Le regroupement de Bè Gakpoto dispersé, des manifestants se sont jetés dans la lagune pour fuir la répression


Si la marche d’hier matin n’a pu avoir lieu, elle a permis tout de même de voir que les forces de sécurité sont en mesure de rééditer ce qui s’était passé le 11 avril 1991, lorsque des civils avaient été pris entre deux feux par des militaires. Cette fois-ci, des manifestants ont été arrêtés alors qu’ils marchaient, sans avoir lancé de pierres. Quelle version la hiérarchie militaire va-t-elle sortir cette fois pour justifier ces arrestations?

Du carrefour Dékon jusqu’au lieu de regroupement, à savoir Bè Gakpoto, la présence des hommes en treillis sur la voie que devait emprunter la marche pacifique du Collectif « Sauvons le Togo », était visible et dissuasive. Sur le lieu du rassemblement, l’aire d’exposition des motos Sanya était occupée par des hommes en uniforme, armes en bandoulière et grenades lacrymogènes à portée de mains. Des véhicules de la police et de la gendarmerie quadrillaient tout le périmètre. Et dans les ruelles ou sur les trottoirs, des hommes et femmes qui allaient et venaient, comme attendant un signal de ralliement. Il y avait de la tension dans l’air, mais pas dans le sens agressif du terme. Les soldats demandaient à tout le monde de circuler et n’admettaient pas des regroupements dépassant un certain nombre. Ce jeu du chat et de la souris dura une bonne partie de la journée et, rassurés que plus rien ne pouvait se passer à une heure si avancée de la journée, un groupe de soldats rengaina, monta dans les véhicules et quitta les lieux.

Les abords de la lagune de Bè côté nord enfantèrent instantanément de manifestants. Et sans plus attendre quelque cri de ralliement que ce soit, ceux-ci se mirent en route pacifiquement, avec l’idée de se faire rejoindre par les autres au fur et à mesure que la procession évoluerait. Mais à l’aide de talkie-walkie, on rameuta le groupe de soldats partis et peu de temps après, les revoilà de retour. Le groupe de manifestants était déjà sur le pont et comme un étau, les soldats de chaque côté du pont de la lagune de Bè, se ruèrent sur eux. Heureusement que la plupart purent se frayer un chemin à travers les mailles qui se tissaient. Mais trois personnes se sont jetées dans la lagune comme fuyant la peste alors qu’elles ne savent pas nager. Mais ils ont pu regagner la rive après que l’un d’entre eux eut avalé de cette eau répugnante. Il avait préféré cela à la barbarie légendaire des forces de sécurité. Deux autres jeunes ont été embarqués dans un véhicule de la police. Il faut rappeler qu’aucun marcheur n’a lancé de pierre ou de caillou à l’endroit des hommes en uniforme avant que ces derniers n’interpellent les deux jeunes.

On a encore souvenance de ce qui était arrivé à de paisibles populations rentrant un soir d’avril 1991. Des gens avaient été retrouvés morts dans la lagune suite à un couvre-feu assassin décrété par ce même régime.

Tout semblait redevenir normal quand soudain, un groupe de policiers qui demandaient à des groupes de personnes de se disperser au niveau des rails, essuya des jets de pierres, et l’agent qui dirigeait le groupe reçut un projectile qui l’atteignit au bras. Dans leur rage, les soldats s’élancèrent dans la direction d’où venait le jet. Et ils tombèrent sur un homme. Coupable ou pas coupable ? L’intéressé nia les faits, mais les agents se sont mis à cinq ou six pour le rosser. Ils l’emmenèrent ensuite. « J’ai été pacifique avec vous jusqu’ici mais sachez que je peux être aussi violent. Cette blessure qui m’est faite, sachez que je la ferai à l’un d’entre vous aussi », jurait l’agent touché par le projectile.

Le rassemblement d’hier n’a pu se tenir. Mais une marche est prévue ce matin à Lomé et dans les villes de l’intérieur du pays.

Godson K.

www.liberte-togo.com