Michael GAHLER : « Il faut que l’institution en charge de l’élection inspire confiance à tous les partis politiques, il faut éviter qu’il y’ait des soupçons d’instrumentalisation»
A Lomé dans le cadre des travaux de la 22ème session de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP – UE, l’Euro-Député allemand Michael Gahler, a bien accepté de se prononcer sur la brûlante question de l’exclusion de 09 députés de l’Assemblée nationale, la pertinence de l’Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO sur la question, les perspectives, notamment, les préalables pour l’organisation des élections législatives prochaines.
La réunion de Lomé se tient dans un contexte marqué au Togo par l’affaire des 9 députés ANC exclus de l’Assemblée. Que pouvez-vous dire de cette situation ?
Dans cette affaire, il y a ces signatures en bloc sans date qu’on a faites afin de renoncer à un mandat. Je crois moi que ces pratiques sont illégales chez nous et ici aussi. D’un autre côté, il n’y a pas de mandat impératif. Et c’est aussi clair dans la Constitution. De plus, il y a aussi l’arrêt de la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui est aussi malheureusement ambigu. On peut y lire plusieurs choses. Pour moi, je ne suis pas très convaincu que la CEDEAO a réglé ce problème de manière claire.
Donc vous reprochez à la CEDEAO de n’avoir pas été claire dans sa décision ?
A mon avis, il aurait fallu quelque chose qui ne soit pas interprété par les deux parties de différentes manières. Apparemment, Fabre interprète l’arrêt différemment que le gouvernement. C’est à cause de la position de la Cour. C’est toujours difficile si un arrêt donne lieu à des interprétations divergentes. Ce qui se passe au Togo, c’est plus un problème de l’arrêt de la Cour de la CEDEAO que des parties qui se battent pour son interprétation. Surtout que cela donne des inconvénients à tous les deux.
Quelle appréciation le parlement européen fait-il de cette situation ?
Ce n’est pas à nous de dire ou de faire quoi que ce soit. Tout ce que nous pouvons dire, c’est de suggérer que les prochaines fois, il y ait des règles claires qui soient appliquées par tous. Mais pour ce qui est de la situation actuelle, je pense qu’elle va se régler avec les prochaines élections qui se tiendront dans 10 mois. Ce n’est donc pas à nous de prendre telle ou telle position, mais plutôt d’amener les différents acteurs de la scène politique à se doter d’un cadre réglementaire qui soit accepté, respecté, interprété par tous de manière pareille.
Lors de votre séjour ici à Lomé, votre collègue Louis Michel a estimé qu’il n’était pas question pour les députés ANC de retrouver leur place à l’Assemblée. Cette déclaration a suscité un tollé. Que pouvez-vous en dire ?
Sur la question même de l’arrêt, c’est vrai on peut discuter. Il y a deux positions possibles qu’on peut prendre et Louis Michel a pris une position.
Vu le climat politique actuel, qu’est-ce que le Parlement Européen peut conseiller aux acteurs politiques togolais ?
Spécifiquement pour les élections à venir, il faut essayer de trouver un consensus sur le cadre électoral, de faire en sorte qu’au niveau des institutions, il y ait la confiance. Il faut que l’institution en charge de l’élection inspire confiance à tous les partis politiques, il faut éviter qu’il y’ait des soupçons d’instrumentalisation. Il faut travailler ensemble. Ça c’est très important et à ce sujet, nous sommes prêts à donner les conseils nécessaires. Il y a l’Union interparlementaire qui fait ça mais il y a encore beaucoup de programmes qui s’intéressent à cela. Si tout se passe bien, à la fin des compétitions électorales, on verra qui a gagné et qui a perdu de façon claire. Comme cela, on ne serait pas là à accuser la Commission électorale, les médias… ou quoi que ce soit pour l’issue du scrutin. Il importe d’avoir des institutions neutres dans le combat politique.
Vous mettez l’accent sur les élections à venir. Mais dans un contexte comme celui-ci où le pouvoir hésite à mettre en œuvre les recommandations des missions d’observation de l’Union Européenne, comment faire alors pour arriver à organiser des élections apaisées ?
A mon avis, les recommandations sont claires pour les autorités togolaises. Nous appliquons toujours les mêmes règles partout. On n’a pas inventé quelque chose de spécifique pour le Togo. C’est quelque chose de neutre qui se base sur nos expériences passées. Maintenant, c’est aux Togolais de décider. Mais là où il y a des déficits qui sont soulignés, je suggère de travailler sérieusement là-dessus car cela peut instaurer la confiance entre tous les partis concernés.
J’espère que nous serons capables d’initier un dialogue dans ce sens. Nous avons beaucoup d’expériences dans ce domaine et nous pourrons donner des conseils si le Togo le souhaite. Une fois encore je dis que c’est important d’avoir des institutions qui soient acceptées par tous. Ça donne la confiance à tous ceux qui s’impliquent dans la vie politique et même aux autres citoyens. Car le citoyen sera certain au moment du vote que ce qu’il exprime à travers le vote sera respecté au bout.
En réalité, la démocratie, c’est quelque chose de participatif. Cela ne veut pas dire qu’il faut seulement faire un choix tous les cinq ans mais aussi de s’engager à tous les niveaux. Ceci permettra à ce qu’ils soient sur l’agenda des responsables politiques. C’est un combat quotidien qu’il faut mener.
Que peut-on attendre de la réunion de Lomé ?
On a eu l’occasion à travers cette réunion de discuter des différents problèmes ensemble. C’est le but de cette assemblée paritaire parlementaire. Il était question pour nous de faire en sorte que les députés du nord et du sud essayent de discuter et trouver des positions communes sur des problèmes qui nous touchent ensemble. Et je pense que tout s’est bien passé. Il y a raffermissement des liens entre élus.
Le Regard N° 761 du 24 novembre 2011