Descente macabre des miliciens samedi dernier
Danger : le régime togolais opte pour la guerre civile
Jusqu’où ira le mutisme de Faure Gnassingbé devant la situation sociopolitique qui sévit dans le pays dont il estime être le Chef de l’Etat ? Telle est la question que se posent nombre de Togolais et même les observateurs étrangers des événements qui se passent dans le pays. Devant les revendications de la classe politique, c’est la sourde oreille. Quand le secteur de la santé grogne, les marchands de véhicules au port de Lomé crient haro pour des impôts insupportables, les étudiants revendiquent de meilleures conditions d’études, le gouvernement baigne dans une indifférence totale ou dans le meilleur des cas, le saupoudrage, en trouvant des solutions approximatives aux problèmes qui se posent à lui. Pendant que les conditions de vie deviennent de plus en vie difficiles pour la majorité des Togolais avec à la clé la vie chère, Faure Gnassingbé et son gouvernement optent pour la sourde oreille et ils ont corsé la souffrance du peuple depuis le 25 Août dernier par l’augmentation du prix du gaz butane jusqu’à 36 %. Au-delà des difficultés sociales créées pour rendre la vie dure aux citoyens, Faure Gnassingbé en tant que Chef suprême des armées semble ne pas se préoccuper des répressions des manifestations de l’opposition. Pour enfoncer le clou, le pays a frôlé une guerre civile samedi dernier suite aux barbaries des miliciens du régime sur les militants de l’opposition. Tous les dangers sont attendus.
Le samedi 15 Septembre 2012, le Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) a initié une marche de protestation à travers la ville de Lomé. Il était soutenu dans cette initiative par le Collectif Sauvons le Togo. Cette marche avait pour point de départ, les feux tricolores du quartier Adéwui non loin du Consulat du Sénégal et de l’Eglise baptiste de ce quartier. Pour ce samedi, la marche est prévue pour 8 heures. Mais tôt le matin, à peine les militants de l’opposition ont commencé à se converger vers le point de départ de la manifestation, qu’une troupe de miliciens, armés de gourdins, de coupe-coupe et autres armes blanches, se sont déployés sur le lieu. Sans sommation et en présence d’éléments des forces de sécurité, la bande de miliciens s’est mise à exercer des violences sur tous ceux qui étaient habillés en T-shirt de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC). Le ton de la répression était donné lorsqu’un véhicule Mitsubishi de couleur grise immatriculé TG 1976 AM s’est arrêté devant l’église baptiste. Six miliciens en sont sortis et ont violemment molesté une jeune femme membre du service d’ordre du FRAC habillée en vert. Se portant à son secours, ses collègues du service de maintien d’ordre ont été rapidement encerclés par plus d’une centaine de miliciens se trouvant dans les environs. Les forces de l’ordre déployées sur les lieux ont par la suite arraché certains responsables du FRAC qui étaient menacés de mort par les miliciens. Les répressions ont vite gagné tout le quartier au fur et à mesure que les militants de l’opposition convergeaient vers le point de départ.
Des témoins ont noté de nombreux blessés, dont des cadres du parti de Jean-Pierre Fabre. C’est le cas du vice-président Kolani Sambène. Alors qu’il se dirigeait vers le point de départ sur une moto, il a été attaqué par des miliciens qui l’ont roué de coups. Ce responsable de l’ANC s’en est sorti avec le crâne fracassé. Les forces de sécurité ont eu une attitude passive, parfois suspecte face aux violences exercées sur leurs militants par des miliciens, visiblement dans un second état. « Le Capitaine Akakpo et ses hommes qui étaient non loin du lieu où le vice-président de l’ANC était agressé, ont laissé faire et ne sont intervenus pour le secourir que quand le sang coulait. Ils n’ont mis aux arrêts, aucun des agresseurs», a déclaré un témoin.
D’autres témoins rapportent avoir suivi certains des agresseurs habillés en T-shirt de couleur noire, et qui se sont repliés sur la gendarmerie nationale après leur forfait. Pour ces témoins, les miliciens ne sont en partie autres que des éléments des forces de sécurité qui ont agi en tenue civile. « On les a suivis, ils étaient en T-shirt couleur noire et étaient à moto. Ils se sont par la suite repliés au camp de la gendarmerie nationale», soutiennent-ils.
Autour de 11heures, des journalistes ont été alertés que certains des miliciens avaient décidé d’aller casser la radio Légende. Mais les « assaillants » ont été dissuadés par un déploiement de gendarmes ordonnés par le Directeur Général de la Gendarmerie, qui en a informé le ministre de la Sécurité, le Colonel Damehame Yark.
Les miliciens violentaient sans distinction, journalistes et observateurs des organisations de défense des droits de l’homme, pourtant habillés de gilets identifiables. Ils ont brûlé une moto à Tokoin Gbadago après avoir passé à tabac son propriétaire qui avait remorqué une dame.
La milice était décidée à en découdre avec les manifestants de l’opposition. Aussi a t- on assisté à des courses poursuites dans plusieurs quartiers environnant Adéwui jusqu’à la mi-journée; les carrefours des quartiers Tokoin RAMCO, Amoutivé, Cica Toyota etc. étaient la cible des miliciens.
Il est à noter également la présence de la Croix Rouge qui sillonnait les quartiers pour ramasser les blessés. Le CST dénombre près d’une cinquantaine de blessés dont une trentaine de cas graves dans le rang de ses manifestants.
Il faut signaler que la complicité des forces de l’ordre avec les miliciens était patente car, les miliciens n’étaient nullement inquiétés et n’hésitaient pas à se montrer très enthousiastes à leur passage. Ils ont même été encouragés par un officier de la gendarmerie, que plusieurs témoins ont vu en train de leur distribuer des boissons alcoolisés au niveau des rails de Doumasséssé, non loin du centre commercial UNIPRIX.
De l’église Baptiste d’Adéwui jusqu’à Uniprix, les miliciens étaient même raccompagnés par deux fourgonnettes de la police qui ne cherchaient même pas à les inquiétés de quoi que ce soit.
Le CST, au cours d’une conférence de presse tenue dans l’après-midi de cette journée de samedi, a déclaré que « les miliciens étaient encadrés par plusieurs personnes qui ont participé aux événements sanglants de 2005. La même source précise qu’en fin d’après-midi, plusieurs dizaines de miliciens se sont rendus au siège du RPT au quartier Tokoin Forever où de l’argent leur a été distribué. Près de 150 millions de francs CFA auraient été déboursés par le pouvoir en place pour cette opération.
Bien d’observateurs redoutent des violences généralisées sur fond de clivages ethniques à la suite de ces violences visiblement organisées dans le but de décourager la mobilisation populaire en faveur de réformes et les revendications du CST pour des élections acceptables au Togo.
Le pouvoir prépare la guerre civile
Un peuple opprimé, réprimé et poursuivi jusque dans son dernier retranchement finit par organiser sa riposte. Et en avant les dégâts. La passivité des forces dites de sécurité lors de cette manifestation est un signal fort que le pouvoir était de connivence avec ceux qui violentaient les manifestants. Le gouvernement togolais ne veut rien prévoir et nage dans l’indifférence et la mauvaise foi. Pour preuve, les répressions se sont produites au vu et au su des forces de sécurité. En aucun moment, il ne s’est agi d’éléments incontrôlés comme le pouvoir sait le dire souvent.
Les agents de sécurité ont simplement laissé la situation dégénérée.
Le premier ministre et le Chef de l’Etat ont intérêt à jouer la carte du réalisme et à agir le plus tôt possible pour faire baisser la tension au sein de la population. Selon un principe de la physique, toute action appelle toujours la réaction. Les preuves sont légions. Le 12 Juin dernier, lorsque les éléments qui ont infiltré les rangs des manifestations ont lancé des gaz lacrymogènes, les manifestants ont riposté par des pierres. Les 21et 22 Août dernier, les balles en caoutchouc et les grenades des forces de l’ordre ont rencontré la riposte des manifestants qui ont usé de pierres. Si les manifestants de l’opposition ont fui le week-end dernier les agressions des miliciens, c’est parce qu’ils n’avaient pas d’armes blanches comme leurs adversaires et leurs moyens de défense, les pierres, étaient disproportionnés.
Certains manifestants ont regretté n’avoir pris soin de se munir eux aussi d’armes blanches. Ce qui suppose que s’ils en avaient, ils en feraient usage. Si demain, les miliciens utilisent des armes à feu, les manifestants seraient aussi tentés d’en avoir eux aussi.
Il est vrai qu’aujourd’hui, l’opposition togolaise ne possède pas d’armes à mettre à la disposition des ses militants. Cette éventualité n’est pas exclue pour l’avenir.
D’ailleurs, certains militants peuvent s’en procurer, peu importe si ces armes sont de fabrication artisanale. Si le pouvoir en place continue de jouer à la politique de l’autruche et ne veut que parler le langage de la répression, il finira par avoir le dos au mur et payer le prix de la résistance. Faure et les siens doivent savoir qu’aucun pouvoir n’est éternel. Les exemples du printemps arabe sont encore dans les esprits et devraient l’édifier. Ce serait illusoire de croire qu’il n’y aura jamais un soulèvement populaire de grande envergure au Togo. Même un serpent inoffensif finit par mordre s’il est dépassé par les événements. Croire que les Togolais sont et seront des poltrons à l’infini est un leurre. L’idéal pour un jeune de son âge est de quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne le quitte. La solution la plus simple aux maux dont souffle le Togo est de faire la volonté du peuple. Vouloir être un jusqu’auboutiste dans la répression amène petit à petit le pays vers des lendemains très incertains. En tout cas, tous ceux qui ont été témoins des événements peuvent en toute franchise avoué que le Togo a frôlé samedi une guerre civile à l’image du drame rwandais.
Il est temps que le Chef de l’Etat sorte de son mutisme et rassure le peuple. Les événements de ce week-end prouvent à suffisance que le pays est à nouveau profondément divisé et s’achemine vers le chaos. Faure Gnassingbé et ceux qui se servent de lui pour professer les valeurs de la réconciliation et de l’apaisement doivent revoir leurs copies. Il revient encore à Faure Gnassingbé et à lui seul d’arrêter la frénésie et la divagation avant qu’il ne soit trop tard. Sans la préservation de l’unité nationale, la restauration de la justice sociale, de l’ordre, de la discipline et de l’autorité de l’Etat, le pays fonce droit vers la dérive, le gouffre et c’est tout le monde qui va en pâtir puisque les balles ne distinguent personne.
Jean-Baptiste ATTISSO
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Jean-Baptiste ATTISSO