Les couleurs d’une crise socio-politique persistante en 2013 au Togo

Les couleurs d’une crise sociopolitique persistante

2013 au Togo : Toutes les incertitudes et de tous les dangers.

 

L’année 2012 s’est achevée et devrait emporter avec elle dans la logique des souhaits, son cortège de malheurs, malheurs qui ont affecté la vie nationale sur les plans sociopolitique et économique, mais aussi sur le plan du développement. C’est une nouvelle année qui s’annonce rude, mieux dangereuse, non seulement pour les citoyens qui continuent de subir les brimades d’une gouvernance approximative et méprisante  mais aussi pour le pays sur le plan international. Que d’incertitudes, que de doute, que de scepticisme pour la nouvelle année 2013 qui démarre sur des chapeaux de roues de contestations et de protestations. Que réserve le Togo en 2013 ?  Analyse.

C’est le discours de vœux du Chef de l’Etat qui a annoncé les couleurs d’une morosité politique et économique du Togo pour l’année 2013. Pas d’initiatives sérieuses, pas d’engagement à juguler la crise, pas d’intentions à mettre tous les acteurs autour d’une discussion sereine devant résorber les tensions, pas de promesses d’amélioration des conditions de vie des travailleurs, pas d’initiative à l’endroit des étudiants, l’agriculture est restée parent pauvre, la presse elle-même reste et demeure dans son état de mépris de la part de l’autorité, les décrets d’application des lois dans les domaines économiques et financiers restent dans les tiroirs et les investisseurs restent dans l’expectative de la bonne humeur du chef de l’Etat, les recommandations en matière des droits de l’homme n’ont point été abordées, l’épineuse question de la torture reste complète, voila le tableau vierge que présente le Togo que les dirigeants s’efforcent de vanter comme Etat fréquentable, engagé dans des réformes et des innovations, alors  que sur le terrain, tout est poussière et rien que de la poussière.

« Dans notre pays, il existe des partis politiques, des syndicats, des associations. Faut-il le rappeler, leur rôle est de favoriser par la voie du dialogue, la prise en compte par le Gouvernement des différents courants de pensée qui traversent notre société. Leur rôle est de servir de courroie de transmission pour les préoccupations légitimes de nos concitoyens. Ce rôle doit être pris au sérieux. Ce rôle doit être rempli avec un sens élevé des responsabilités » déclarait le Chef de l’Etat dans cette caricature méprisante et simpliste de la question politique au Togo. Pour une fois que l’occasion est donnée au Chef de l’Etat de s’exprimer et d’exposer les raisons de son indifférence totale vis-à-vis des grandes questions d’Etat, il a préféré s’engager dans des quolibets qui n’auront abouti à aucune conclusion tranchée.

Le pouvoir togolais, devrait, depuis le début de l’année 2012 prendre ses responsabilités face aux différentes inquiétudes de la classe politique et des organisations de la société civile. Lettres ouvertes sur les questions de torture et atteintes graves aux droits de l’homme,  plate-forme revendicative   sur les principes de justice et d’égalité, de dignité humaine, mais aussi de gouvernance ont été balayées du revers de la main par le Chef de l’Etat qui s’est enfermé dans un mutisme incompréhensible.

Le dialogue politique, au lieu d’être engagé dans une responsabilité exécutive, s’est transformé en un parti de quiproquo et de médisance, mieux de commérages  en continu, mettant en scène chaque acteur qui tire  continuellement le drap de son côté.

Les manifestations ont été pour la plupart réprimées avec toute la rage d’une garde prétorienne de service.

L’année 2012 a aussi connu des évènements qui continuent de faire tâche d’huile dans l’histoire politique et diplomatique.

L’ex- ministre de l’administration territoriale et porte parole du Gouvernement, Pascal Bodjona est détenu dans une incompréhensible affaire d’escroquerie alors que le maintien à la gendarmerie du Français Loïk Le-Floch-Prigent, empoisonne lourdement les relations diplomatiques entre le Togo et la France.

Le maintien en détention de Bertin Agba, malgré  la décision de la Cour suprême qui l’a mis en liberté et la panoplie de dérives judiciaires sur les citoyens, discrédite dangereusement la justice et remet en cause toutes les réformes que les partenaires ont financé à coup de milliards de FCFA. Ailleurs le sieur Essodong Barcola, ancien militant du RPT devenu UNIR qui a plié bagages pour rejoindre l’opposition, parce que, non convaincu de la destination à laquelle Faure Gnassingbé menait la nation, est dans le collimateur ; arrêté, et torturé aujourd’hui recherché. Mêmes craintes, mêmes menaces pour le jeune Badanassidou Tchamiè. Comme beaucoup d’autres citoyens, l’appartenance à une ethnie oblige à regarder dans la direction du régime, et aveuglément. Situation qui coûte les arrestations, les détentions et les exclusions des étudiants de l’Université de Kara. Les étudiants de l’Université de Lomé quant à eux continuent de se frotter avec les gourdins et les gaz lacrymogènes alors qu’ils revendiquent tout simplement les meilleures conditions d’études avec un système LMD qui leur est imposé sans mesures d’accompagnement et sans moyens.

Les travailleurs annoncent des lendemains d’insomnie pour les autorités qui ne respectent pas  les accords et les promesses en matière de statut de la fonction publique, alors que les enseignants sortis de l’Institut national de la Jeunesse et des Sports se sentent floués par le même gouvernement.

Dans le domaine des infrastructures, c’est plutôt le monde de la magouille et des malversations de toutes sortes, qui donnent des résultats médiocres. Les routes vantées comme des ouvrages de révolution vont disparaître dans trois ans pour laisser la place aux carrières connues il y a quelques temps, ceci sur le dos du contribuable qui continuera de payer les dettes. Les travaux sont mal exécutés.

Les hôpitaux, autres points névralgiques ne vont pas tarder à rentrer dans la danse des contestations. Les médecins sont eux aussi continuellement  floués par le Gouvernement.

Pour enfoncer  le clou, les manifestations politiques. Les 10, 11 et 12 prochains, les manifestations du CST vont reprendre leurs droits. Plusieurs revendications dont la tenue d’élections équitables et transparentes dorment dans les tiroirs d’un gouvernement insouciant.

Les manifestations musclées vont reprendre de plus belle pour contraindre le pouvoir à arrêter sa fuite en avant dans le processus électoral. Les élections législatives, si elles se tiennent dans les conditions actuelles seront encore une bonne partie de far-west. Où on comptera encore des morts, des blessés, des mutilés et des exilés. Cela fera le nid de nouveaux massacres en 2015 si l’actuel Chef d’Etat s’obstine à se présenter encore, au mépris de l’alternance démocratique.

 La Coalition Arc en Ciel s’associe à ces trois jours de manifestations-pressions.

Bref le tableau sociopolitique et économique du Togo n’est pas enviable et annonce des inquiétudes et des incertitudes. Ce qui veut dire qu’à tout moment tout peut péricliter, tout peut exploser.

Le danger qui hante la jeune république est imminent. Sauf si les premiers responsables du pays s’engagent dans une démarche à faire cesser les massacres et à donner l’espoir d’une alternance, en écoutant le peuple.

Carlos KETOHOU 

L’Indépendant express N° 241 du 08 janvier 2013