Modernisation de la Télévision Togolaise (TVT) : La combine des 20 milliards ou le rendez-vous des rapaces

 

La Télévision togolaise se modernise, les magouilles aussi. Corruption, combines, mensonges divers, règlements de comptes, querelles, mécontentements et frustrations minent le parcours de modernisation de la chaîne nationale. Annoncé en fanfare, cela n’a été qu’un feu de paille. La commission de préfinancement a été touchée et partagée entre les premiers démarcheurs, au grand dam d’autres candidats à la corruption qui s’en sont offusqués. Véritable bal de poussière puisqu’à ce jour, rien ne se matérialise concrètement par rapport aux promesses de ce marché de dupes. Et c’est encore la gouvernance qui est mise à rude épreuve. Une méthode au Togo.   

Dans le cadre de la modernisation de la télévision nationale, le gouvernement a lancé, avec le Premier ministre il y a quelques mois, pompeusement, la cérémonie de mise sur satellite qui devrait être en cours. Deux mois après le lancement, rien n’a été fait jusque-là. Les travaux n’ont pas démarré alors qu’ils sont  censés être préfinancés. Au niveau des acteurs impliqués dans ce dossier, c’est l’inquiétude totale. Ils n’ont plus de nouvelle de la société concernée qui, sous la houlette lointaine de Harris Corporation, devrait faire le travail.

S’il est vrai que Harris Corporation est l’un des leaders dans le domaine, cette société basée aux USA  n’a servi que de caution pour celle nommée SGA qui a pris le marché et rien ne prouve que la SGA profite de l’expertise de Harris Corporation.

Selon le calendrier établi pour l’exécution du projet, il est prévu une étude d’expertise  en début du mois de janvier. Ce qui voudrait dire que l’équipe de Harris devrait en principe passé au Togo pour la circonstance. Curieusement, elle n’a pas encore mis pieds à Lomé et est toujours attendue. Non seulement la société n’existe pas en France où elle aurait son siège, mais elle intervient dans d’autres domaines que celui de la numérisation. Elle avait annoncé qu’elle a réalisé l’essentiel des mises sur satellite dans la sous-région. Des informations qui se sont révélées fausses, d’après nos enquêtes. En réalité, elle n’a réalisé ce travail dans aucun pays de l’espace UEMOA et n’est pas du tout  connu dans le domaine, mais vaguement dans la manutention portuaire.

Même en France où nous avons poussé nos recherches, cette société n’a pas une existence sérieuse. L’inquiétude est encore plus grande chez les personnes avisées par cette magouille. 20 milliards de Fcfa, c’est excessif pour une numérisation qui a coûté dans les mêmes conditions le quart dans des pays comme le Bénin et le tiers ailleurs.

 Dans un droit de réponse envoyée à la presse, la société SGA a elle-même reconnu que le coût de la même opération au Bénin a tourné autour de 6 milliards. Alors, pourquoi cela nécessité 20 milliards au Togo ? C’est la SGA même qui répond en précisant que l’installation analogique est vieille et désuète. Et pourtant, il en a été de même pour les installations du Bénin. L’argument avancé ne tient donc pas.

Pire, alors que le préfinancement est l’option retenue, il s’est fait que 5 milliards d’avance ont été accordés à ladite société, ce qui lui aurait permis, selon une source digne de foi, de mouiller les barbes aux diverses personnes qui ont facilité l’attribution gré à gré. Au Togo, la loi stipule que pour attribuer un marché d’un montant donné, il faut un appel d’offre national ou international. Alors, comment comprendre que pour une telle opération, le gré à gré soit privilégié alors que la loi a été votée depuis janvier 2011 ?

Plus surprenant est le nombre de personnes qui ont été présentes à la cérémonie de lancement. Plusieurs ministres et plusieurs dizaines de parlementaires. Une source proche du dossier explique la raison de cette forte mobilisation. « Il y avait à manger pour tout le monde ».  Alors qu’un opérateur togolais a proposé une somme qui n’atteint pas le tiers, sinon 5 milliards, il est injustifiable, si des intérêts ne sont pas en jeu, que le marché soit attribué à un étranger qui, jusque là, alors qu’il a annoncé le début des travaux pour le mois de décembre, n’a encore rien fait quand nous sommes en février. Aux dernières nouvelles, le ministère de la Communication est sans nouvelle du Blanc. Nous espérons que ce n’est pas encore une fuite.

Dans l’entourage du chef de l’Etat dont le cabinet gère le dossier, deux camps se sont créés déjà. Celui de ceux qui en ont profité et celui de ceux qui n’y ont encore rien mangé et qui sont, c’est prévisible, en colère. Cela ne doit rien faciliter au démarrage des travaux qui n’est pas pour demain. Est-ce à dire que le Togo  ne peut rien entreprendre et rien réussir sans problème ? Continuera-t-on de végéter dans les magouilles avec des méthodes de rapaces ?

Alfredo Philoména

Indépendant express N° 196 du 07 février 2012