LE RPT, un régime de mépris pour les populations et les lois togolaises

Faure Gnassingbé dans la logique d’un régime d’exception et de violation tous azimuts des lois

Le fait est tout simplement symptomatique des intentions véritables du système dirigé par Faure Gnassingbé. Préférant visiblement contourner les lois de la république qui l’empêchent d’assouvir des desseins de règne éternel et de gouvernance orgiaque, ce système ne recule devant rien, même pas devant l’impudique violation des lois de la république. Une observation de l’actualité socio-politique des vingt-quatre derniers mois révèle un tableau inquiétant et alarmant. Serions-nous dans un régime d’exception sans le savoir ?

Violation d’immunité

Le mardi 19 juin dernier, l’opinion nationale et internationale a été choquée par l’intrusion malheureuse des éléments de la gendarmerie au domicile de Messan Agbeyomé Kodjo. Sans mandat, ces agents se sont permis des actes de violence sur les biens meubles et les personnes avant de brutaliser le président du parti politique OBUTS et de le menotter, ainsi qu’un braqueur pris en flagrant délit de braquage. Cette opération de la Gendarmerie est un scandale qui, dans des pays sérieux, aurait coûté des sanctions aux exécutants et à la hiérarchie de la gendarmerie. De plus, par son caractère violent et humiliant, cette opération se révèle un flagrant cas de violation des droits humains. Le plus grave et en même temps le plus surprenant dans cette affaire, c’est que M. Kodjo est un ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée Nationale ; à ce titre, il est couvert par une immunité qui est un frein incontournable à toute action judiciaire contre lui.

En cautionnant une telle opération, le couple Faure Gnassingbé-Gilbert Houngbo viole la loi organique n° 2007-014 déterminant le statut des anciens présidents de l’Assemblée Nationale. Votée par l’Assemblée Nationale le 18 mai 2007 et promulguée par Faure Gnassingbé  le 19 juin 2007, cette loi définit les privilèges juridiques, matériels et financiers accordés par la république togolaise aux anciens présidents de l’Assemblée Nationale. ; Elle indique notamment les indemnités, la rente viagère, la position dans le protocole d’Etat ainsi que l’immunité d’un ancien président d’Assemblée.

En substance, l’article 10 de la loi interdit toute action de police ou de justice contre cette catégorie de citoyens si les députés ne l’autorisent pas par un vote à la majorité absolue. L’article dit qu’ « aucun ancien président de l’Assemblée Nationale ne peut être poursuivi ou arrêté en raison des faits délictuels par lui commis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale obtenue après une délibération spéciale votée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée Nationale ». L’article 11 décrit la procédure à suivre à cette fin. En envoyant ses missi dominici en uniforme au domicile de M. Kodjo, ancien président de l’Assemblée Nationale, le pouvoir de Faure Gnassingbé a violé avec fracas la loi qu’il a fait voter librement lui-même.

Violation de statut d’avocat

Quelques jours plus tôt, c’étaient les citoyens Zeus Ajavon, Benoît Afangbedji et Kpande-Adzare qui ont été retenus dans les services de la Gendarmerie sans raison pertinente. Du samedi 16 au dimanche 17 juin, ces citoyens ont tenu compagnie malgré eux aux gendarmes du Service de Renseignements et d’Investigation (SRI) sans que personne au sein du système Faure Gnassingbé ait pu se rappeler que leur statut ne permettait pas une telle action.

Par ce fait, Faure Gnassingbé se fait complice, ou commanditaire – de la violation du statut des avocats qui, pour le titre d’auxiliaires de justice, ne sauraient être interpellés ou écroués sans l’autorisation du Barreau. Celui-ci n’apprendra la nouvelle de l’interpellation de ses collègues que par voie de média alors que dans une république normale, il devait être le premier informé. Violation d’une procédure mais surtout mépris pour un corps de métier et pour des citoyens dont le crime est de refuser de se taire et de subir.

Violation du droit de manifester

Beaucoup de Togolais ont cru, à tort aujourd’hui,  que Faure Gnassingbé romprait avec les pratiques regrettables de son feu père Eyadèma Gnassingbé. Ils ont cru par exemple qu’avec lui, l’esprit nouveau et l’homme nouveau, les répressions policières et la terreur permanente n’auraient plus droit de cité. Les faits récents de l’actualité politique nationale sont de nature à leur faire renoncer à leur foi et à leur espérance. De plus en plus, le pouvoir de l’esprit nouveau s’accommode du statut d’un système répressif et liberticide. Plusieurs exemples existent, cependant on peut se contenter de la dernière répression dont la violence et la brutalité sont encore fraîches dans les mémoires.

Il s’agit de la répression du rassemblement des Loméens au quartier Deckon à l’appel du Collectif «Sauvons le Togo». Une énième violation du droit de manifester et de la liberté politique. Il s’agit d’une double violation : en faisant gazer et brutaliser les citoyens, Faure Gnassingbé et Gilbert Houngbo ont piétiné sans gêne l’article 150 de la Constitution du Togo qui reconnaît à tout citoyen le droit de manifester et de s’opposer à tout ce qui constitue une menace pour le pays et ensuite la loi Bodjona qui détermine les conditions d’organisation et de déroulement des manifestations sur la voie publique. A quoi sert-il de faire voter des lois pour ensuite marcher dessus comme on fait d’un essuie-verres ou d’une wassingue ?

Un régime de violation et de mépris

Comment peut-on comprendre que le système dirigé par Faure Gnassingbé fasse autant et si régulièrement le contraire de ce qu’il dit et tente de faire croire au quotidien ? Sans risque aucun, on peut dire que les Togolais se rendent compte aujourd’hui que feu Eyadèma est mort, mais il n’est pas mort. La raison est que ce qu’ils ont vécu et regretté durant le règne de l’homme du 13 janvier, ils en subissent plus encore aujourd’hui, en dépit des promesses ronflantes et des apparences entretenues à grands frais. Des sources susurrent même qu’au sein du système, des dignitaires, civils et militaires, ne manquent pas d’occasion pour confier qu’ils se sont trompé d’homme en  remplaçant feu Eyadèma par Faure Gnassingbé. « On a commis une erreur » semblent-ils dire. Mais le mal est sans doute déjà fait.

En conséquence, le Togo a aujourd’hui l’air d’une jungle où les plus forts font des plus faibles ce que leur instinct leur commande. Tous les beaux discours sont confondus et démentis par le caractère implacable et inénarrable de la réalité. En lieu et place de la modernité et de l’Etat de droit promis, les Togolais assistent à  la mise en place d’un atypique Etat d’exception, un cocktail étouffant de tous les formes viles de systèmes malfaisants : népotisme, ploutocratie, oligarchie, cleptocratie, le Professeur Apedo-Amah a ajouté récemment la pornocratie.

La démocratie étant avant et après tout un ensemble de lois dont seul le respect est le gage de son authenticité et de son effectivité, Faure Gnassingbé et Gilbert Houngbo ne peuvent pas prétendre gouverner un pays de démocratie si tous les jours des lois doivent être violées, sans pudeur ni retenue. Dans le cas des violences de gendarmes au domicile de M. Kodjo, président d’OBUTS et ancien président de l’Assemblée Nationale, on devait savoir au moins que, bien que ce citoyen soit un adversaire, il a une histoire et des droits. Pour n’avoir pas montré cette pertinence et cette justice, le pouvoir de Faure Gnassingbé a forcé une place de choix dans le monde des régimes d’exception et de terreur. D’ailleurs, on peut s’étonner et s’indigner en même temps de ce que, après avoir commis l’irréparable et le scandale, on ait relâché quelques heures plus tard le citoyen Agbeyomé Kodjo. Pourquoi faire autant de bruits et de violence pour ensuite laisser libre quelqu’un qu’on a violenté et humilié quelques heures plus tôt ?

Selon différents observateurs, le système piloté par Faure Gnassingbé ne s’imagine pas en dehors du pouvoir d’Etat. Pour cela, il tombe en transe et perd tous ses repères dès que survient une situation jugée susceptible de le déranger. La répression aveugle du sit-in du CST les mardi 12 et mercredi 13 juin s’explique ainsi. Le mépris évident pour les lois protégeant les avocats et les anciens présidents de l’Assemblée Nationale y trouve aussi sa justification. Pour d’autres observateurs, la répétition des cas de violations des lois par Faure Gnassingbé et son système est l’expression d’un système qui n’a plus d’arguments rationnels. Contesté de toutes parts et ne se maintenant que par la force, l’intimidation  et la corruption, ce pouvoir ne peut pas s’accommoder des lois qui pourraient décider de sa fin. C’est pour tout cela que, peu à peu, violation après violation, le pouvoir de Faure Gnassingbé devient de plus en plus un système de négation et de néantisation des lois et de la personne humaine..

Nima Zara

Le Correcteur N° 353