Lettre pastorale de l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo et de l’Eglise méthodiste du Togo à l’occasion des élections législatives

Lettre pastorale

de l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo et de l’Eglise méthodiste du Togo

à l’occasion des élections législatives

 

Chers Frères et Chères sœurs dans le Seigneur, Chers compatriotes,

A l’Église de Dieu, à ceux et à celles qui sont épris de paix et de justice. A vous grâce et miséricorde de la part de notre Père ! C’est lui qui vous affermira jusqu’au bout, pour que vous soyez irréprochables au Jour de notre Seigneur Jésus-Christ.

Fidèles à leur mission prophétique et de sentinelle, l’Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo (EEPT) et l’Eglise Méthodiste du Togo (EMT) veulent saisir l’occasion des prochaines élections législatives pour s’adresser à vous, peuple de Dieu, hommes et femmes de bonne volonté, avec la conviction tirée de ces versets du livre du prophète Esaïe : « L’esprit du Seigneur, l’Eternel est sur moi, Car l’Eternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux ; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, Pour proclamer aux captifs la liberté, Et aux prisonniers la délivrance…» (Es 61,1).

Les lettres pastorales sont l’expression de la ferme volonté des Eglises de maintenir vive l’espérance d’une société en quête de repères. Elles répondent au devoir de veille avec cette conviction profonde que l’Eglise peut et doit oser une Parole de salut intrinsèquement liée à la rédemption de tout l’être humain et de toute la société, une Parole qui est le fondement de la promesse de la vie au milieu du désespoir et de la mort. A travers elles, l’EEPT et l’EMT manifestent une solidarité agissante à l’endroit des pauvres et des marginalisés de la société.

Les deux Eglises sœurs se sentent, en effet, interpelées par la situation dans laquelle se trouve notre pays, une situation restée préoccupante depuis leur dernière lettre pastorale du 20 avril 2012 (Es 62,1-2).

            Comme nous le savons tous, le Conseil des ministres a fixé le 07 juin 2013 la date des prochaines élections législatives au 21 juillet 2013, sans qu’il y ait eu consensus entre les partis politiques (pouvoir et opposition) sur le code électoral et le découpage électoral: les questions relatives à la composition juste de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et de ses démembrements, à la représentation équitable des différentes populations sur toute l’étendue du territoire national, mais aussi aux moyens pour garantir la fiabilité des résultats sortis des urnes continuent, en effet, à se poser.

Aux sujets directement liés à l’organisation du prochain scrutin législatif se greffe un autre point de discorde au sein de la classe politique, le reliquat des réformes constitutionnelles et institutionnelles laissées en suspens depuis le 20 août 2006, date de signature de l’Accord Politique Global (APG).

                 C’est donc une évidence que d’affirmer que le climat politique qui prévaut actuellement dans notre pays est caractérisé par la méfiance entre l’opposition et la majorité présidentielle. Les nombreux efforts faits, notamment en interne, par les leaders religieux catholiques et protestants et les diplomates étrangers pour rapprocher les points de vue des leaders politiques n’ont malheureusement pas abouti, à cause de certaines considérations égoïstes, à la décrispation tant attendue et sans laquelle il serait illusoire de croire à un scrutin apaisé et surtout une période postélectorale apaisée.

Il y a lieu de craindre que dans ces conditions, les prochaines élections législatives ne nous permettent point de sortir de la nouvelle situation de blocage dans laquelle le pays est enfermé depuis l’élection présidentielle de mars 2010 dont les résultats donnés par la CENI, confirmés et proclamés par la Cour Constitutionnelle n’ont jamais été reconnus par une partie de la classe politique togolaise, du fait de leurs conditions de proclamation.

Nous risquons fort d’aller au-devant non seulement de nouvelles contestations des résultats des urnes mais aussi de l’exacerbation des relations entre les partis politiques (opposition et majorité présidentielle), avec des conséquences néfastes sur le climat social et économique.

Nous sommes d’autant plus inquiets pour la période post-électorale que les recommandations contenues dans le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), remis début avril 2012 au chef de l’Etat n’ont pas encore connu un début de mise en œuvre plus d’un an après; le « livre blanc », qui devrait indiquer les priorités du gouvernement ainsi que le calendrier d’exécution des recommandations n’a toujours pas été publié, même si le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale a été récemment créé. Les plaies et les traumatismes des violences à caractère politique du passé restent donc ouverts, ce qui exige beaucoup de prudence de la part de tous, acteurs politiques ou autres, surtout que des rumeurs ont commencé à circuler sur la création et la mobilisation de milices dans certaines régions du pays.

Faudrait-il pour autant nous résigner à la situation de blocage et nous laisser aller au désespoir ? Non, notre foi chrétienne et l’Espérance qu’elle véhicule ne nous y autorise point. Il faut, au contraire, qu’à l’instar du Christ, toutes les bonnes volontés redoublent d’ardeur et continuent à prêcher l’amour et la paix (Jn13, 34­35). Il importe donc que la classe politique Togo aise puisse se retrouver pour harmoniser les points de vue divergents avant d’aller aux élections. Nous interpellons les leaders politiques en ces termes empruntés au prophète Michée «On t’a fait connaitre ô homme ce qui est bien, et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu » (Michée 6, 8).

La période de la campagne qui précèdera la tenue effective des élections est une période habituellement porteuse de risques liés à la montée de la tension politique. Les formations politiques ne doivent pas perdre de vue qu’au-delà de la victoire de leurs poulains, c’est le Togo uni et solidaire qui doit triompher dans ces élections. Toute vision étriquée, toute instrumentalisation régionaliste ou tribaliste des relations entre les fils et les filles de notre pays est à nos yeux un péché, un crime contre la Terre de nos Aïeux.

A vous citoyens et citoyennes du Togo, nous vous demandons de tout faire, le moment venu, pour préserver la paix et de veiller à voter selon votre conscience et en tout discernement. De grâce, ne succombez point au trafic d’influence, aux intimidations, ni à l’achat de vos consciences, toutes choses contraires à votre liberté de vote et votre dignité d’enfant de Dieu. Ne vous laissez pas influencer par les actions intéressées et démagogiques de ces politiciens sans scrupule qui découvrent soudainement, à l’approche du scrutin, qu’ils ont des projets de développement pour vos localités qu’ils sillonnent sans relâche en quête de voix.

Nous lançons, enfin, un appel aux membres de la CENI et de la Cour Constitutionnelle pour qu’ils remplissent leur mission avec dignité et probité, dans la crainte de Dieu. Ils ont une lourde responsabilité devant l’histoire.

Que Dieu nous aide à affronter les défis des élections dans l’amour, la vérité, la justice et la paix. A l’instar de l’évangéliste, nous disons au peuple togolais « Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie » (Luc 2 : 1 0)

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Fait à Lomé, le 04 juillet 2003

Modérateur EEPT

Pasteur A. Mawuli AWANYOH

Président EMT

Révérend C. Charles KLAGBA.KUADJOVI