L’Ambassadeur des USA au Togo, Madame Hawkins émet des doutes sur la neutralité de la CVJR

2009-07-27 Note sur la nomination des membres de la CVJR
http://wikileaks.org/cable/2009/07/09LOME249.html

 

Résumé

Plus d’un an après le début des consultations nationales pour la composition et la mission d’une Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) au Togo, le Conseil des ministres a publié un décret nommant les membres. Dans une réunion du 16 Juin avec l’ambassadrice, quatre des membres décrivent la tâche à accomplir et les problèmes qu’ils prévoient quand le Togo commencera à s’attaquer à son histoire politique, contentieuse et souvent violente. Fin de Résumé

La mission de la CVJR est de faire des recommandations pour éclairer les actes de violence de nature politique du passé et d’étudier les méthodes d’apaisement pour les victimes. La commission est chargée d’organiser des campagnes de sensibilisation afin de s’assurer que la population togolaise comprenne son travail. Elle rédigera un rapport expliquant la nature, l’étendue et la cause des actes politiques de violence et devra rechercher le contexte qui a produit la violence. La CVJR devrait également, dans le cadre de ses travaux, identifier les auteurs, institutions, organisations et autres responsables des violations des droits humains. Enfin, la Commission devrait proposer les méthodes possibles de réparation et recommander les façons d’éviter de telles situations à l’avenir.

Les doutes quant à savoir si la CVJR sera effectivement en mesure de s’acquitter convenablement de sa tâche ont été renforcés par la publication des noms des membres du comité. Alors que certains sont des membres respectés de la société togolaise, d’autres vont probablement être eux-mêmes accusés des atrocités politiques ou de corruption pendant le processus.

Président : Mgr Nicodème Anani Barrigah-Benissan: Connu pour son intégrité

Vice-président : Professeur (Mme) Kissem Tchangai-Walla: Ancien ministre, a été le président de la Commission Electoral Nationale Indépendante (CENI) pendant l’élection présidentielle de 2005, largement blâmé pour la certification frauduleuse des résultats des élections

Premier rapporteur : Professeur (M.) Koffi Ahadji-Nonou: Président de l’Université de Lomé, soupçonné d’être un ami du Président Faure

Deuxième rapporteur : M. Bona Djato Ketewuli, Président de l’association «Différences positives», ancien ministre de la Communication

Membre : Mme Pepevi-Kpakpo: Directeur de l’Institut de journalisme de l’Université de Lomé

Membre : Mme Sirina Kourabodji: Formateur au Collège islamique de Lomé

Membre : Mme Claudine Ahianyo-Kpondjo: Coordonnateur national du Réseau Ouest Africain pour l’édification de la paix

Membre : M. El Hadj Imam Kassim Mensah: Membre de l’Union islamique du Togo, enseignant

Membre : M. Togbui Agboli Agokoli VI, le chef tradionnel de Notsé, une ville située à une heure au nord de Lomé

Membre : M. Ogamo Bagna, homme d’affaires, ancien ministre

Membre : Professeur Koffi Badjow Tcham (M.): professeur d’histoire à l’Université de Lomé

L’ambassadrice Hawkins a rencontré plusieurs membres de la Commission, y compris le président et le vice-président, le 16 juin. Ils ont déclaré que l’objectif principal de la commission est de réconcilier les différentes factions de la société togolaise. Barrigah-Benissan a indiqué que les togolais ont différentes perceptions de l’histoire, et c’est le travail de la Commission d’examiner les faits pour un règlement. Il a dit que la Commission restera dans la phase préparatoire pendant les prochaines semaines. La Commission prévoit de consulter les spécialistes d’autres pays qui sont déjà passés par le même processus.

La Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH), une organisation locale de défense des droits humains, très respectée, a exprimé des préoccupations au sujet de la composition de la commission. Alors que les membres de la CVJR ont dit à l’ambassadrice que le Président Faure a tenu de nombreuses consultations avant de décider qui serait nommé à la commission, la LTDH estime que l’inclusion de plusieurs membres était à l’avantage du Gouvernement du Togo (GOT). Dans une lettre envoyée au ministre des Droits de l’Homme, Kpande-Adzare le président par interim de la LTDH a indiqué que Mme Tchangai-Walla était le président de la CENI, lorsque les résultats des élections de 2005 ont été contestés par tout le monde. M. Bagna, un ancien Ministre de l’Intérieur et directeur général de l’ancienne Société nationale togolaise de phosphate est soupçonné d’avoir détourné des fonds de cette société et censé avoir perdu les faveurs d’Eyadéma avant sa mort. Enfin, M. Agokoli est mentionné comme n’étant tout simplement pas “politiquement innocent ». Kpande-Adzare estime que l’inclusion de ces membres jette le doute sur la volonté politique du GOT à adresser les questions litigieuses du passé.

Commentaire

Les membres de la nouvelle CVJR sont dans l’ensemble des figures respectées de la société togolaise. Cependant, l’inclusion de plusieurs membres controversés, en particulier Tchangai-Walla, met en doute la neutralité de toute recommandation que la commission pourrait faire. Son rôle dans les élections présidentielles de 2005 est bien connu par la population, et il semble étrange que le président Faure ait nommé dans la commission une personne qui sera plus que probablement elle-même accusée d’être partie prenante au problème. Dès que les membres de la CVJR terminent leur formation et commencent à établir leurs règles internes de délibération, il sera intéressant de voir s’ils se concentrent réellement à répondre aux griefs de la population togolaise ou s’ils vont juste continuer à étouffer les affaires et tenter de réécrire l’histoire. Fin de commentaire.

HAWKINS