Recommandations des ODDH ayant sanctionné la marche pacifique de protestation du 12 Janvier 2012

LES ORGANISATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME

ACAT-TOGO, ATDH, ATDPDH, CACIT,

CTDDH, LTDH, JDHO, NDH-TOGO

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Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme (ODDH) : l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-TOGO), l’Association Togolaise des Droits de l’Homme (ATDH), l’Association Togolaise pour la Défense et la Promotion des Droits Humains (ATDPDH), le Collectif des Associations Contre l’impunité au Togo (CACIT), la Coalition Togolaise des Défenseurs des Droits de l’Homme (CTDDH), l’association Journalistes pour les Droits de l’Homme (JDHO), la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) et l’association Nouveau Droits de l’Homme (NDH-TOGO), restent profondément préoccupées par les cas de violations récurrentes des Droits de l’Homme au Togo, notamment la torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, la recrudescence de l’impunité politique et économique, l’exacerbation de la corruption et de la répression, l’instrumentalisation systématique de l’institution judiciaire, la banalisation des propos récursifs antidémocratiques, xénophobes et ethnocentristes du préfet du golfe, M. Kofi MELEBOU, la vie chère, l’accroissement exponentiel de la pauvreté… pour ne citer que ceux-là.

Une actualité riche en violations des droits de l’homme

Des enlèvements, kidnappings d’étudiants

La crise universitaire, qui a déclenché en mai 2011 avec les revendications d’ordre académiques auxquelles se sont ajoutées les questions d’ordre matériel relatives aux conditions d’études et de vie des étudiants, s’est davantage exacerbée.

Dans l’actualité de cette crise, une AG d’information du MEET qui devrait avoir lieu le Mardi, 20 Décembre 2011 a été empêchée. Le Président de ce mouvement d’étudiants, M. ADOU Sébou et  Dix (10) autres camarades  ont été kidnappés et jetés dans des véhicules banalisés à plaques minéralogiques du Bénin, du Ghana et du Nigéria. Certaines voitures étaient sans immatriculation.

Dans la nuit du 07 Novembre 2011, les nommés Tchedina Egbare, Nabede Pawoubadi, Lare Kokou Manka, tous étudiants à l’Université de Kara, ont été enlevés nuitamment par des agents de sécurité sous prétexte qu’ils voulaient organiser une Assemblée Générale non autorisée.

Monsieur Hervé Kpatimbi Tyr, enseignant de Commentaire Stylistique en Lettres Modernes en la même Université a été également enlevé à son domicile aux environs de quatorze heures, le vendredi 11 novembre 2011.

Suite à la pression des étudiants qui menaçaient de déclencher un mouvement d’ensemble si leurs camarades et enseignant ne sont pas libérés et après le point de presse organisé par les OSC, ils seront tous mis en liberté le 15 novembre 2011 sans autre forme de procès.

Le Lundi le 26 décembre 2011 vers 20 heures, M. AGNITE dit Guillaume Soro, et M. BITSIOUDI dit Colonel BITCH ont été joint par M. BOUKARI Directeur de publication de la presse écrite « la Voix de la Kozah ». Ce dernier  a adressé une invitation orale au téléphone au nom de l’organe de presse suscité, pour leur poser certaines questions dans un Bar dénommé ‘GOHOU Michel’ dans le quartier Chaminade à Kara. A peine servis dans le Bar en compagnie de BOUKARI, les gendarmes surgissent et mettent la main sur les deux étudiants. En cours de route BITSIOUDI a réussi a s’échapper avec les menottes à la main et l’autre a été amené à la gendarmerie. Soulignons au passage que BITSIOUDI est le Vice-Président de l’UNEET (Union Nationale des Etudiants et Elèves du Togo) et AGNITE le porte parole de l’Association. Au même moment, le Président de l’UNEET, M. ALINKE M’Clawa YVES 4ème  Année d’Anglais était arrêté devant son frère dans un Bar au carrefour Tomdè par le Commandant OUADJA Gbandi de la gendarmerie. Plus tard dans la nuit de lundi vers 1 heure du matin le fugitif avec menottes, réussi à retourner dans son quartier pour se mettre à l’abri chez un ami accompagné de M. NAPO Tchein en 4ème Année Gestion et TAMAM Augustine, une étudiante tous deux membres de l’UNEET. Suite à une fouille vandale, les gendarmes ont cassé les portes et arrêté les trois étudiants. Aucun motif ne leur a été signifié, sauf que dans leur fouille, les gendarmes ont laissé entendre qu’ils sont à la recherche des étudiants qui ont cassé à Kara. Les étudiants clament toujours leur innocence.

des bavures militaires récurrentes et impunies.

Le mercredi, 03 novembre 2010, un an déjà, la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme a été saisie de l’enlèvement, le 24 septembre 2010, du nommé BARRY MAMOUDOU BELKO, de nationalité togolaise, dans son village à BOULDJOUARE dans la préfecture de Kpendjal.

Des informations recueillies ont fait état de ce que le sieur BARRY MAMOUDOU BELKO serait impliqué dans un braquage au Burkina Faso. Sans aucune forme de procès, il a été purement et simplement enlevé et remis à la police burkinabé par le Groupement de Compagnies de Dapaong.

Depuis ce jour, l’intéressé a manifestement disparu et toute sa famille et son entourage sont restés sans aucune nouvelle de lui.

Le mercredi 09 février 2011, le sieur Kokou Tanco Konou décède dans les cellules de la brigade anti gang 48 heures après son arrestation et dans des conditions jusqu’alors non encore élucidées. A ce jour aucune enquête n’a  été ouverte comme l’a demandé la LTDH le 28 février 2011 en saisissant la ministre des droits de l’homme, celui de la justice, le ministre de la sécurité avec ampliation au premier ministre, chef  gouvernement.

Le 1er avril 2011, aux environs de Vingt (20) heures, le nommé Atsou Mawuli AGOBIA, de nationalité togolaise, électricien-plombier de profession, meurt au poste de contrôle d’Akpokploè, à la frontière Togo-Ghana, des suites d’une altercation survenue entre lui et deux (02) militaires togolais en mission audit poste. Ces derniers ont fait usage de leurs armes à feu pour abattre le susnommé sous prétexte qu’il opposait un refus à leur contrôle de routine et qu’ils auraient découvert par-devers lui Soixante-dix (70) grammes de cannabis.

Le mercredi 19 octobre 2011, des informations ont fait état de quelques incidents qui se sont déroulés à Agbodrafo au cours de l’opération de saisis de carburant frelaté effectuée par la police nationale.  Le nommé Lawson Hétchéli Laté, vendeur avait été blessé par balle au cours de cette opération.

Tard dans la nuit, un communiqué de la police nationale faisait état d’un acte de dissuasion, d’un agent qui aurait tiré en l’air pour repousser les jeunes qui protestaient pour empêcher le convoiement du carburant saisi par la police.

Après les recoupements des divers témoignages collectés sur place, il a été constate que presque tous les témoignages semblent aller à l’encontre de la version officielle.

Le Samedi, 17 Décembre 2011, sous prétexte qu’ils détenaient du cannabis, des jeunes du quartier DADJI-KOLETO à ANEHO ont été poursuivis par des gendarmes jusqu’à leur dernier retranchement dans la mère. Le nommé Samuel DE MEIDEROS en sortira mort par noyade. Les enquêtes révéleront qu’il ne détenait pas de cannabis.

Le Mardi, 27 Décembre 2011 à KPOGAN, des agents de sécurité, dans une course-poursuite en vue de traquer des contrebandier d’essence frelatée, auraient tamponné un conducteur de taxi-moto, le nommé Koffi Nambou. Selon les informations bien recoupées, c’est le commandant de brigade (CB) de Kpogan qui, dans sa traque des contrebandiers, aurait renversé M. Koffi Nambou, alors qu’il allait de Kpogan vers Agbata, deux villages situés après Avépozo.

Le nommé Messan AJETE lui a été blessé par balle suite à un tire à bout portant par le CB. Transporté à l’Hôpital d’Aného et vue la gravité de sa blessure, il suivra une intervention chirurgicale le lendemain.

Le même évènement s’est presque répété le Lundi, 23 Janvier 2012. On note deux (02) blessés et une voiture brûlée.

Des arrestations arbitraires et détentions abusives

En avril 2005, les nommés da SILVEIRA Hermes Woamédé, l’Adjudant KPAKPO Kodjo, le Sergent AKAKPO Koami, le Sergent FOLLY Kodjo, le Caporal AMETEPE Yaovi et TUDZI Kossi ont été interpellés et poursuivis pour atteinte contre la sûreté intérieure de l’Etat. La LTDH, par deux reprises déjà, avait rencontré le chef de l’Etat qui a estimé à l’époque que ce dossier devra être confié au Conseil Supérieur des Militaires une fois mis en place. Depuis lors, rien n’est fait et après plus de Six (06) ans de détention, les prévenus encore présumés innocents, croupissent toujours en prison civile de Lomé.

Les affaires SAMA Essohamlon et AGBA SOW Bertin connaissent actuellement le même sort.

Les nommés KONSO Barouman et KAMANA Pyabalo, tous deux militaires, ont été interpellés depuis Janvier 2011 pour vol de pistolet. Leur hiérarchie les a fait passer à l’épreuve de l’ordalie. Ils seront réformés et mis à la disposition de la Gendarmerie Nationale où ils passèrent Cinq (05) mois de détention. En Août 2011, ils seront mis à la disposition de la justice qui a pris contre eux un mandat de dépôt et fait passer le dossier en procédure sommaire de flagrant délit. Entre temps, ces prévenus qui ne reconnaissent pas les faits à eux reprochés formulent une demande de mise en liberté provisoire qui a été rejetée. A l’audience du 18 Novembre 2011, le Ministère Public demande un nouveau renvoi pour comparution de la hiérarchie des prévenus. Leurs Conseils formulent de nouveau une demande de mise en liberté provisoire. Le Tribunal, à la demande du Ministère public, renvoie ce dernier à mieux se pourvoir, rejette la demande de mise en liberté provisoire et réserve les dépens. Le 25 Novembre 2011, ils seront extraits de la prison civile de Lomé et gardés de nouveau à la Gendarmerie Nationale. Le 30 Novembre 2011, les responsables du SRI entreprennent de les mettre en liberté, mais contacté, le Parquet d’instance s’y oppose.

Le cas du nommé UBARY Osita, interpelé le 06 Septembre 2011 sans charges certaines et libéré le 16 Septembre 2011 sur intervention de la LTDH.

Le cas de M. MAKO Mamoudou soupçonné de meurtre sur jeunes filles, et sans qu’il ne soit relevé contre lui quelques indices graves et concordants que soient, a été interpellé par le SRI le 23 Octobre 2011 et libéré le 05 Novembre 2011 sur intervention de la LTDH.

Le cas du nommé ADIBOLA Rachid, interpelé le 20 Octobre 2011 et libéré le 16 Novembre 2011 sur intervention de la LTDH.

Le Samedi 12 Novembre 2011, le nommé OURO KOURA Koumaï, militaire à la retraite, a été enlevé à Agbalépodogan, soupçonné de faire partie du réseau des présumés auteurs de meurtres sur les jeunes filles. Il a été gardé à la Brigade de Recherches ANTI-GANG à l’insu de sa famille qui, après quelques jours de recherches infructueuses, commence par organiser son deuil. Dix (10) jours plus tard, sa femme aura des nouvelles de lui et entreprit de lui rendre visite. Mais par deux fois, elle n’a pu avoir accès à son mari. Elle n’aura accès à lui que le Samedi 26 Novembre 2011, soit deux semaines plus tard, grâce à l’intervention du Président de la LTDH qui a accompagné la femme du susnommé à la Brigade ANTI-GANG. Le Dimanche, 27 Novembre 2011, le sieur OURO KOURA Koumaï a été mis en liberté sans autre forme de procès.

La résurgence de la torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants

Des informations font état au Togo de ce que plusieurs personnes poursuivies d’abord pour tentatives d’atteinte contre la sûreté de l’Etat et ensuite pour complot contre la sûreté de l’Etat, ont été soumises à de terribles et ignobles formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants à la Gendarmerie Nationale de Lomé, au Camp Général Gnassingbé Eyadéma à Lomé et surtout dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement, une agence dirigée par le Colonel MASSINA Yotroféi et placée directement sous l’autorité hiérarchique du Chef de l’Etat togolais, Faure Essozimna GNASSINGBE.

Toutes ces personnes sont passées par l’ANR où elles ont été détenues au secret, y ont passé plusieurs jours, privées de toutes sortes de visites, et ce en violation des dispositions contenues dans l’« ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme de quelconque de détention ou d’emprisonnement », adoptés par les nations unies.

Les actes de torture avaient essentiellement pour but de les amener à faire des aveux dans le sens voulu par les tortionnaires.

Ces actes ont consisté essentiellement à de véritables passages à tabac, à les arroser d’eau entièrement glacée pendant la nuit durant, à les maintenir sous la pluie, à les menotter et à les suspendre contre des poteaux, à simuler contre elles des pelletons d’exécution, à les empêcher de dormir par des séances de tambourinades sur les portes de leurs cellules et par des groupes électrogènes mis en marche toute la nuit, à les faire coucher tout nu à même le sol cimenté et mouillé pour la circonstance, sous les piqures intenses de moustiques, à les priver de nourritures, de leurs médicaments et de leurs brosses à dents pendant des semaines, voire des mois entiers, à les menotter par derrières durant de longs moments d’interrogatoires, à les contraindre à regarder fixement le soleil sans battre paupières, à les obliger à faire leurs besoins dans les cellules où elles se couchent, à les empêcher de recevoir des visites de leurs parents, de leurs Avocats et de leurs amis.

Malgré la pertinence de toutes ces pratiques et même l’existence de preuves incontestables y afférentes, la plupart de ces victimes de tortures ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement sans qu’aucune poursuite ne soit diligentée contre les présumés tortionnaires.

La rafle du 22 Octobre 2011 a montré elle aussi des mauvais traitements réservés aux prévenus qui de surcroît sont présumés innocents. Ces hommes ont été contraints de tourner autour du mât à la recherche d’un rat fictif qui devait sortir de quelque part. Et pendant qu’ils tournaient en rond et guettait ce rat fictif, l’officier de police désignait ceux qui devaient être gardés et ceux qui devaient être relâchés. On voit bien qu’aucun critère n’a été défini pour rechercher véritablement ceux qui troublent la tranquillité de la population.

Le 08 Novembre 2011, à la prison civile de Lomé, les femmes qui visitaient leurs proches ont été soumises à des fouilles à nue. Deux gardiennes de prison ont été affectées à ce traitement humiliant et malsain. Elles ont porté chacune des gangs uniques qui servaient à « fouiller » les parties génitales des femmes et à tripoter leurs seins et à fouiller les repas apportés à leurs proches emprisonnés.

L’impunité est érigée en règle

La culture de l’impunité semble faire école au Togo.

En effet et au plan des droits civils et politiques, plusieurs plaintes déposées au lendemain de la boucherie humaine de 2005 par le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) sont restées sans suite.

La décoration le 27 avril 2011 du Colonel MASSINA Yotroféi, principalement cité et de manière récurrente dans les cas de torture à l’ANR par le Chef de l’Etat au Grand Croix de Mérite pour des « services rendus à la nation ». Cette décoration tombait au moment où les ODDH dénonçaient avec insistance des pratiques de torture et appelaient les plus hautes autorités du pays à prendre les mesures idoines en vue de mettre fin à ces pratiques et de sanctionner les auteurs.

Sur le plan économique, le pillage systématique des biens de l’Etat par un groupuscule de personnes pendant des décennies a fait basculer le pays dans un processus d’endettement qui culmine avec l’admission du Togo à l’initiative  des Pays Pauvres très Endettés (PPTE).

L’économie est essentiellement tournée vers la recherche du gain et du profit personnel et elle étouffe la dimension sociale et l’être humain.

Les grandes sociétés d’Etat qui constituent le poumon économique du pays (le Port Autonome de Lomé, la SNPT, TOGO TELECOM, TOGOCEL, la Douane togolaise, la LONATO, la DGI) sont contrôlées par des proches du régime de façon clanique, dans une opacité totale, et malgré les multiples échos qui font état de pratiques non conformes aux règles de l’orthodoxie financières, aucune action concrète n’a été entreprise ni de l’autorité politique, ni de l’autorité judiciaire en vue de mettre fin à cette hémorragie qui saigne à blanc l’économie nationale : l’impunité économique s’installe en grande place à côté de l’impunité politique et tend même la supplanter.

Pour preuve, le procès Kpatcha Gnassingbé a révélé que la bagatelle somme de vingt neuf (29) milliards a été décaissée d’une société d’Etat pour soutenir le candidat du parti au pouvoir lors de la présidentielle de 2010.

L’indépendance de la Justice mise à rude épreuve : la justice est instrumentalisée

L’affaire KPATCHA GNASSINGBE et autres et celle des 9 députés de l’ANC illustrent à suffisance la méconnaissance des règles d’un procès équitable.

Dans l’affaire KPATCHA, la plupart des prévenus, d’ailleurs détenus au secret dans les locaux de l’ANR, ont été privés d’Avocats par dissuasion sous prétexte que le différend se règlerait en famille, ceci malgré les demandes persistantes, expresses et renouvelées des détenus à solliciter les services d’un Avocat. Et lorsque finalement ils en ont constitué un, tout était mis en œuvre pour empêcher ce dernier de travailler sereinement avec les prévenus.

De plus, avant que les prévenus ne soient jugés, ils étaient privés de leurs salaires, les comptes bancaires de la plupart d’entre eux bloqués, en méconnaissance de la présomption d’innocence.

D’autre part, on a vu au cours de ce procès, « une justice s’aplatir dangereusement, lâchement et grossièrement devant les galons de la hiérarchie militaire ».

D’abord, aucun des témoins que la défense a demandés à la Cour de citer, en vue de faire des confrontations sur les cris douloureux de torture, n’a daigné comparaître.

Ensuite, les témoins cités par l’accusation, notamment le Général TITIKPINA, le Colonel KADANGA, se sont abrités derrière le fameux « secret défense ou raison d’Etat » pour refuser de répondre aux questions des Avocats destinées à la manifestation de la vérité.

Enfin et plus grave encore, devant la Cour, l’un des témoins, en l’occurrence le Colonel KADANGA, a laissé entendre violemment à la Cour : « KPATCHA est un gros menteur. Il ment pour sortir. Il ne sortira pas. »

La Cour Suprême du Togo qui n’a pas réagi contre cette intervention intempestive et alors que les Avocats de la défense n’avaient pas épuisé leurs questions, a tout simplement demandé au Colonel KADANGA de se retirer.

Les droits de la défense impliquent absolument le droit d’être entendu. Ce dernier signifie que sous réserve des cas où la loi en a disposé autrement, le principe des droits de la défense suppose qu’une mesure individuelle d’une certaine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peut être prise par une autorité administrative ou judiciaire sans entendre au préalable la personne qui est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure, sauf si cette dernière constitue par nature une mesure de police.

L’affaire des 09 députés a été encore plus retentissante car elle a été connue de la Cour de Justice de la CEDEAO. Cette décision mentionne la violation du droit d’être entendu non sans avoir relevé les dispositions de l’article 10 de la DUDH et celles de l’article 7 de la CADHP, et de conclure que « dans les circonstances de l’espèce, la Cour conclut à la violation de la part du Togo, du droit des requérants à être entendu » « et que les requérants ont été privés d’un droit fondamental de l’Homme qui est le droit à un procès équitable ».

Cette décision, avant tout, montre la partialité dont fait montre la Cour Constitutionnelle du Togo. Celle-ci avait approuvé la prétendue démission des députés.

Enfin et pour une fois, un député encore en fonction a été jugé sans que son immunité ait été préalablement levée, et cela en violation des articles 53 de la Constitution togolaise, 77, 78 et 79 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale.

Des tentatives d’intimidations et de musèlement de la presse

Force est de constater malheureusement que les journalistes ont continué par être inquiétés, voire menacés dans leur mission d’information.

En Juillet 2011, des menaces de mort qui viendraient de l’Agence Nationale de Renseignement ont été proférées à l’encontre des journalistes. Une marche organisée par des journalistes, soutenue par les ODDH, en vue de protester contre cette situation a voulu être empêchée à coups de grenades lacrymogènes par la gendarmerie togolaise alors que les conditions légales préalables prévue pour une manifestation de ce genre furent remplies par les organisateurs.

Une autre manche de cet acharnement contre les journalistes au Togo est caractérisée par les mises en demeure et convocations des journalistes et radios par la HAAC, les citations en cascade de certains journaux jugés trop critiques envers le pouvoir. En effet, au mois d’Août 2011, les journaux « Indépendant Express » et « Liberté », ont publié une série d’articles sur une cargaison de riz présumé toxique, importé en vrac, par dame Julie Béguédou, Directrice de la Société Elisée Cotrane.

Comme pour confirmer la sonnette d’alarme lancée par les journaux susmentionnés, le Ministre du commerce, s’est placé dans une position d’avocat de Madame BEGUEDOU en sortant un communiqué condamnant et vilipendant les journalistes auteurs de ces informations.

Pour l’importatrice, seule une infime quantité du riz importé est toxique et cette partie aurait été enlevée. Elle s’estime victime d’une diffamation et cite les deux journaux par-devant le Tribunal de Lomé le 19 octobre 2011 pour divulgation de fausses nouvelles et diffamation et sollicite la condamnation du journal « Indépendant Express » au paiement d’une somme de Trois (03) milliards de F CFA à titre de dommages-intérêts et 1 franc symbolique pour préjudice subi pour diffamation. Le ministère public quant à lui a requis une amende de Huit Cent Mille (800.000) FCFA. La sentence ne s’est pas fait attendre. Elle a pris l’allure d’une véritable tentative d’intimidation et de musellement de la presse : Huit Cent Mille (800.000) F CFA d’amende et Deux Cent Millions (200.000.000) F CFA à titre de dommages et intérêt.

Deux autres journaux, le quotidien privé « Liberté » et l’Hebdomadaire                 « L’Alternative » sont également cités devant le même Tribunal pour les mêmes infractions. La partie civile, Dame Cina LAWSON, Ministre des Postes et Télécommunications, réclame Quatre Cent Millions (400.000.000) F CFA à titre de dommages et intérêts.

Plusieurs radios notamment Providence, Métropolys, Carré-Jeunes et X-Solaires ont été fermées par l’ARTP pour défaut de récépissé et vétusté des équipements18. Or aux termes des dispositions de l’alinéa 3 in fine de l’article 26 de la Constitution du 14 Octobre 1992, « l’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice ».

D’autres radios à l’intérieur du pays restent encore dans le viseur de l’ARTP.

Des propos antidemocratiques, xenophobes et ethnocentriques du Préfet du Golfe, M. Koffi MELEBOU

En effet, au cours d’une rencontre de sensibilisation organisée le 20 juin 2011 au Palais des Congrès de Lomé par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), le Préfet du Golfe, Monsieur Koffi MELEBOU a tenu publiquement des propos selon lesquels :

 « La répression est un facteur de la démocratie. Il n’y a pas plus de répression au Togo qu’en France et ailleurs. »

Les ODDH estiment qu’en faisant une telle déclaration à de telles périodes peu favorables à la réconciliation nationale et au cours de pareilles rencontres, le Préfet du Golfe vient de porter un coup dur au processus de réconciliation nationale et de démocratisation en cours dans notre pays.

Que, finalement, les populations qui s’inquiétaient déjà pour les répressions sur le campus de Lomé et les suites à donner à ces malheureux incidents, peuvent trouver crédit à croire que tous les propos des plus hautes autorités du pays, pour l’apaisement du climat social ne sont que des leurres.

C’est parce que la démocratie requiert la pratique du dialogue à tous les niveaux aussi bien entre les citoyens, entre les partenaires sociaux, entre les partis politiques, qu’entre l’Etat et la société civile, les ODDH refusent de croire que la répression puisse être un facteur de cette démocratie.

Parce que, dans le souci d’une vie politique apaisée, la démocratie exige des Etats, de prévenir, et le cas échéant régler de manière pacifique, les conflits, les contentieux et les tensions entre groupes politiques et sociaux, en recherchant tout mécanisme et dispositif appropriés, les ODDH réfutent cette thèse inculte et délétère selon laquelle la répression est facteur de la démocratie.  

De plus, à travers une intervention improvisée le jeudi, 22 Décembre 2011, à Aflao Sagbado, au cours de la cérémonie lançant le projet de renforcement et d’extension du réseau électrique de la CEET, le préfet du golfe a déclaré : « La dernière fois, des gens se sont permis de détruire des biens dans la ville de Kara. Et ils se sont levés, ils ont mis les tamtams, les radios, les télévisions et ils dansent que oui désormais à Kara aussi on casse. Justement, nous savons ceux qui ont cassé. Kara est un village, on se connaît et on les retrouvera, ils vont reconstruire ça c’est clair et net. Les étudiant natifs de Kara continuent de nous appeler pour nous dire qu’ils regrettent, qu’ils ne savaient pas que c’est comme ça que ça allait se passer parce que eux, personne n’a cassé une seule ampoule dans la ville de Kara ».

Il poursuit au regard des « images, que ce n’est pas les enfants natifs de la ville de Kara » mais plutôt des enfants qu’on a envoyés à Kara parce que l’UK produit de bons résultats, « qui ont exporté les mauvaises habitudes de la capitale à Kara ».

Il conclura : « Nous nous préparons pour faire face à tous ceux qui tentent de détruire le pays ».

Ces propos sont d’une anticonstitutionnalité inégalable : l’article 48, alinéas 3 et 4 de la Constitution du 14 Octobre 1992 dispose :

« Tout citoyen a l’obligation de préserver l’intérêt national, l’ordre social, la paix et la cohésion nationale.

Tout acte ou toute manifestation à caractère raciste, régionaliste, xénophobe sont punis par la loi ».

Le pillage systématique des richesses nationales par une minorité : l’accroissement exponentiel de la pauvreté et l’amplification de la grogne sociale

Sur le plan des DESC, l’Etat est loin de satisfaire à ses obligations : le pillage systématique des biens de l’Etat par un groupuscule de personnes pendant des décennies a fait basculer le pays dans un processus d’endettement qui culmine avec l’admission du Togo à l’initiative PPTE.

Or notre pays regorge de grandes entreprises publiques et les régies financières qui constituent le poumon économique du pays tels que le Port Autonome de Lomé, la SNPT, TOGO TELECOM, TOGOCEL, la Douane togolaise, la LONATO, la DGI…

Malgré les multiples échos qui font état de pratiques non conformes aux règles de l’orthodoxie financière, aucune action concrète n’a été entreprise ni de l’autorité politique, ni de l’autorité judiciaire, en vue de mettre fin à cette hémorragie qui saigne à blanc l’économie nationale : l’impunité économique s’installe en grande place à côté de l’impunité politique et tend même à la supplanter.

Au plan social, cette prise en otage des richesses du pays par une minorité a plongé  les populations togolaises toute entière dans une misère effroyable.

L’augmentation récente et par deux fois et sans fondement des prix des produits pétroliers contraste avec la stagnation de la grille salariale avec pour conséquence, la diminution du panier de la ménagère,  la flambée des prix des produits de premières nécessités entraînant un accroissement exponentiel de la pauvreté.

L’augmentation récente des prix des produits pétroliers, par deux fois et sans fondement, contraste avec la stagnation de la grille salariale avec pour conséquence, la diminution du panier de la ménagère,  la flambée des prix des produits de premières nécessités entraînant un accroissement exponentiel de la pauvreté.

Le citoyen togolais reste affamé. Il est loin de rêver les trois repas journaliers.

Le Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté (Complet) –DSRPC – tant clamé pour venir à bout  de la pauvreté n’a pu opérer le miracle. La conséquence directe de cette défaillance politique, économique et sociale est l’amplification de la grogne sociale : élèves, étudiants, enseignants du secondaire et du supérieur, médecins, les agents du secteur des eaux, de la CEET, pour ne citer que ceux-là, sortent de leur silence ; les uns investissent la rue et les autres désertent leurs lieux de travail et observent des mouvements de grève.

La Cour des Comptes, juge des comptes des comptables publics est en principe chargée de la vérification des comptes et de la gestion des établissements publics et des entreprises publiques, ainsi que du contrôle de l’exécution des lois de finances. Malheureusement, depuis sa création, cette Cour, malgré les informations récurrentes et persistantes faisant état de détournements avérés de deniers publics, n’a daigné ouvrir une enquête pour situer l’opinion. Bref elle n’existe que de nom.

Les travailleurs sont dans une précarité effroyable. Les lieux de travail sont plutôt déshumanisés, surtout dans les entreprises de la Zone Franche où la réglementation du travail a pendant longtemps échappé à l’Etat.

Les travailleurs y sont soumis à un fort taux de travail au rythme irrégulier et malsain contre un salaire de misère.

Et la moindre revendication est synonyme d’un renvoi pur et simple, sans autre forme de procès.

C’est à l’Etat qu’il revient de réguler tous ses secteurs.

La paix et la justice sociales sont fortement mises en cause, parfois inexistante.

La répartition équitable des richesses nationales reste un vœu pieux.

Et pendant que les comptes des enfants de certains barons togolais à l’étranger regorge de milliards, le pauvre citoyen togolais n’a de quoi se nourrir, se soigner, se vêtir, se loger, avant que de penser au payement de la scolarité de ses enfants.

Et comme l’a souligné le Pape Benoît XVI lors de sa récente visite au Bénin voisin, « Ces derniers mois, de nombreux peuples ont manifesté leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre harmonieusement dans la différence des ethnies et des religions. Nombreux ont été également les conflits engendrés par l’aveuglement de l’homme, par sa volonté de puissance et par des intérêts politico-économiques qui font fi de la dignité des personnes ou de celle de la nature ».

Comme le Tunisien, l’Egyptien, le Libyen, le citoyen togolais aspire à la liberté ;

Il veut vivre dignement ;

Il veut de bonnes écoles et de la nourriture pour les enfants ;

Il veut des hôpitaux dignes pour soigner les malades ;

Il veut être respecté ;

Il revendique une gouvernance limpide qui ne confonde pas l’intérêt privé avec l’intérêt général ;

Et, plus que tout, il veut la justice et la paix.

Chaque citoyen togolais veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il s’insurge contre la manipulation et la corruption ;

Il veut participer à la gouvernance et à la gestion des affaires de la cité.

 

Revendications

Au vu de ce qui précède et après moultes démarches des ODDH (démarches administratives, alertes, déclarations, dénonciations, pétitions, publications de rapports, lobbyings, sit-in, marches pacifiques de protestation…) pour attirer l’attentions des autorités togolaises sur ce recul avéré et dangereux constaté en matière de promotion, de protection et de défense des Droits de l’Hommes au Togo, les ODDH susmentionnées ont de nouveau, au cours d’une grande marche pacifique de protestation qui s’est déroulée le Jeudi, 12 Janvier 2012 et qui a mobilisé plus de Trente Mille (30.000) Togolais, crié leur ras-le-bol face aux violations répétées des Droits de l’Homme au Togo et formulé les revendications ci-après :

1-     La cessation de l’instrumentalisation de la Justice, par l’Exécutif, pour éviter les jugements iniques ;

2-     La cessation à partir de ce jour, de la répression des manifestations pacifiques au Togo et les enlèvements et kidnapping, les actes de torture et d’autres formes les traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces de sécurité ;

3-     La publication sans délais du rapport de la CNDH sur les actes de tortures accomplis par l’ANR, aux fins de poursuite et du jugement des tortionnaires responsables, et la fermeture de cette agence de répressions barbares ;

4-     La libération des prisonniers politiques, tels que :

–          L’Adjudant KPAKPO Kodjo, le Sergent AKAKPO Koami, le Sergent FOLLY Kodjo, le Caporal AMETEPE Yaovi et Monsieur TUDZI Kossi arrêtés et jetés  innocemment en prison depuis avril 2005 sans jugement, AZANLEKO Narcisse, ASSIMA Kokou ;

–          Kpatcha GNASSINGBE et codétenus injustement condamnés dans une ténébreuse affaire de complot contre la sûreté de l’Etat par une juridiction qui n’a pu leur offrir les garanties sérieuses d’un procès juste et équitable, notamment celle d’indépendance et d’impartialité ;

–          La réintégration immédiate et sans condition des officiers et hommes de troupes injustement radiés de l’armée dans cette même affaire ;

5-     La libération immédiate et sans condition les personnes arbitrairement, abusivement et injustement condamnées et/ou détenues, notamment Eugène ATTIGAN-AMETI, AGBA Sow Bertin ;

6-     Le respect scrupuleux par le gouvernement de l’article 52 de la Constitution togolaises de la 4ème République du 14 Octobre 1992 et l’application effective de la décision de la Cour Commune de la CEDEAO dans l’affaire des 9 Députés de l’opposition injustement révoqués de l’Assemblée  Nationale Togolaise ;

7-     La réouverture immédiate et sans condition de Radio X-Solaire fermée  arbitrairement et illégalement depuis le 29 Novembre 2010 par l’ARTP ;

8-     La prise, par les autorités en charge de la sécurité, de mesures idoines et urgentes en vue de mettre un terme aux bavures militaires récurrentes, notamment en sanctionnant les contrevenants ;

9-     La prise par le gouvernement des mesures idoines, adéquates et immédiates pour juguler les effets de la vie chère ;

10- L’application effective et de bonne foi des accords intervenus d’une part entre le gouvernement et les étudiants des universités de Lomé et de Kara et d’autre part entre le gouvernement et le enseignants ;

11- La mise en œuvre effective de toutes les recommandations faites par la mission d’observation de l’Union Européenne après les législatives de 2007 et la présidentielle de 2010, associant tous les acteurs de la vie sociopolitique, y compris les Organisations de la Société Civile en général et les ODDH en particulier, avant d’envisager tout processus électoral digne de ce nom ;

12- La révocation sans délai,  du Préfet du Golfe, monsieur MELEBOU Koffi de ses fonctions, pour ses propos antidémocratiques, xénophobes et ethnocentristes.

Les ODDH attachent du prix à la satisfaction totale, sans délais, ni conditions aux revendications suscitées. Face aux évènements planétaires générateurs de détresse et de violence, les ODDH affirment que le temps des consciences éclairées, déterminées, agissantes et tranquilles est venu. C’est pourquoi elles restent plus que jamais résolues et engagées à faire respecter par tous les moyens les droits de chaque citoyen.

Car, comme le disait René Samuel Cassin : « Il n’y aura pas de paix sur cette planète, tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde ».

Fait à Lomé le 12 Janvier 2012

POUR ODDH,

 

Me Ata Messan Zeus AJAVON