La notification de l’affront à l’Etat togolais attendue dans le courant de la semaine


C’est un véritable branle-bas qui avait suivi le verdict de la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) donné à Porto-Novo le vendredi 7 octobre dans l’affaire d’exclusion de l’Assemblée nationale par la Cour constitutionnelle des neuf (09) députés se réclamant de l’Alliance nationale pour le changement (Anc). Le pouvoir en place débouté, s’est fondé sur la non notification de la décision pour entretenir une vaine polémique et intoxiquer l’opinion. « En attendant la notification de la Cour de justice de la CEDEAO rendue lors de l’audience foraine du 07 octobre 2011, rendue à Porto novo…l’Etat Togolais observe d’ores et déjà que la cour de justice de la CEDEAO n’a pas donné suite à la demande des requérants visant leur réintégration à l’Assemblée nationale togolaise. Cette décision tient donc compte du caractère définitif et irrévocable des décisions de la Cour constitutionnelle comme le prévoit l’article 106 de notre loi fondamentale », dixit un communiqué gribouillé dans la soirée de samedi 8 octobre.

Mais cette notification ne saurait plus tarder. Elle est même attendue dans le courant de cette semaine. C’est du moins ce que les responsables de l’Anc ont laissé entendre à leurs militants samedi dernier lors de leur traditionnel meeting à la plage. La Cour de Justice de la Cédéao va-t-elle rester dans la suite logique du verdict rendu et demander ouvertement à l’Etat togolais de réintégrer ces députés illégalement exclus ou donner raison à Faure Gnassingbé et les siens qui parlent de l’« insusceptibilité » de recours des décisions de la Cour constitutionnelle pour se braquer ? A priori la question ne devrait pas se poser, du moment où la Cour de Justice de la Cédéao a jugé la procédure illégale. « La Cour juge que les requérants ont été privés d’un droit fondamental de l’Homme qui est le droit à un procès équitable. Il est dès lors normal de réparer le préjudice subi par les requérants…En conséquence, ordonne à l’Etat du Togo de réparer la violation des droits de l’Homme des requérants et de payer à chacun, le montant de trois millions de francs CFA », lit-on dans la décision rendue. Mais la question est légitime quand on sait qu’il est entre-temps révélé par un confrère que Lomé aurait cassé la tirelire pour convaincre les juges de la Cour de la Cédéao à réaffirmer le caractère inattaquable des décisions de la Cour constitutionnelle. Une telle hypothèse a très peu de chances d’aboutir, car cela ferait désordre que la Cour de la Cédéao se dédise.

« Même si on écrit noir sur blanc que l’Etat togolais doit réintégrer les députés exclus, il est capable de dire qu’il n’existe pas suffisamment de chaises à l’Assemblée nationale », se gausse un compatriote. Tout compte fait, toute notification de la décision mettrait une fois de plus le pouvoir de Faure Gnassingbé en situation, car il n’aurait plus d’argument pour refuser de s’exécuter. Il est déjà seul au monde dans cette voie sans issue, et les voix ne cessent de l’appeler au respect du verdict. Sur l’échiquier politique national rempli d’hypocrites et de businessmen à la recherche du profit, ce qui les fait garder le mutisme devant les violations les plus abracadabrantesques des droits de l’Homme commises par le pouvoir, des partis comme l’Alliance et l’Union des démocrates socialistes (Uds-Togo) qui ne sont pas réputés sympathiques à l’égard de leur « rival » de l’Anc, ont eu le courage d’appeler Faure Gnassingbé et les siens à la raison. Certains qui se posent, pourtant en chantres d’un Togo nouveau et sont remplis d’avocats, les défenseurs des droits humains, se la bouclent toujours.

La pression vient aussi de l’extérieur. Me Atanon Athanas, le Greffier de la Cour de Justice de la CEDEAO était monté au créneau devant la vaine polémique suscitée par Lomé. « Ce que la Cour a dit est très clair…La Cour a dit que la décision qui a conduit à l’exclusion des requérants n’est pas légale et par conséquent, l’Etat togolais a causé des préjudices à ces requérants et doit les réparer…Je crois qu’il revient aux autorités togolaises de tirer les conséquences de la décision de la Cour. Du moment où la démission n’est pas valable, la conséquence première est d’abord la réintégration des députés et en plus leur payer la somme de 3.000.000 que la Cour a proposée », avait-il déclaré, avant d’avertir : « L’Etat du Togo ne peut pas vouloir défier la Cour de Justice de la CEDEAO en réfutant la réintégration des députés. Mais si cela arrivait, ce serait un manquement au protocole que tous les Etats ont signé. Je ne pense et ne crois d’ailleurs pas que l’Etat du Togo va vouloir s’opposer à la décision de la Cour. En tout cas, c’est cela mon souhait. Je veux qu’il mette en exécution la décision. Autrement, il se mettrait dans une situation inconfortable ».

Les ambassadeurs européens, très souvent « diplomatiques » et chiches en mots ont osé s’immiscer dans les affaires intérieures (sic) du Togo et aborder le sujet le vendredi 14 octobre dernier lors de leur session de dialogue avec le gouvernement togolais inscrit dans le cadre du partenariat Acp-Ue. « Nous avons souligné l’importance des décisions de la Cour de justice de la CEDEAO et l’importance de les respecter, de prendre des initiatives dans ce sens pour justement favoriser cet apaisement », avait déclaré le chef de la Délégation de l’Ue au Togo Patrick Spirlet. Cette audace, parce que les diplomates européens croient qu’on est « à un moment crucial », et «  qu’il faut faire tout pour qu’il puisse y avoir un climat politique apaisé pour aller le mieux possible et de façon la plus consensuelle possible vers les prochaines étapes électorale ».

La dernière sortie en date est celle de l’avocat malien de Hissène Habré, Me Mamadou Konaté sur RFI, qui a presque mis en garde le Togo contre la non application du verdict de la Cour de Justice de la Cédéao : l’exclusion pure et simple de l’instance régionale. D’ailleurs cela ferait énormément désordre que le Togo qui a tout fait pour entrer dans le « gouvernement mondial » avec son élection au Conseil de sécurité des Nations Unies puisse prendre le risque de se rebeller contre une décision de justice et donner tort à l’institution mondiale d’avoir favorisé son entrée.

Tino Kossi

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