Le Président du RPT ne veut pas assumer le lourd passif de son parti

CREATION DU PARTI DE FAURE GNASSINGBE :

Quel avenir pour Abass Bonfoh, les députés du RPT et l’accord avec l’UFC ?

Plus qu’un secret de polichinelle, le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) sera bel et bien dissout mais pas le 30 août 2011 dans le Kloto. En lieu et place, un nouveau parti de l’héritier de feu Général Gnassingbé Eyadema sera porté sur les fonts baptismaux, 42 ans après l’appel historique de Kpalimé. Quels sont les tenants et aboutissants d’une telle aventure du prince héritier ?

Un an après son second hold-up électoral, Faure Gnassingbé est plus que jamais déterminé à s’émanciper de ses mentors en sabordant le Rpt, le parti dont il est l’héritier biologique. Après moult tentatives en 2007 et 2010, le chemin semble à présent balisé pour la création d’un « creuset national bis », au grand dam des caciques du régime quarantenaire.

Pourquoi Faure Gnassingbé s’obstine-t-il à créer un autre parti en dissolvant celui qui l’a présenté à la dernière élection présidentielle ? C’est la question qui revient sur toutes les lèvres.

Fondamentalement, Faure Gnassingbé étant le Président du Rpt, il doit démissionner de ce parti avant de créer un autre, conformément à l’article 8 de la Charte des partis politiques qui dispose que : « Nul ne peut appartenir à deux partis politiques à la fois ».

Mais au-delà du respect des dispositions légales, le sabordage du Rpt par son président serait plus motivé par la nécessité de couper l’herbe sous les pieds à ceux qui ne jurent que par le Rpt et qui risquent de le ressusciter pour faire ombrage au parti en gestation.

Pour ces conservateurs, le Rpt est un héritage du vieux (Eyadema) qu’il faudra défendre becs et ongles en mémoire du défunt père fondateur du parti. Aussi, assiste-t-on à un conflit larvé entre les conservateurs et les réformateurs du parti au pouvoir. De cette guerre fratricide, le Président de la République en sortira-t-il grandi ou fragilisé ?  Rien n’est moins sûr.

Un passif  lourd à supporter

Sans nul doute, le Rpt traine derrière lui un préjugé défavorable, un passif  trop lourd à supporter par Faure Gnassingbé qui a visiblement du mal à insuffler un nouveau dynamisme au parti agonisant.

De sources proches des nouveaux ténors, le refus du Rpt d’opérer des réformes en son sein, conformément aux recommandations du dernier congrès, pousserait Faure Gnassingbé à créer un nouveau parti avec une nouvelle vision. Seulement, qu’il nous souvienne que le même Faure Gnassingbé déclarait à Kara que les acquis seront préservés, seule la dénomination du nouveau parti changera. Est-ce des propos pour rassurer les conservateurs ou une réelle volonté de relooker le Rpt en changeant tout simplement le nom tout en gardant les mêmes méthodes, les mêmes pratiques, bref  le même système qui a ruiné le pays 42 ans durant ? De ce plat pourri réchauffé, les Togolais n’en ont vraiment pas besoin. Quelque soit le nom qu’il prendra, le nouveau parti doit se départir des vieilles méthodes, des habitudes de la maison qui ont mis le pays en lambeaux. De ce fait, il urge d’opérer les réformes institutionnelles et constitutionnelles telles que prévues par l’Accord politique global (Apg) depuis août 2006.

Quel avenir pour les députés Rpt et l’accord avec l’Ufc ?

Avec la dissolution du Rpt annoncée pour le prochain congrès, l’avenir de l’accord dit historique avec l’ufc, est plus hypothéqué que jamais.  Il serait incongru voire caduc de s’appuyer sur un accord dont l’une des deux parties prenantes s’est sabordée. Par conséquent, le gouvernement Rpt-Ufc doit être purement et simplement dissout.

Tout comme il est interdit aux députés de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) de se constituer en groupe parlementaire, les députés du Rpt qui auraient rejoint le nouveau parti ne peuvent guère se constituer en groupe parlementaire pour soutenir l’action du Président Faure. Les 50 députés Rpt deviendront tous des non-inscrits. Dans ce cas de figure, l’Ufc et le Car seront les seules formations politiques constituées en groupes parlementaires. Or, conformément à l’article 8 de son règlement intérieur, « le bureau de l’Assemblée nationale, les présidents des commissions et les bureaux des commissions sont élus en s’efforçant de refléter la configuration politique de l’Assemblée nationale ». L’article 13 vient renforcer cette disposition en procédure d’élection des membres du bureau : « Les candidatures à la présidence et aux autres postes du bureau doivent être déposés au bureau d’âge de l’Assemblée nationale par les formations politiques siégeant à l’Assemblée nationale… ». De tout ce qui précède, une recomposition du bureau s’impose avec la dissolution du Rpt. La majorité parlementaire changera de camp et l’Ufc avec sa dizaine de députés, a le vent en poupe pour  présider le bureau de l’Assemblée nationale.

A en croire certains observateurs avisés de la scène politique togolaise, toutes ces manœuvres ne visent qu’à garantir deux nouveaux mandats au « Prince » avec sa nouvelle formation politique. Le nombre de mandat présidentiel sera certes limité à deux et le compteur remis à zéro pour Faure Gnassingbé qui passera en pertes et profits les précédents mandats sous la couleur du Rpt. Un complot international ourdi contre la jeune démocratie togolaise, eu égard au soutien dont le régime en place bénéficie.

Pour ne pas permettre à l’Ufc de s’accaparer du perchoir à l’hémicycle, des élections législatives anticipées, couplées de locales seraient envisagées quelques mois après la création du nouveau parti pour assurer une majorité parlementaire au Président de la République. D’ailleurs des stratégies de communication politique sont mises en branle pour ratisser plus de membres et sympathisants pour le  nouveau parti de Faure qui, de sources dignes de foi ne s’appellera pas l’Union pour la majorité présidentielle (Ump), ni Parti pour une majorité populaire (Pmp). Des émissaires sont déjà à pied d’œuvre et sillonnent nos préfectures à cet effet. L’ère du « Faurisme » vient-il de commencer ? C’est le moins qu’on puisse dire.

Isidore Akollor

Actu Express N° 158 du 02 août 2011