Réticences et tergiversations dans l’organisation d’un dialogue en vue des législatives
Des vraies raisons d’une attitude anti républicaine et antidémocratique
Les Togolais apprennent avec surprise sûrement que le pouvoir de Faure Gnassingbé rêve d’un boycott par les partis politiques non partis au gouvernement des législatives en préparation. Hypothèse incompréhensible pour les Togolais qui n’imaginent pas que dans ce pays on puisse encore envisager des élections unilatérales avec des résultats qui tutoient le plébiscite. Jusqu’à l’édition du 1er mai 2013 de la revue La Lettre du continent, les Togolais ont cru que c’est la volonté de victoire sans péril qui guidait les positions du pouvoir.
L’auto satisfecit de Faure Gnassingbé
Dans le discours du 26 avril dernier, Faure Gnassingbé a estimé que les conditions étaient réunies pour que les législatives se tiennent très bientôt. Selon lui, « les innovations et les réaménagements apportés au cadre électoral sont de nature(…) à garantir une compétition sereine, ouverte et transparente ». Selon toute vraisemblance, le chef de l’Etat fait allusion aux modifications unilatérales apportées au code électoral et au découpage électoral ces dernières semaines.
Il revient en effet que, entre autres décisions prises par le gouvernement UFC/UNIR, le nombre de députés à l’Assemblée Nationale a été augmenté pour passer de 81 à 91. Le découpage a été ainsi revu et repris, des préfectures ont perdu un député, pendant que d’autres en ont gagné ; la préfecture du Golfe disparaît, fondu dans la commune de Lomé pour un total de 10 députés pour l’essentiel. Cela suffit-il pour que le chef de l’Etat conclue à l’assurance d’une « compétition sereine, ouverte et transparente » ?
Ce qui est évident et qu’on doit souligner, c’est que les adversaires politiques de Faure Gnassingbé n’ont pas manifesté un enthousiasme visible face au nouveau découpage annoncé. En lieu et place de cet enthousiasme, ces adversaires ont réitéré leurs exigences liées aux réformes institutionnelles et constitutionnelles. Pour les adversaires, ces « innovations et réaménagements » annoncés ne suffisent pas pour les rassurer d’un scrutin transparent et démocratique. Leur indifférence indique cela et les observateurs de la politique nationale trouvent que, contrairement à l’autosatisfecit de Faure Gnassingbé, les lignes ne sont pas près de bouger véritablement vers ces législatives.
De ce fait, l’appel au bon sens et à la bonne volonté lancé par le chef de l’Etat dans le même discours « pour peu que chacun y mette un peu de bonne volonté » ne serait que de l’eau versée sur le dos du canard. Au cours de leur tournée européenne du mois d’avril, les adversaires politiques de Faure Gnassingbé ont soutenu devant les partenaires qu’un dialogue politique est nécessaire en vue d’une organisation consensuelle des législatives et de tous les scrutins à venir. Me Agboyibo, au cours d’une conférence-débats animée le 30 avril dernier, a évoqué le « dialogue d’application de l’APG » comme condition sine qua non à une meilleure gouvernance dans le pays. Le problème reste entier donc malgré « les innovations et les réaménagements ».
Vaincre sans péril
Si le pouvoir de Faure Gnassingbé est resté sourd aux revendications de ses adversaires politiques, bien d’observateurs pensent que ce choix répond à son souci de vaincre sans péril. Selon ces observateurs, ce n’est qu’un secret de Polichinelle que le pouvoir UNIR prend plaisir à maintenir le système électoral dans une situation de verrouillage étanche dans le but avoué de gagner toutes les élections sans coup férir. La composition et le fonctionnement de toutes les institutions intervenant dans le processus électoral sont ainsi contrôlés à dessein : le mode de désignation des membres de ces institutions a été retenu de façon unilatérale, le toilettage de décembre 2002 ayant prévu par exemple que la désignation des membres de la Cour Constitutionnelle aboutisse à un fonctionnement conditionné et orienté de l’institution.
Conséquence visible : les décisions de cette Cour ne sont jamais en défaveur du pouvoir, UNIR si elles doivent porter sur des sujets sensibles engageant la survie dudit pouvoir. A-t-on besoin de rappeler dans ce sens la décision scandaleuse prise par cette Cour lorsque le candidat du CAR à la présidentielle avait sollicité une décision pour dons et libéralités ? Etant donné que la plainte visait le candidat du pouvoir et qu’une décision sensée devrait être l’annulation des suffrages obtenus par ce dernier, la Cour s’était contentée de l’explication donnée par le coupable désigné pour conclure à la nullité de la plainte. Faut-il rappeler la décision arbitraire rendue dans le dossier des députés dits démissionnaires de l’UFC ? Alors que la Cour elle-même avait fait remarquer au président de l’Assemblée Nationale l’irrégularité de sa demande ou saisine, a ensuite validé l’exclusion des députés sans que l’irrégularité ait été corrigée ?
La remarque est valable pour l’autorité de régulation de l’audiovisuel et de la communication, pour la commission électorale, etc. C’est la volonté de vaincre sans péril qui explique la réticence morbide de Faure Gnassingbé de créer les conditions d’un scrutin véritablement transparent et démocratique. Car si les élections étaient organisées sur des bases démocratiques et consensuelles, le pouvoir UNIR connaîtrait la banqueroute à tous les coups, ainsi que le soutiennent analystes et observateurs.
Une nouvelle raison : pousser l’adversaire au boycott
C’est la revue française La Lettre du continent qui révèle l’intention cachée de Faure Gnassingbé. Dans son édition en date du 1er mai, la revue informe que toutes les réticences affichées par le pouvoir UNIR répond au seul objectif de pousser son opposition non complaisante à refuser d’aller aux élections. L’article indique notamment que « à travers ces tergiversations, les autorités togolaises jouent son propre calendrier en espérant lasser et pousser les différentes figures de cette opposition au boycott du scrutin ». Voilà qui est dit.
En 2002, feu Eyadèma avait pratiqué cette stratégie et les conséquences sont encore visibles ici et là. Pour avoir refusé de faire les réformes nécessaires, le défunt tyran avait poussé l’opposition au boycott et les résultats du scrutin lui ont permis d’avoir une Assemblée Nationale à son goût, à ses ordres, une Assemblée Nationale capable de faire sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel. Faure Gnassingbé, à en croire La Lettre du continent, a le même agenda. Une absence des partis de l’opposition comme l’ANC et le CAR sera pour lui comme du pain béni dont il se servira pour se mettre à l’abri pour longtemps. L’article de La Lettre du continent précise d’ailleurs qu’en poussant les radicaux au boycott, l’objectif serait de « privilégier le dialogue avec son opposition « molle » (et surtout de la) faire émerger ».
En lisant entre les lignes cet article, on découvre que Faure Gnassingbé se résout à pousser l’ANC et le CAR au boycott parce que le plan de neutralisation de cette opposition à travers l’enquête sur les incendies des grands marchés de Kara et de Lomé n’a pas produit les résultats attendus. L’article informe en effet que « l’affaire des incendies (…) a vainement répondu à cette stratégie visant à neutraliser les principaux pourfendeurs du régime ». Faure Gnassingbé réussira-t-il à pousser ses adversaires au boycott ? Il est sans doute trop tôt pour le savoir.
Nima Zara