insuffisance de preuves signifie aussi que Yark Damehame avait menti à l’époque avec des bidons d’essence pour faire embastiller des innocents parmi lesquels un, Etienne Yakanou a perdu la vie à la Gendarmerie, faute de soins. Il apparaît donc que cette affaire était un complot, un plan de déstabilisation du Collectif Sauvons le Togo et que le gouvernement connaît mieux que quiconque les vrais auteurs de cette forfaiture qui a mis plus de 500 commerçants togolais sur le carreau. Sinon, comment la justice peut faire arrêter des gens, les envoyer en prison avant de chercher les preuves de leur accusation ? Dans cette affaire, Hervé Senou a perdu sa femme et un de ses enfants pendant qu’il était en prison.
L’article 13 de la Constitution Togolaise stipule à juste titre que « l’Etat a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national. Nul ne peut être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie ». Mais juste pour préserver le fauteuil présidentiel, Faure Gnassingbé a donc choisi de mettre, la justice et le respect de la dignité humaine sous ses bottes dans le seul but de s’en servir pour régler des comptes à des adversaires politiques jugés dérangeants. Cette façon de faire qui n’est pas sans danger au vu des éventuelles poursuites judiciaires qui attendent le Togo et les réparations financières que cela engendrerait est malheureusement le quotidien de certains esprits rétrogrades à l’image du ministre de la Sécurité Yark Damehame qui normalement n’a plus sa place dans le gouvernement togolais.
LE CORRECTEUR N°696 du Jeudi 12/05/2016