Sortie malencontreuse du ministre de la Sécurité dans l’enquête des incendies des marchés
Le zélateur et artificier Yark se couvre de ridicule au milieu de certains quidams supposés exécutants des incendies
Le ministre dela Sécuritéet dela Protection Civilele Colonel Yark Damehame a organisé vendredi 25 janvier une rencontre avec la presse à son cabinet pour « présenter les éléments de l’enquête » dans la vague d’incendies des marchés au Togo. Pour le ministre Yark, certains responsables du Collectif « Sauvons le Togo » (CST) ont été les commanditaires des incendies des marchés de Kara et de Lomé et les opérations ont été planifiées les 05 et 08 janvier 2013 au siège de l’ANC. Selon Yark, dix-sept (17) personnes ont été interpellées et les exécutants ont déclaré avoir déclenché les incendies à l’aide de l’essence, de poudre à canon et des cocktails Molotov. L’ancien directeur de la gendarmerie a indiqué également que des bidons d’essence ont été entreposés au siège de l’ANC et les incendies ont été possible grâce à la complicité de certains vigiles du marché, détenteurs des clés de certains magasins. Yark a aussi ajouté que certains vigiles interpellés ont révélé le nom de Gérard Adja, premier Vice-Président de OBUTS comme organisateur des attentats et le député Manty de l’ANC comme recruteur. En dehors des marchés, certains édifices publics, des banques et des stations d’essence devaient être incendiés suivant le plan de l’opération, selon Yark, cadre déclaré du parti UNIR de Faure Gnassingbé à Tandjouaré. Yark, tout en annonçant la possibilité d’interpeller d’autres personnes, à l’occasion, avait présenté certains individus supposés exécutants qui ont aussi fait des déclarations à l’emporte pièce. Des individus comme Amavi Komlan et un supposé réfugié sénégalais Mohamed Loum ont fait des déclarations dans lesquelles on comprend peu de chose.
Amavi Komlan : « J’ai été envoyé par le député Manty. Il m’a proposé d’aller incendier un cyber café à Agoè mais je n’ai pas pu faire ça. Il ne m’a rien donné comme argent. Mais on m’a arrêté parce que quelqu’un disait que je suis dans le truc de l’incendie du marché d’Assigamé. Mais je ne connais rien de cela. Le député Manty c’est dans les marches que je l’ai connu. Pour le moment je ne sais rien de ce qui m’est reproché. On m’a arrêté alors que j’étais dans un bar au niveau du Jardin Fréau. Apollinaire, le chauffeur de Jean-Pierre Fabre nous a appelés un samedi du début de l’année qu’il nous cherche. Ce jour là, je n’étais pas à la marche. Arrivé là-bas, il nous a dit qu’il nous cherche dans la maison du président Jean-Pierre Fabre. C’est là qu’il nous a dit qu’il n’y a que deux gardiens dans la maison du président et qu’il cherche d’autres personnes à ajouter à ces personnes pour que nous puissions faire 12 afin de faire deux groupes de 6 personnes chacun.
J’ai dit que je vais aller informer ma femme si elle accepte je vais le faire dans le cas contraire je ne peux pas. Après j’étais au bar on m’a pris et je ne sais pas pourquoi on m’a pris. Le député Manty nous a dit qu’au moment des élections les militants du RPT fraudent les résultats dans une maison. Après il nous a indiqué la maison. Arrivée là-bas, j’ai vu que c’est une maison habitée alors quand le moment est arrivé d’exécuter le plan moi j’ai désisté. Il nous a dit de payer le carburant, et nous a donné 7 000 F pour payer le carburant pour nos motos. Je n’en sais rien de l’incendie du marché de Lomé».
Mohamed Loum (Sénégalais) : « Je ne sais quoi vous dire dans l’affaire des incendies des marchés. Je ne suis qu’un innocent. Je ne sais pas dans quel contexte je me suis retrouvé ici. Je ne peux pas accuser quelqu’un. Par rapport aux incendies de Lomé je tiens à vous dire que ce sont des faits réels. On a des ordres qui ont été donnés, des trucs qui ont été préparés par l’opposition notamment par M. Adja, M. Agbéyomé. Je n’ai pas affaire avec Agbéyomé, je ne sais rien sur lui et je ne veux rien savoir sur lui. Mais je sais quelque chose sur Adja, sur Eklou Komla, sur Eric Dupuy, Alphonse Kpogo ou Amorin.
Je tiens à vous dire que je n’étais là pour l’exécution. Les réunions préparatoires se sont tenues le 05 janvier et j’étais présent. On m’a joint à un groupe de l’opposition que je fréquente il y a de cela 5 mois. Je suis dans le pays il y a exactement 7 mois. Un groupe a exécuté les actes qui ont été prévus. Ce groupe a exécuté les ordres qui ont été prévus. Je suis innocent.
Les commanditaires de ces actes sont Eric Dupuy, Jean Eklou, Alphonse Kpogo, Amorin qui ont assisté aux réunions avec nous. Les réunions étaient faites à divers échelons. J’étais sur le site du marché de Lomé bel et bien. Les gens qui m’ont donné l’ordre d’aller incendier, je n’avais pas le choix de refuser cet ordre. C’est là que se situe mon innocence. J’ai intégré ce groupe parce que je voulais des papiers comme réfugié. La procédure du marché, j’étais sur les lieux. Il était autour de 23 h passé. Le marché de Kara n’a pas été brûlé par moi. Pour celui du grand marché de Lomé, on nous a donné des bouteilles d’Evian de 1,5 litre. On a fait des cocktails Molotov et ensuite on est passé à l’acte. Il y a eu une préparation mystique, spirituelle qui nous a fait sortie de nous même ».
De Eyadèma à Faure, Yark, zélateur et artificier des montages grotesques
Lors de sa sortie de vendredi, Yark sans honte aucune a eu le front et le toupet d’exhiber des bidons qu’on vend à 200 FCFA dans les marchés et un sachet contenant des substances de couleur noire supposées poudre à canon comme le corps du délit. Le colonel ministre a déclaré aussi que Gérard Adja a reconnu les faits au moment où ses avocats présents à l’audition indiquent que « les éléments de l’enquête révélés par le ministre Yark sont caractéristiques d’une fragilité extrême et d’une légèreté blâmable ». Si sur de simples déclarations des individus d’ailleurs peu recommandables, le pouvoir se permet d’enfermer des gens, c’est trop simpliste. S’il suffit qu’un quidam cite un nom pour qu’on se mette à pourchasser cette personne, c’est bien dingue. Cela suppose que si un individu cite Faure Gnassingbé comme étant l’instigateur des incendies, on va lever son immunité et le garder à la gendarmerie ? Pauvre Togo ! Si Yark a autorisé ces foutriquets supposés exécutants à faire des déclarations à la presse, pourquoi n’a-t-il pas fait venir Agbéyomé Kodjo, Adja Gérard, Alphonse Kpogo, Jean Eklou… pour qu’ils s’adressent aussi à la presse ?
D’ailleurs lorsque la question a été posée au controversé Yark, il a bidonné qu’on ne fait pas la confrontation à la gendarmerie mais à la justice. Si c’est le cas, pourquoi a-t-il laissé alors parlé une partie ?
Bien plus, lorsqu’on s’intéresse un peu aux déclarations de Amavi Komlan et surtout du Sénégalais Mohamed Loum, on comprend facilement que c’est un véritable montage insipide et indigeste dont Eyadèma s’est montré maître durant son long règne.
Aujourd’hui, Faure reprend le flambeau de la honte. Si le Togo est à ce niveau de retard chronique, c’est bien à cause de l’incapacité congénitale du pouvoir des Gnassingbé à s’élever à la hauteur des enjeux des temps modernes.
Dans ce pays et plus précisément le 15 septembre 2012, des individus à visage découvert, ont blessé par des couteaux, haches et gourdins cloutés des militants du CST à Adéwui. Plus de cinq (5) mois après l’ouverture de l’enquête, Yark Damehame n’a pas encore présenté « les résultats ».
Si à ce 21ème siècle, Yark montre fièrement sa bedaine devant des entreprises aussi viles, il ne sert plus à rien de parler de république au Togo. Faure Gnassingbé doit plutôt décréter la monarchie pour que le peuple soit fixé. On a souvenance qu’à la veille du scrutin présidentiel de 2010, Yark, Directeur dela Gendarmerieà l’époque s’était livré à cette pagaille contre les responsables du Mouvement Citoyen pour l’Alternance (MCA), Fulbert Attisso, Guillaume Coco et consorts avec la même hargne. Si aujourd’hui ministre dela Sécurité, c’est lui qui est encore commis pour cette forfaiture, cela montre clairement que Yark est le zélateur et artificier des montages grotesques.
Au temps de Eyadèma, on suppose qu’étant moins instruit, on peut comprendre certains de ses agissements saugrenus et funestes. Mais lorsque Faure Gnassingbé « l’esprit nouveau » est sur le point de dépasser son père dans la dénégation et les mensonges grotesques, les Togolais sont en droit de s’inquiéter pour leur avenir.
Kokou AGBEMEBIO
Le Correcteur N° 408 du 28 janvier 2013