L’accouchement a été difficile, mais le bébé est quand même sorti. UNIR (Union pour la République), c’est le nom de la nouvelle formation politique que Faure Gnassingbé et ses amis « réformateurs » ont portée sur les fonts baptismaux samedi dernier. Pour y parvenir, « l’esprit nouveau » et son club ont dû provoquer la mort par euthanasie de l’ancêtre RPT qui refusait de céder son berceau à l’enfant UNIR. Quels souvenirs garder de ce parti ?
Cauchemar, c’est le mot juste pour désigner le parti cinquantenaire dont la dépouille mortelle a été conduite à sa dernière demeure samedi 14 avril 2012. Lorsque le parti unique était affaibli en 1990 suite aux soulèvements d’un peuple exaspéré par plus de vingt ans de brimades et d’exactions, la génération d’alors croyait que la suivante vivrait mieux qu’elle. Elle s’était trompée. Le rêve s’est transformé en cauchemar. Le peuple dans sa grande majorité n’a gardé du Rassemblement du Peuple Togolais qu’une réputation d’horreurs dont les plus abominables sont les bavures longtemps commises dans l’ombre par le régime et mises en lumière par la conférence nationale souveraine, mais également celles d’après qui ont pour noms l’attaque contre la Primature par les Forces Armées Togolaises le 03 décembre 1991, les victimes de la lagune de Bè ; les assassinats politiques (Tavio Amorin, Marc Atidépé….), la séquestration en octobre des Hauts Conseillers de la République ave à leur tête un homme d’église, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro mis à genoux sous le chaud soleil d’Afrique sur l’esplanade du Palais des Congrès de Lomé, par l’armée qui s’était chargé de lui ôter sa calotte. Des actes d’une rare bestialité que le parti n’a jamais condamnés. Voilà autant d’événements auxquels il faut ajouter les hold-up électoraux, les tripatouillages constitutionnels, qui ont fait basculer dans une impasse profonde le destin de la transition démocratique.
C’est en vain que l’ex Secrétaire Général de l’OUA, Edem Kodjo, avait proclamé à la faveur de la conférence nationale souveraine, la dissolution du RPT. Chat échaudé craignant l’eau froide, le régime alors incarné par le Gal Eyadéma va davantage s’enraciner et se transformer en une machine à broyer les vies humaines, à restreindre les libertés individuelles et collectives et en un véritable instrument de siphonage systématique des richesses du pays. Le Togo ne s’en est jamais remis jusqu’en 2005 quand une « catastrophe nationale » va s’abattre sur le pays (pour reprendre de l’ex Premier ministre Koffi Sama), avec la mort du père fondateur du RPT. Une disparition qui avait suscité des espoirs d’alternance. Ce n’était qu’une sourde espérance qui a vite fait de disparaître. Alors que la Constitution prévoyait que c’est le président de l’Assemblée nationale qui devait assumer l’intérim, les alchimistes de la machine RPT ont trouvé la formule adéquate pour écarter Fambaré Natchaba. Et en ce jour du 05 février 2005 enveloppé par le zéphyr de la mort de « Gnass », des généraux de l’armée togolaise ont fait allégeance à l’un des fils du Timonier, qui au fil du temps va les remercier en monnaie de singe pour enfin dissoudre l’héritage commun : le RPT. S’en est suivie une parodie d’élection soldée par un bain de sang jamais connu dans l’histoire du pays. S’ouvre alors une longue série de rafistolages politiques que sont les dialogues aux issues incertaines, des accords politiques bizarres, des gouvernements d’absorption nationale qu’on appelle gouvernements d’union nationale, de large ouverture ou de grandes compétences.
2010 ne fera pas exception à la règle. Comme le premier, le second mandat de Faure est vastement chahuté. Crises dans les universités, grèves des enseignants et du corps médical, hausse anarchique des prix des produits pétroliers, tentatives de musèlement de la presse privée (fermeture de la radio X solaire, procès en cascade contre les journaux…), exclusion des députés en violation de la constitution togolaise et des textes internationaux et même le rappel à l’ordre des juridictions supranationales, le dossier pourri de l’Agence nationale de renseignements, le traitement réservé au rapport de la Commission nationale des droits de l’homme, le fameux processus de réconciliation nationale, sans oublier le procès dans la fameuse affaire de tentative de coup d’Etat, l’emprisonnement des opérateurs économiques (Sow Bertin Agba et autres), le Casier judiciaire du RPT est resté noir même sept ans après la disparition de son géniteur.
Aujourd’hui, le RPT n’est plus. Est-ce une rupture avec les vieilles méthodes rétrogrades ou tout simplement une stratégie de conservation du pouvoir ? Beaucoup d’indices inclinent à la deuxième hypothèse. En tout cas, le Togo durablement fauché par 45 de règne sans partage, traîne une image dévalorisée que le pouvoir ne cesse de raboter par un nombre considérable de ce que nous appelé plus haut rafistolages politiques qui ont débouché le 14 avril dernier sur la naissance d’une nouvelle formation politique sortie des entrailles du RPT. Une vieille marchandise dans un nouvel emballage en somme. Le théâtre de Blitta et la comédie d’Atakpamé ne sont qu’un miroir aux alouettes, une triste exaltation destinée à émousser la faculté de juger des parasites et autres thuriféraires qui vivent de la cour.
A quand les vraies réformes constitutionnelles et institutionnelles pour remettre ce pays naufragé qu’est le Togo ? C’est là l’essentiel. Tout le reste n’est que folklore.
Ambroise DAGNON