L’opposition togolaise déterminée, le pouvoir dans la logique de la répression et du coup de force électoral

Togo : Élections sous tension

L’opposition déterminée, le pouvoir dans la logique de la répression

En réponse au défi lancé à eux par le régime  à travers la cérémonie de   la prestation de serment des membres de la Commission électorale nationale indépendante(CENI), les responsables du Collectif Sauvons le Togo (CST) et la Coalition Arc-en-ciel ont appelé les populations de Lomé à un rassemblement devant le palais des Congrès de Lomé. Ce meeting qui a eu lieu le 27 Octobre dernier a drainé des milliers de partisans et sympathisants de ces deux regroupements. L’occasion pour les responsables de réitérer leur détermination à mener la lutte politique ensemble et tout mettre en œuvre pour barrer la route aux élections non consensuelles.

L’imbroglio politique au Togo ne tarit pas en rebondissements. Depuis plusieurs mois, l’opposition incarnée par le CST et la Coalition Arc-en-ciel et le pouvoir RPT/UNIR sont à couteaux tirés sur la question des réformes à opérer avant la tenue des élections dans le pays.

Mais tout semble démontrer que le pouvoir ne s’inscrit pas dans cette logique.

L’opposition qui attendait un cadre de discussions pour aplanir les divergences a été mise devant le fait accompli la semaine dernière par la prestation de serment de 13 des 17 membres de la CENI devant la Cour Constitutionnelle. Cette attitude du gouvernement a suscité un tollé au sein de l’opposition qui n’entend pas se laisser faire.

Une première initiative était donc le meeting de samedi dernier auquel la quasi-totalité des responsables des deux regroupements ont pris part. Tour à tour, ils ont clarifié à leurs militants les manœuvres de  Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio  à  organiser  coûte-que-coûte des élections «bâclées» pour se maintenir aux affaires. S’adressant aux militants, Me Dodji Apévon n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer l’option «d’opacité » de la coalition gouvernementale RPT/UFC : «Nous voulons participer à une élection dans un climat d’apaisement total et comme nous constatons déjà des escalades du pouvoir avec la mise en place d’une CENI illégale, il est clair pour nous que le pouvoir appuyé par l’UFC veut  organiser dans l’opacité les élections », a-t-il avoué.

Aussi, a-t- il lancé une invitation « aux révolutionnaires de salon  et à toute la population togolaise » à s’impliquer davantage dans la recherche de solutions à la crise togolaise  à travers une mobilisation plus accrue.

Pour le coordinateur du CST, Me Zeus AJAVON, la lutte menée depuis belle lurette doit « prendre une autre allure pour contraindre le pouvoir à faire des concessions ».

 Agbéyomé Kodjo, Président national de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) a laissé entendre que le dialogue tant recherché par  la classe politique togolaise était imminente, car, a-t-il déclaré, dans l’entourage du chef de l’État, « les voix s’élèvent contre la méthode cavalière qui est observée dans l’organisation des élections ». « Je crois que les lignes sont en train de bouger, car je suis sûr que Faure lui-même et tous ceux qui l’entourent n’accepteront pas d’aller à une élection au rabais. Les éléments dont je dispose me permettent d’espérer que dans les semaines à venir, il y aura un dialogue », a-t-il révélé.

Il urge selon lui, de « s’entendre » sur les fondamentaux avant d’aller vers les prochaines élections. « Nous voulons que les élections soient transparentes pour réconcilier les Togolais et avoir une nation forte où tout le monde est à l’aise et je suis dans l’espérance que le collectif Sauvons le Togo et la Coalition Arc-en-ciel seront invités à aller à un vrai dialogue où on parlera du code électoral, de découpage, de la limitation de mandat », a-t-il ajouté.

Il a conclu ses propos en disant que «  lorsque les conditions seront réunies pour les élections, il ne sera pas exclu que les différentes formations politiques de l’opposition mettent sous éteignoir  leurs couleurs et porter celles du CST ou d’Arc-en-ciel pour affronter le pouvoir. »

Mme Brigitte Adjamagbo s’est vertement insurgée contre les pratiques du parti UNIR qui commet des préfets pour recenser des militants dans certaines localités du pays avec des espèces sonnantes et trébuchantes, les affectations punitives de certains agents  du secteur public qui « ne veulent pas marquer le pas ». Elle a insisté sur le fait que le  consensus doit être fait sur les conditions avant d’aller  aux élections, au cas contraire, « le pouvoir  va mettre le pays à feu et à sang comme en 2005 », a t- elle  martelé.

Appel à la mobilisation générale

Devant l’obstination du pouvoir, le CST et la Coalition appellent la population togolaise à une mobilisation générale pour dire non à l’imposture. Dans une déclaration rendue publique, ces regroupements estiment que la  prestation de serment n’est que l’acte un(1) du plan concocté par le couple RPT /UNIR-UFC pour embrigader la CENI. La prochaine étape sera d’exclure l’opposition de toutes les CELI puis de tous les Comités de Listes et Cartes et de tous les Bureaux de Vote sur l’ensemble du territoire national.

Si cette révélation de l’opposition s’avérait, il est  tout à fait clair que des élections organisées dans ces conditions, sont perverties d’avance et vont conduire le pays tout droit à une catastrophe. Raison pour laquelle, elle appelle les différentes couches sociales du pays à se mobiliser : les paysans, étudiants, fonctionnaires, conducteurs de taxis et de taxis-motos,  commerçants, populations des zones minières qui vivent une misère effroyable, forces de l’ordre, tous sont concernés.

Cette mobilisation emballe  également Jean –Pierre  Fabre, qui depuis sa tournée en Europe, entend rallier la diaspora à sa cause : « Nous devons stopper le plan machiavélique que Faure GNASSINGBE et Gilchrist OLYMPIO ont élaboré contre le souverain peuple togolais », déclarait-il lors d’un entretien avec un média  de  la place.

Le CST et Arc-en-ciel  prévoient un calendrier et les modalités de la mobilisation populaire qui seront annoncés dans les tout prochains jours. Pour ces deux organisations, il n’y a que seules la mobilisation et la détermination par lesquelles un peuple opprimé, brimé et persécuté  se libère. C’est pourquoi, elles appellent la population de s’affranchir de l’impérieux devoir de se battre avec foi pour briser les chaînes de l’oppression et défendre le bien commun que la nation togolaise.

Vers des lendemains sombres pour les populations

L’histoire politique du Togo a montré que les conditions de violences, de chasse à l’homme, de vol, de pillage et d’enlèvement des militants de l’opposition se réunissent dans une atmosphère pareille.

Depuis les années 90, les populations togolaises s’organisent autour des leaders politiques pour barrer la route à la forfaiture et aux élections frauduleuses. La réponse du pouvoir est sans équivoque. Plus que des gaz lacrymogènes, ce sont des artilleries lourdes, comparables à celles du dictateur Syrien, des mitraillettes et des canons qui sont utilisés pour avoir raison des opposants.

En 2005, plus de 500 Togolais sont tombés sous les balles assassines des bourreaux, selon le rapport des Nations-unies. La violence était sans pareille à l’époque où les militaires sont intervenus, jusque dans les domiciles, et contre les manifestations, notamment celles des femmes de mars 2005.

Plusieurs milliers de personnes ont choisi par contre l’exil et restent la menace pour le pouvoir en place. Le livre noir contre l’impunité au Togo de Claude Améganvi est assez révélateur de la situation de terreur qui règne au Togo dans les périodes électorales. Si nombreux sont ceux qui sont morts, beaucoup d’autres qui ont échappé à la mort, vivent dans le cauchemar des sévices et tortures    dont ils ont été victimes.  C’est le cas par exemple de Danklou Tètèh Kokou, pauvre menuisier, victime de meurtrissures qui a échappé à la mort, Sessi Adjowa Sika dont la mésaventure avec les forces de sécurité est restée impunie. Ses bourreaux circulent librement. Il en est de même pour les journalistes, Noël Tadegnon et Justin Anani à qui les forces de l’ordre ont failli enlever la vie. La corporation continue de tirer la sonnette d’alarme sur ces cas.

Par contre, l’historien politologue Atsutsè Agbobli, les morts de la lagune de Bè n’ont pu échapper au triste destin de la terreur.

Vivement que la communauté internationale prenne ses responsabilités afin que s’établisse un climat de sérénité entre les acteurs politiques avant l’organisation des prochaines élections législatives.

Jean-Baptiste ATTISSO

L’Indépendant express N° 234 du 30 Octobre 2012

CST,  manifestation du samedi 27 octobre 2012