La LTDH condamne le scandale judiciaire que crée la Chambre judiciaire de la Cour Suprême dans l’affaire de tentative d’atteinte contre la sûreté intérieure de l’Etat

LIGUE TOGOLAISE DES DROITS DE L’HOMME
Association créée le 20 juillet 1990 en vertu de la loi du 1er juillet 1901
Récépissé N° 1218/MATD-SG-DAPOC-DOCA du 07 octobre 2005
Paru dans le Journal Officiel N°4110 du 16 novembre 2005
Affiliée à la FIDH, l’UIDH et la CIJ

 

 

DECLARATION

La LTDH condamne le scandale judiciaire que crée la Chambre judiciaire de la Cour Suprême dans l’affaire de tentative d’atteinte contre la sûreté intérieure de l’Etat.

Le mardi 06 septembre 2011, s’est poursuivi au Palais de Justice de Lomé le procès relatif à l’affaire de tentative d’atteinte contre la sûreté intérieure de l’Etat dans laquelle serait impliqués l’Honorable député KPATCHA GNASSINGBE et d’autres personnalités civiles et militaires.

Au seuil du procès et avant tout débat au fond, les Avocats de la défense ont soulevé deux exceptions, l’une relative à l’incompétence matérielle de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême et fondée sur la lecture combinée des dispositions des articles 124 de la Constitution togolaise et 11 de la Loi Organique N°97-05 du 06 mars 1997 portant Organisation et Fonctionnement de la Cour Suprême, et l’autre tirée de l’immunité juridictionnelle dont bénéficie le député KPATCHA GNASSINGBE.

Curieusement, la Cour a décidé sur siège et séance tenante, sans s’être retirée, de joindre ces deux exceptions au fond alors qu’il s’agit des exceptions d’ordre public.

Or, aux termes des dispositions de l’article 332 du Code de Procédure Pénale, si le tribunal qui est tenu de répondre aux conclusions ainsi régulièrement déposées doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi et y statuer par un seul et même jugement ou se prononcer en premier lieu sur l’exception et ensuite sur le fond, « il ne peut en être autrement qu’en cas d’impossibilité absolu ou encore lorsqu’une décision immédiate sur l’incident ou sur l’exception est commandée par une disposition qui touche à l’ordre public. »

Face à ce « coup de force judiciaire » et dans le soucis constant et légitime de ne plus se rendre complices d’un procès dont les garanties d’équité viennent d’être sautées avec flagrance, les Avocats de la défense se sont retirés et ont tenu à rappeler à la Cour les dispositions pertinentes des articles 186 et 222 du Code de Procédure Pénale.

Mais contre toute attente, la Cour a décidé de continuer les débats sans que les inculpés soient à même de se faire assister d’un Avocat et ce en violation des droits de la défense qui induisent les principes de l’égalité des armes et de l’équilibre du procès.

La LTDH condamne avec la dernière rigueur cette « dérive judiciaire sans précédent » à laquelle veut nous conduire la Chambre judiciaire de la Cour Suprême et en appelle au serment et à la responsabilité historique des magistrats qui y siègent devant la nation togolaise.

La LTDH rappelle à juste titre et à ce propos les dispositions de l’article 113 de la Constitution du 14 Octobre 1992 selon lesquelles :

« Le Pouvoir Judiciaire est indépendant du Pouvoir Législatif et du Pouvoir Exécutif.

Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi.

Le Pouvoir Judiciaire est garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. »

La LTDH insiste une fois de plus sur le droit sacré des inculpés à un procès juste et équitable tel que prévu par notre Constitution ainsi que d’autres textes et instruments internationaux auxquels le Togo est partie.

La LTDH interpelle instamment le Garde des Sceaux, Ministre la Justice, Chargé des Relations avec les Institutions de la République, le Chef de l’Etat, garant du respect de la Constitution et des Traités et Accords internationaux, à faire usage de toutes leurs prérogatives institutionnelles et constitutionnelles en vue de mettre fin à ce « scandale judiciaire » et faire bénéficier aux personnes concernées un procès juste et équitable dont la garantie compte parmi les principes fondamentaux de toute société démocratique.

Fait à Lomé, le 06 septembre 2011
Le Secrétaire Général,

Me Célestin K. AGBOGAN