Affaire d’exclusion des neuf députés ANC
Accablé de honte, le RPT négocie en douce le non retour de Fabre et compagnies contre le payement des indemnités
Lire l’intégralité de la nouvelle décision de l’UIP qui déboute Assouma, Abass Bonfoh et consorts
Le Comité des Droits de l’Homme de l’Union Interparlementaire (UIP) lors de sa 134ème session tenue du 4 au 7 juillet 2011 à Génève en Suisse, a de nouveau planché sur le cas des neuf (9) députés de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) exclus du Parlement togolais. Contrairement aux analyses unijambistes distillées dans l’opinion selon lesquelles l’UIP clarifie sa position et dit n’avoir jamais ordonné leur réintégration, le contenu de la décision de la dernière session de Genève est carrément aux antipodes de cette version. Dans cette note confidentielle dont nous vous proposons ici l’intégralité, l’UIP a, d’abord, confirmé sa décision d’avril 2011 au Panama. Il est demandé aux autorités togolaises de revoir l’article 52 de la Constitution qui stipule que « chaque député est le représentant de la Nation tout entière. Tout mandat impératif est nul ». Plus loin, le pouvoir de Gnassingbé Faure a été invité à réfléchir à la façon de réparer le tort causé aux parlementaires exclus. En plus, l’UIP lors de sa dernière session est décidé à aller au bout de cette affaire.
Dans la décision, il est mentionné que l’UIP « attend avec intérêt le jugement de la Cour de la Justice de la CEDEAO [et] décide de poursuivre l’examen de ce cas à sa prochaine session qui se tiendra durant la 125ème Assemblée (octobre 2011) ».
La correspondance du Secrétaire Général du Comité des Droits de l’Homme de l’UIP Anders Johnson à Abass Bonfoh pour accompagner la décision du 07 juillet est une forme d’ironie aux autorités togolaises qui décident délibérément de fouler aux pieds les recommandations d’une institution dont le Togo est pourtant membre à part entière.
Si le Secrétaire Général Johnson est amené à rappeler au président de l’Assemblée Nationale Bonfoh que le Comité des Droits de l’Homme de l’UIP souligne qu’il « n’a ni mandat, ni l’intention de s’ériger en contre-pouvoir aux institutions togolaises », c’est tout simplement pour remettre Aboudou Assouma, le président de la Cour Constitutionnelle et Abass Bonfoh à leur place. On se rappelle que M. Assouma était tombé en transe lorsque le Président de l’ANC l’avait informé tout comme les autres membres de la Cour, de la décision de l’UIP. Quand bien même la Cour Constitutionnelle n’était pas formellement saisie, M. Assouma a honteusement laissé entendre que « l’Union Interparlementaire est une institution politique, elle ne constitue pas une juridiction d’appel pour la Cour Constitutionnelle du Togo. Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucuns recours et à ce titre le sort des neuf (9) députés est définitivement scellé ». L’incorrigible Bonfoh a réaffirmé les mêmes inepties comme si le Togo n’est pas membre de l’UIP pour connaître son mode de fonctionnement.
En quoi l’UIP est revenue sur sa décision si elle dit attendre la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO ? En plus, l’Institution de tous les parlements du monde décide de poursuivre l’examen du même dossier au cours de sa prochaine assemblée prévue en octobre.
Sur toute la ligne, les agitations autour de la nouvelle décision de l’UIP montrent combien l’image du Togo est traînée dans la boue par l’hémiplégie intellectuelle de certains caciques du régime RPT.
Si l’UIP est amené à réexpliquer son fonctionnement au Togo qui s’y est librement adhéré, c’est bien regrettable.
Les vraies raisons de la non réintégration des députés exclus
Au-delà de toutes les polémiques entretenues au dehors par les Assouma, Bonfoh et consorts, les autorités togolaises sont bien conscientes de l’impopularité de leur décision d’exclure Jean-Pierre Fabre et ses collègues de l’Assemblée. L’exclusion de ces parlementaires est motivée par l’accord UFC-RPT du 26 mai 2010. Le retour de Fabre et compagnie portera un coup fatal à l’opposant émoussé Gilchrist Olympio. Si le président du RPT feint d’être indifférent, c’est tout simplement pour protéger son nouvel ami Gilchrist. Mais Faure serait prêt à créer d’autres bêches aux députés exclus. Selon nos informations, des démarches sont entreprises dans ce sens pour indemniser les députés exclus pour qu’ils ne retournent plus au parlement.
Une initiative qui a de forte chance d’échouer dans la mesure où la position de l’ANC est plus que claire sur la question : retourner à l’Assemblée et indemniser ensuite.
Vu le tollé que continue de susciter le renvoi des députés ANC et par rapport aux intentions de dialogue inclusif, Faure Gnassingbé est bien obligé de revenir sur cette décision arbitraire qu’il a fait prendre par Bonfoh et Assouma. A quoi a servi ce fameux accord RPT-UFC au point de ternir davantage l’image du Togo ?
Kokou AGBEMEBIO
Le Correcteur N° 279 du 27 août 2011
Décision confidentielle adoptée par le Comité à sa 134ème session
UNION INTERPARLEMENTAIRE
CONFIDENTIEL
COMITE DES DROITS DE L’HOMME DES PARLEMENTAIRES
CAS N°TG/05- AHLI KOMLA A. BRUCE ] Togo
CAS N°TG/06- MANAVI ISABELLE DJIGBODI AMEGANVI ]
CAS N°TG/07- BOEVI PATRICK LAWSON
CAS N°TG/08- JEAN-PIERRE FABRE
CAS N°TG/09- KODJO THOMAS-NORBERT ATAKPAMEY
CAS N°TG/10- TCHAGNAOU OURO-AKPO
CAS N°TG/11- AKAKPO ATTIKPA
CAS N°TG/12- KWAMI MANTI
CAS N°TG/13- YAO VICTOR KETOGLO
Décision confidentielle adoptée par le Comité à sa 134ème session
(Genève, 4 au 7 juillet 2011)
Le Comité,
se référant à l’exposé du cas des anciens parlementaires susmentionnés, ayant prétendument démissionné de leur fonction de parlementaires, et à la décision qu’il a adoptée à sa 133ème session (avril 2011) rappelant les éléments ci-après versés au dossier:
– suite à la scission de l’Union des Forces du Changement (UFC), parti politique dirigé par M.Gilchrist Olympio, 20 députés sur les 27 que comptait le Parti à l’Assemblée nationale ont procédé à la création d’une nouvelle formation politique, sous le nom d’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), et ont, par la même occasion, créé un nouveau groupe parlementaire, portant le nom de leur nouveau parti, que le Président de l’Assemblée nationale a refusé de reconnaître;
– le Bureau de l’Assemblée nationale a fait transmettre à la Cour constitutionnelle des lettres de démission en blanc non-datées qu’auraient signées neuf des 20 députés qui ont décidé de quitter l’UFC; en vertu de ces lettres, le Président de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour constitutionnelle de procéder au remplacement des députés concernés; dans son projet de décision daté du 19 novembre, et rendu public le 22, la Cour Constitutionnelle a, sur la base des lettres qui lui avaient été transmises, confirmé la démission des neuf parlementaires concernés et fait procéder à leur remplacement,
– rappelant les observations qu’il a émises dans la décision adoptée lors de sa 133ème session:
a) il est incontestable que les autorités parlementaires, ainsi que la Cour constitutionnelle, connaissaient la nature des lettres de démission et savaient que les personnes concernées n’avaient nullement l’intention de démissionner de leur fonction de député ;
b) la démission d’un parlementaire de son mandat est un acte sérieux et par conséquent tout doit être mis en oeuvre pour s’assurer que cet acte est authentique et volontaire; pour cela, toute lettre de démission devrait être rédigée par le ou la député(e) qui souhaite démissionner pendant son mandat, datée et signée par lui ou elle et remise personnellement au Président de l’Assemblée nationale;
c) la Constitution de la République du Togo dispose, en son Article 52, que « chaque député est le représentant de la Nation tout entière. Tout mandat impératif est nul » et, aux termes de son Article 50, que « les droits et devoirs énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les instruments internationaux de droits de l’homme ratifiés par le Togo font partie intégrante de la (…) Constitution »;
d) invite les autorités à réfléchir à la façon de réparer le tort causé aux parlementaires qui ont ainsi perdu leur mandat, considérant les informations qui lui sont parvenues selon lesquelles le Président de la Cour Constitutionnelle commentant la décision du Comité de l’UIP, aurait dit: « l’Union Interparlementaire est une institution politique ; elle ne constitue pas une juridiction d’appel pour la Cour Constitutionnelle du Togo. Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et à ce titre le sort des neuf députés est définitivement scellé », tenant compte des nouvelles informations fournies par la source:
– le 9 juin 2011, l’ANC a transmis copie du rapport de l’UIP à « Madame et Messieurs les juges et Président de la Cour constitutionnelle » à titre individuel et non à la Cour constitutionnelle du Togo en tant qu’institution;
– le 10 juin le Président de l’ANC a adressé une correspondance aux députés de l’Assemblée nationale togolaise par laquelle il leur a transmis copie du rapport du Comité en leur demandant de bien vouloir procéder au réexamen de ce dossier;
– M. Fabre est l’objet d’une véritable traque de la part du pouvoir; il est en danger à tout moment; tous les jeudi son domicile est encerclé par les forces de l’ordre qui l’assignent de fait à résidence; les forces de l’ordre ont lancé des grenades lacrymogènes sur son domicile alors que sa mère, qui a plus de 90 ans et se déplace en fauteuil roulant; et son épouse asthmatique y vivent; M. Fabre est poursuivi par les forces de sécurité lorsqu’il tente de sortir de sa maison ; en tant que responsable de l’ANC il ne peut donc plus mener les activités normales d’un leader politique, ni même d’un simple citoyen, notant enfin que ce cas a été soumis à la Cour de justice de la CEDEAO et qu’un jugement est attendu pour le 29 septembre prochain,
1- rappelle que le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’UIP n’est pas et ne prétend pas être une structure juridictionnelle et n’a pas compétence pour revoir les décisions de la Cour constitutionnelle du Togo; comprend, dans cet esprit, que la lettre de M. Fabre en date du 9 juin 2011 est une démarche d’information à la Cour constitutionnelle et ne saurait être perçue comme une saisine formelle;
2- est vivement préoccupé par les difficultés auxquelles est confronté M. Fabre tous les jeudi, notamment son assignation sans base légale à résidence et l’usage disproportionné de la force contre son domicile; rappelle que le Togo est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose en son article 91 que « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.(…) Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi »;
3- prie les autorités parlementaires de prendre toutes les dispositions qu’elles jugeraient utiles pour faire cesser les tracasseries policières dont M. Fabre est l’objet tous les jeudi, lui permettre de jouir pleinement de sa liberté de mouvement et garantir sa sécurité, de même que celle de son domicile;
4- attend avec intérêt le jugement de la Cour de justice de la CEDEAO;
5- prie le Secrétaire général de transmettre la présente décision aux autorités togolaises;
6- décide de poursuivre l’examen de ce cas à sa prochaine session, qui se tiendra durant la 125eme Assemblée (octobre 2011)
Le Correcteur N° 279 du 27 août 2011