Le sang des Togolais crie sur la tête de Faure sa vengeance

Le sang des Togolais crie sur la tête de Faure sa vengeance

De la forfaiture du prince à l’engrenage

 

L’histoire est composée de ce que les hommes font contre leur propre génie ». Dans sa Correspondance avec Romain Rolland, ALAIN met en évidence les conséquences de nos mauvais choix, les options de notre existence sur des motivations cupides, narcissiques qui brisent toute la civilité, le bons sens pour faire de nous des usurpateurs. Le sens intime de notre jugement pourtant surgit en nous, dans nos ambitions pour nous rappeler à l’ordre. Obnubilés par l’avidité du gain et des honneurs, nous sommes bien souvent incapables de suivre les éclarcies de notre propre conscience. Ainsi, nous devenons nos propres ennemis.

La ruse et la force brute deviennent nos armes de prédilection pour parvenir à nos fins. Ces deux méthodes une fois mises en branle, procèdent à une accumulation d’erreurs, de fautes, de maladresses, de contradictions qui nous consument dans la durée pour laisser à la face du monde notre dépouille calcinée, nos cendres dont il nous est difficile de nous renaître. Nous  sommes  en partie responsables de notre propre effondrement et nos sottises font rouler nos certitudes dans le sable. Notre volonté de puissance, notre attachement à la préséance promptement se démolissent parce que la grandeur imméritée nous ôte respect, confiance et toutes les vertus. L’absence de vertu chez  un homme est le trait signalétique de sa fin. L’esprit de vérité, de justice, de bien, du beau en situation de déficit dans nos actes nous emporte comme un fleuve pour nous immerger en haute mer.

Dans le triomphe de l’immoralité, du viol de la Constitution et le massacre des Togolais sans défense, Faure a forcé le cœur des populations à des imprécations contre lui, à des malédictions et l’ordre cosmique à comploter contre son pouvoir. Aujourd’hui, les vieilles connivences ont les yeux fixés sur l’horloge autant que tous ceux qui sont abîmés par les actes et les violences du pouvoir dans un compte à rebours. Une vision d’hécatombe s’affiche dans la marche à reculons des promesses à la fanfare du Prince. Même les alliés d’hier ont leur échéancier pour un horizon terminus de celui qu’ils ont porté à bout de bras des massacres hideux dont ils puent encore la pestilence.

Le viol des principes et des valeurs nous force les portes de l’enfer. Le sang versé a toujours un cri assourdissant, inextinguible qui appelle des étincelles pour le grand embrasement sacrificiel qui restaure la pureté. Il nous faut entrevoir à l’allure de l’accumulation des fautes  du pouvoir, des fins difficiles et peut-être volcaniques. Le non respect des Droits humains, la chèreté de la vie, les injustices criardes, les détentions arbitraires, des procès sur commande avec un choix délibéré de mettre la défense sous l’éteignoir du non-droit constituent un cocktail dont la mèche est pendante vers la flamme de la liberté.

Le destin d’un peuple ne saurait être indéfiniment entre les griffes d’un groupe de rapaces dont la reconnaissance est toujours en souffrance. La seule histoire qui est en marche dans un pays, c’est celle à laquelle adhère le plus grand nombre. Dans notre pays, le plus grand nombre ce ne sont pas les mouvements de soutien montés et payés par les primes diverses. Si l’argent pouvait servir à la grande  mobilisation, EYADEMA aurait pu gagner toutes les élections.

Faure pose des actes vains. Le mécontentement s’enfle. Il n’est guère réductible à une  couche sociale donnée.   Ce qui est plus dangereux pour  un Prince, ce n’est pas nullement la haine des ennemis, de ses opposants ; c’est bien celle de ses amis, de ses proches qui sont avec lui à l’étroit ou qui ruminent leurs déceptions.

Si le plus bel amour s’essoufle quand les intérêts se heurtent et se distandent, comment le combat politique peut-il survivre aux harcèlements des amis d’hier, à leurs privations aux honneurs ?

 

1- Faure GNASSINGBE,

le parricide

Quand les individus ne sortent pas de l’état sauvage, les nations y restent. Personne ne peut vous montrer les preuves d’une suggestion du pouvoir au Togo sur des bases modernes de transparence, de justice, d’équité, de respect des Droits humains. Naturellement le pouvoir se conserve  comme il s’acquiert. Le cycle de son évolution repond aux actes et aux principes de départ. L’esprit de justice absent dans la conquête du pouvoir, il ne pourra jamais en constituer la fondation. Les hommes portent en eux l’esprit de justice. Il fait partie de la personnalité de base  de ceux qui ont eu la chance d’être moulés dans leur socialisation à cette vertu. Rien ne surgit du néant, rien ne tombe par hasard du ciel pour se déposer dans l’esprit humain. Les habitudes violentes des tenants du régime entretiennent une aventure insensée qui transforme le Prince en un monstre froid ; elles mettent en lambeaux la famille GNASSINGBE dans l’Affaire Kpatcha. EYADEMA  pouvait-il tolérer de son vivant que sa famille soit ainsi liquidée ? Son unité dans la conquête du pouvoir avec des méthodes violentes et barbares rebondissent pour faire voler en éclats les liens génétiques et la force unitaire familiale sur lesquels GNASSINGBE père avait bâtit sa stratégie de résistance. Les valeurs que le père défendait sont aujourd’hui aux antipodes des possibilités du jeune Prince ; il les a jetées à la rivière pour son fauteuil en réalisant un vrai parricide. Les attaques mortelles aux valeurs du père sont une seconde mort du « Vieux ».

Autant Faure se sent à l’étroit de sa famille génétique, autant il l’est dans sa famille politique. Le RPT après avoir porté Faure au pouvoir, sent bien mauvais. La nausée qu’il a du parti de GNASSINGBE  père est si forte qu’il entreprit de jeter le vieux parti à la sépulture après avoir tenté, à bonne distance, de s’en démarquer. Les chrysanthèmes au chevet du RPT apparaissent comme célébration de la mort de GNASSINGBE Eyadéma. Par ce « crime », le fils ne sent plus redevable politiquement ni à son père ni aux barons du parti de son père.

Les haut-gradés, fidèles serviteurs de son père qui ont œuvré en se salissant davantage les mains pour imposer Faure, subissent la loi de sa brigade nouvelle. Dans une stratégie de débarras, ceux que le Prince appelait hier « papas » sont sur l’échafaud. Ces vieilles têtes  qui tombent montrent qu’il s’agit d’une  autre forme de parricide.

De même, les vieux politiciens du RPT comme ceux de l’opposition, bercés à la fibre de leur âge par un sentiment faussement filial et trompeur dont Faure seul a le secret, se font passer par une forme d’euthanasie au pays du grand repos. Gilchrist OLYMPIO, Léopold GNININVI, Edem KODJO sont au nombre des victimes. En les appelant tous « papas », l’intention de Faure n’est nullement de puiser à leur source pour reconstruire le Togo. Il est dans une ruse pour les jeter par-dessus son empire, être libre de ses ambitions. Faure a la maîtrise  des « habitudes de la maison ». Il combine la méthode forte avec la méthode douce pour réaliser  le parricide et se donner assez d’air dans ses objectifs particuliers.

Les promesses de changement, de modernisation de la vie  publique, d’innovations politiques, d’excellence  dans la gestion du pays annoncées péremptoirement tiennent en un chapelet de parricides, de massacres des valeurs de sa propre famille, de son parti politique où l’unité fut reine, une règle à laquelle le père ne pouvait déroger. Pour garder, préserver la mémoire  de quelqu’un, c’est sur ses bons  côtés et ses valeurs qu’il faut lui ressembler. C’est précisément ce sur quoi beaucoup d’observateurs s’accordent pour dire que EYADEMA  est  mort deux fois : la première fois de sa propre mort physique, la seconde fois par l’assassinat de sa mémoire.

Toutefois, nul ne peut affirmer que les mauvais côtés du « Timonier » ont disparu. La survivance persiste amplement avec d’autres ingrédients aux saveurs de piment. La faiblesse de l’autorité du « petit » accélère  la prédation du pays avec des crimes  de sang et des crimes économiques des groupes de personnes  devenues des roitelets de la nouvelle République. Dans ce désordre assourdissant, chacun tire une manne, sa cagnotte pour affamer durablement le peuple.

Le ronronnement des populations sous Faure est plus fort, plus ample  et va plus loin. Les déceptions dans les rangs du parti sont énormes, les imprécations à peine tues dans sa propre famille sont manifestes dans la voix de Mimi GNASSINGBE, le grincement des dents des vieux gradés de l’armée appelle à des clans dans les corps de Défense et de sécurité, les fantômes des victimes  du régime du Prince chantent dans les cieux les derniers pas de ce pouvoir vers l’hécatombe et l’esprit d’un père piétiné dans ses valeurs, assassiné dans sa mémoire dresse à Faure la table  de la punition. Les forces en travers du pouvoir sont de plus en plus nombreuses ; elles ne laissent plus personne  indifférent.

2- Le crépuscule  des ambitions du Prince

Les principes et les valeurs pour les grands projets politiques, se défendent dans  un plan sérieux qui trace  les sillons de l’avenir. Ce sont eux qui participent à  la construction nationale. Leur lisibilité  rend le Prince digne, moderne et bâtisseur. Un Prince  en permanence dans une logique  de soupçon, de haine, de représailles s’expose  sans s’imposer, s’affaiblit  sans convaincre, apparaît à la conscience sans s’imposer, s’affaiblit sans convaincre, apparaît à la conscience  collective  sans y être  présent. La méthode  de Faure qui procède par des changements d’étiquettes avec la conversation des pratiques vieillies développe une  énorme force d’inertie qui pourrit le pouvoir entre ses mains. La liquidation systématique des rapports humains, des filiations et apparentements et de la justice fait de  l’ombre au pouvoir parce qu’elle fait secréter  de la bile  dans les rangs des proscrits, des frustrés, des exclus qui se rapprochent  par nécessité du sort pour s’unir dans une  cuirasse de force opposante. Le front des indésirables met en danger la cité. Leur chagrin en effervescence leur donne  une force supplémentaire d’exister. Car, comme l’écrit  André SIEGFRIED : « En politique, seuls savent s’arrêter, ceux qui ne seraient pas partis ». Tous ceux qui se sentent menacés  dans leurs convictions, en se repliant  sur eux-mêmes trouvent  la force nécessaire du sursaut dès qu’ils se font le pari de leur résurrection. La contrainte est un stimulant  puissant qui sert à inventer  ou à se réinventer.

Ceux qui, pour des raisons diverses écoutent le Prince dans ses ambitions creuses sans dire un mot, ceux qui ont les mains  et les pieds liés sans avoir le cœur à la tâche ne rendent aucun service à Faure. Pour Paul VALERY dans  Autres Rhumbs : « Les  grandes  flatteries sont muettes ». Les résignations provoquent des ruminations pour réveiller  des démons. Nous n’avons jamais imaginé Faure aussi loin du pouvoir qu’aujourd’hui. Ceux que le Prince a aiguillonnés pour commettre tous les forfaits dans la conquête du pouvoir sont placés dans l’isoloir de la honte, de l’humiliation. Le boucher des Lacs, Assani TIDJANI paie à Faure sa fidélité. Pour installer Faure au pouvoir, il a particulièrement dirigé la répression, les massacres à ANEHO en compagnie de Casimir DONTEMA avec qui il pourra se distraire dans les cachots  de l’ANR  (Agence Nationale de Renseignement).

Faure  veut avancer, ouvrir sa propre voie. Il n’a d’autre  choix  que de faire  avaler des couleuvres à plusieurs personnes. C’est  la loi des grandes mutations que François RABELAIS décrivait déjà dans Gargantua : « La nature n’endure mutations soudaines sans grande violence ». Mais la violence, quand elle se prive de défendre les grandes valeurs, la justice, la sécurité des populations, leur bien-être, dans ses glissements sinueux et ses coups bas, elle devient un moyen redoublé et pervers pour perpétuer la tyrannie, les folies des petites ambitions.

Les justifications légères des arrestations ciblées, les procès précipités sans droit à la parole de l’avocat de la défense n’ont de raison qu’une volonté de sévir pour dégager l’horizon du Prince, lui ouvrir les brèches de ses ambitions nationales et internationales aux reproches acerbes,  nombreux et divers. Le pouvoir se couvre d’artifices et apparaît, dans ses manœuvres indécentes et puériles, comme la chose la plus détestable par nos concitoyens. La condamnation récente de l’ancien Premier ministre Eugène ADOBOLI a encore enflammé l’opinion nationale parce que les grands prédateurs des deniers publics sont bien connus au Togo et sont dans les différents compartiments du pouvoir actuel.

Un grand malaise politique s’empare du peuple togolais. Il n’a jamais été aussi retentissant. Les crimes économiques sont connus et mettent les nerfs des populations à fleur de peau. La vie chère impose au peuple les réclamations d’urgence et provoque des récriminations de plus en plus violentes contre la personne de Faure GNASSINGBE. De la pauvreté à l’indigence, les Togolais sont fâchés. Même ceux qui accordaient quelque confiance dans la capacité du Prince enterrent leurs petites certitudes. Tout se complique pour le pouvoir, tout s’entremêle. Une nuit sans étoile pour le régime est le signe irréfutable du précipice qui s’agrandit du pied de ce pouvoir qui convainc tout le monde de son incapacité à résoudre les problèmes des Togolais.

Une dynamique nouvelle est née dans notre pays. Les mentalités se préparent au départ de Faure GNASSINGBE et de sa clique, de ses ami (es) gourmand (es) et méchant (es). Il ne s’agit nullement d’une affabulation. Le sentiment est réel, national et irréversible. Les MSF (Mouvement de Soutien à Faure) serviront à lui bander les yeux pour longtemps et l’accompagner dans un déclin triste qui le fait vieillir précocement.

De tous nos vœux, nous appelons à l’unisson à cette fin parce que « A l’impossible nul n’est tenu ». Le droit d’exister en tant que peuple nous appartient. Nous l’exerçons au nom de l’instinct de conservation et de l’autopromotion des peuples. Nos besoins vitaux et les conditions d’un mieux-être sont impératifs et ne peuvent être différés par une gérance aux allures de maltraitance de l’humain-patron. L’exigence populaire du départ du Prince n’est d’aucune coloration politique, citoyenne et morale de la dégradation continue de la vie du peuple. La faim et la soif des populations en larmes assises en face d’une fontaine d’eau et de richesse est une torture inacceptable voire un crime. Ce régime se disqualifie dans sa mollesse caractérisée à agir en faveur des populations. Il ne veut rien que le pouvoir sans être préparé à gouverner. Il déploie cependant de grands moyens dans les renseignements, la répression pour demeurer le régime du soupçon. Or, le soupçon inhibe l’intelligence, la créativité, l’efficacité de l’action en faveur des intérêts du peuple.

La vie d’une nation n’attend jamais au nom des intérêts particuliers et des faux-honneurs. Faure a malheureusement versé trop de sang pour accéder au pouvoir. Le crime dans l’ordre cosmique porte atteinte à l’équilibre du bourreau ; il le faiblit et l’expose à des échecs patents qui sont  une forme de justice immanente à la nature elle-même. Les réclamations sociales et les convulsions des échecs du Prince constituent la malédiction qui creuse sa tombe.

Le processus de désintégration du pouvoir de Faure a atteint un point de non retour. Aucun colmatage douteux ne réussira à le freiner. Les principes de base de son pouvoir sont totalement corrompus. La voix du sang l’a assombri, la punition est imparable. Les lois de la nature sont implacables. Elles font tourner la roue de l’histoire qui écrase impitoyablement ceux qui choisissent d’être leurs propres ennemis par des actes crapuleux. Seules les réformes institutionnelles et constitutionnelles pourraient encore donner à Faure un répit salvateur avant le déluge.

 

Didier Amah DOSSAVI

L’Alternative N° 90 du 02 août 2011