Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme (ODDH) jugent les mesures du gouvernement insuffisantes et maintiennent la pression

 

Après la fuite de Koffi Kounté, les autres membres de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) présents sur place à Lomé ont remis au gouvernement le jeudi 23 février dernier, le rapport authentique sur les  allégations de torture dans l’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat d’avril 2009. Contrairement au premier rapport, le second dans lequel se reconnaît très bien la commission dirigée par Koffi Kounté précise en l’occurrence qu’il y a eu pratique de tortures sur les détenus dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé.  Dans la foulée, l’Union  Européenne,  la France, les partis politiques de l’opposition  et d’un grand nombre d’associations de défense des droits de l’Homme  ont appelé le Togo  à mettre en œuvre des recommandations du rapport authentique de la CNDH.  Mercredi dernier, le Conseil des ministres s’est effectivement penché  sur le dossier mais avec beaucoup de surprises : aucune tête n’est tombée,  la démission du gouvernement demandée par les Organisations de défense des droits de l’Homme (ODDH) est ignorée et aucun éclaircissement n’a été donné sur l’origine du rapport traficoté. Parallèlement, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures que bon nombre d’observateurs jugent insuffisantes.

Les mesures prises par le gouvernement

Ils sont au total treize. Mais pour l’essentiel, le Conseil des ministres du 29 février présidé par le chef de l’Etat Faure Gnassingbé a décidé de la  création d’une commission ministérielle ad hoc sur le rapport de la CNDH et arrêté une palette de mesures pour la restructuration de l’ANR : la réorganisation de l’ANR, (Agence Nationale de Renseignement),  l’Agence ne  peut plus garder dans ses locaux des personnes appréhendées ni pour une détention provisoire,  ni pour une garde à vue.  Cette prérogative est dévolue à la police judiciaire. Aussi le gouvernement a-t-il instruit le commandement militaire d’engager des  procédures disciplinaires immédiates contre les personnes mises en cause.

Pour ce qui concerne les victimes des tortures, le conseil a décidé de la mise en place des équipes de spécialistes pour examiner de façon urgente les personnes qui ont été indexées comme ayant fait l’objet de traitement inhumain, dégradant dans les locaux de l’ANR. Cette équipe fera des propositions idoines dans le cadre de la réparation des préjudices. La Commission Nationale des Droits de l’Homme  (CNDH) a vu elle aussi ses compétences renforcées  sur le plan budgétaire et des infrastructures puis le gouvernement a rassuré la famille de Kounté, le président de la CNDH et lui-même des mesures sécuritaires prises pour assurer et garantir leur sécurité.

 

Des mesures jugées insuffisantes

Les Associations de Défense des Droits de l’Homme, les partis politiques de même que certains observateurs de la vie politique togolaise ont jugé les treize mesures arrêtées par le Conseil des ministres du 29 février 2012 insuffisantes. Pour beaucoup, il ne s’agit que des mesures trompe-l’œil dans la mesure où le gouvernement n’a pas lui-même décidé des sanctions à appliquer aux auteurs reconnus de ces actes de tortures. « Il  appartient au gouvernement lui-même de punir les auteurs des actes de tortures et non à la hiérarchie militaire qui est elle-même citée par le rapport de la CNDH comme auteur des actes de torture », précise les responsables des ODDH. En effet, le nom du Général Atcha Titikpina, chef d’Etat-Major Général des FAT et donc le haut responsable de la hiérarchie militaire figure en bonne place dans ce rapport. Le rapport précise que le chef d’Etat Major Général des FAT lui-même a torturé certains détenus à l’ANR. Comme tel, comment pourra-t-il engager des procédures disciplinaires contre les auteurs des actes de tortures ? Une raison suffisante qui oblige plusieurs observateurs à conclure que les mesures prises par le gouvernement ne visent autre chose qu’à endormir le peuple.  « La hiérarchie militaire étant sous les ordres du ministère de la Défense, un portefeuille que cumule le chef de l’Etat, il lui revient de sanctionner les auteurs des actes de tortures si lui-même n’est pas complice », soutient certains partis politiques. En tout cas, les ODDH jugent les  mesures prises par le gouvernement trop légères et maintiennent leur manifestation prévue ce matin pour la démission du gouvernement qui s’est rendu complice et coupable de faux et usage de faux ; l’identification et la sanction de tous ceux qui ont participé au traficotage et à la falsification du rapport de la CNDH ; la mise en œuvre effective des recommandations de la CNDH, la libération pure et simple de Kpatcha Gnassingbé et ses co-détenus….

Olivier GLAKPE

Le Correcteur N° 325 du 02 mars 2012