Le scandale de Blitta a été feinté, Faure est menacé…
L’histoire politique a démontré que les mutations politiques ne se fondent pas sur la préservation instinctive d’intérêts partisans. La création de parti n’est pas un jeu de « dames » et le changement de mentalité ne s’obtient pas en un temps voulu par les défenseurs d’une initiative suicidaire. Le RPT a vécu et vivra, de gré ou de force, au grand Dame des partisans de la politique du forcing. C’est ce qui semble s’entrevoir dans les difficultés actuelles rencontrées par Faure Gnassingbé à convaincre une base favorable majoritairement aux partisans du « Non » à la dissolution du RPT. Le 28 janvier dernier, le congrès prévu à Blitta a été reporté sine die, report motivé par plusieurs arguments qui se décousent les uns les autres. Entre un scandale nourri des antagonismes évité de justesse et la « guerre de trois » courant autour du débat de la dissolution du RPT, se retrouve un pion-marionnette, Faure Gnassingbé, dont les prises de positions et le manque de précisions le conduisent inexorablement vers la fin, la chute. Le danger demeure et est imminent. Analyse.
Le débat était parti pour être houleux, mieux, conflictuel si les initiateurs de la dissolution du Rassemblement du Peuple Togolais, parti Etat pendant plus d’un quart de siècle, s’étaient entêté à maintenir la date du 28 janvier 2012 pour tenir le congrès à Blitta. Le spectacle aura été plus qu’intéressant, plutôt scandaleux. Pour la cause du congrès, il était minutieusement prévu dans le rang des partisans hostiles, une mobilisation à voter contre la dissolution. La méthode était loin d’être celle de la discipline caractéristique du parti. Le Chef de l’Etat, chef d’orchestre de la manœuvre, pourra être hué, certaines personnes avisées pourront intervenir pour contredire les déclarations officielles, des mouvements isolés pourront également venir perturber la partie. Dans la foulée, on connaîtra le boycott d’un grand nombre de personnalités de ponte du parti qui auront mobiliser des militants dans leur mouvement. Bref, le congrès ne devrait pas s’oser, ce qui a d’ailleurs obliger Faure Gnassingbé, malgré les millions investis déjà dans la localité pour préparer le terrain politique, physique et psychologique, à reporter la rencontre. Aujourd’hui, les contacts se renouent, des propositions de garanties et d’indemnisation sont faites à plusieurs barons, histoire de laisser passer. Mais, l’hostilité demeure, dans une frange suffisante de militants, et l’étau se resserre autour de Faure Gnassingbé qui se retrouve dans le dilemme le plus total. Renoncer à l’initiative serait un aveu d’incapacité et une démission d’un homme d’Etat. Affronter les hostilités avec, tout à côté, le risque de se voir déboulonner constitue également un danger. Piteuse épreuve pour le président.
Les raisons évoquées pour justifier le report
Elles sont jetées pêle-mêle mais ne convainquent pas assez. Officiellement, c’est un report sine die. Dans les coulisses de l’Etat major, on évoque le 7ème anniversaire du décès de Gnassingbé Eyadéma, ou encore le sommet de l’Union Africaine auquel participe Faure Gnassingbé et ailleurs les obsèques de Ayité Gachin Mivédor.
Tous ces arguments, dans la logique, ne tiennent pas puisque ce sont des évènements fixes dont on maîtrisait la tenue avant la fixation de la date du congrès. Donc, simple échafaudage de secours pour camoufler les incidents politiques qui devaient accueillir Faure Gnassingbé à Blitta. Ce qui confirme les coulisses qui parlent du scandale qui a été évité in extremis.
Les raisons historiques de l’idée de la création du parti
Dans un document politique qui circule dans les milieux des cadres du parti, il a été étalé les argumentaires qui justifient la nécessité du débarras du RPT pour un nouveau parti. A la lecture du document, on se rend compte aisément qu’il s’agit d’un et unique argument qui a sous tendu une extrapolation de vraies raisons qui devraient motiver la création d’un nouveau parti par la dissolution d’un autre. Pour les argumentaires, il est question pour Faure de se soustraire du Karma trop lourd du RPT. Mieux, on pense que la société civile, la presse, la diaspora et les populations togolaises affectionnent Faure Gnassingbé et sa politique et que c’est le RPT qui constitue le problème : « Dans le contexte actuel, la création d’un nouveau parti politique, tout en ayant pour socle le RPT, permettrait de rallier de nouveaux militants, d’afficher une volonté d’ouverture et de pluralisme interne et d’élargir ainsi les bases sociales et l’assise politique de la majorité présidentielle. En ralliant des Togolais habituellement hostiles au RPT mais favorables à la vision et à la politique du Président Faure, l’on pourrait amplifier les succès électoraux obtenus ces dernières années, réduire l’adversité à l’égard du régime, et renforcer les capacités de réflexion et d’action au service des Togolais et de la Nation. Cela permettrait également d’accroitre l’efficacité de la gouvernance à travers une cohésion institutionnelle renforcée », peut-on lire dans le document. Cette partie du document qui constitue en quelque sorte le socle des argumentaires est loin d’être vraisemblable. Le RPT, aussi bien que le prénom Faure et autant le nom Gnassingbé, constituent le problème de la majorité des Togolais, à part une minorité qui a pris goût dans la facilité de piller en toute impunité les ressources de l’Etat. Ces arguments, loin de convaincre un citoyen ou un observateur avisé de la politique du pays, ne sont qu’une suite logique d’une façon erronée et biaisée d’interpréter l’audience de Faure Gnassingbé, pour juste le satisfaire et maintenir les intérêts ou continuer à piller l’Etat en toute facilité. C’est la méthode dans les cours princières où loin de la réalité, on forge des documents mensongers pour juste faire plaisir au Prince.
Dans la situation politique actuelle au Togo, aucun sondage sérieux ne peut démontrer que le nom Faure Gnassingbé fait plus de vagues que le RPT ou un nouveau parti, même dans les cinq années à venir, viendrait ravir la vedette à ce vieux parti qui continue d’être incarné par le nom dictateur défunt, Gnassingbé Eyadéma. Les arguments sur la crédibilité des élections ou la gouvernance ne sont que du pipo, de la poudre aux yeux. Les deux dernières élections en sont d’ailleurs la preuve. La fraude a encore animé la partie électorale mais c’est seulement la méthode qui a été innovée. Au lieu de mettre la victoire au bout des canons et de les envelopper des treillis de militaires en fuite, l’on a tout simplement pris soin d’obtenir des présidents des bureaux de vote l’achat de vrais procès verbaux contre des bouteilles de Champagne, des cannettes de sucreries, quelques minutes en avion et des espèces sonnantes et trébuchantes. Le tour aura été joué avec une Commission Electorale Nationale Indépendante totalement corrompue et inféodée au pouvoir. Un sondage sérieux prouverait que la popularité de Faure Gnassingbé est loin d’être au beau fixe avec l’avalanche de maux qui minent l’administration Faure : la corruption, la drogue et le blanchiment d’argent, l’affaire Kpatcha, les violations des droits de l’Homme avec, à la clé, la question de la torture, les crises universitaires, les problèmes des femmes revendeuses escroquées et abusées par l’Etat, les problèmes de la presse, les victimes militaires, etc.
Il serait donc illogique que dans ce contexte, on se voile la face pour attribuer une audience favorable à Faure Gnassingbé dans les sondages. La réalité est toute autre. Bref, c’est donc pour s’éloigner du contexte hideux légué par le RPT que Faure est conseillé de s’en débarrasser, en le tuant et en le mutant. Or, tout ce qui a milité pour donner cet aspect monstrueux au RPT qu’on a aujourd’hui mis sur la sellette n’a pas changé d’un seul iota. Le même système, les mêmes pratiques, les mêmes trafics et le même goût du pouvoir. Rien ne viendra donc balayer du revers de la main les reliques du RPT au nom d’une métamorphose et à l’analyse, on semble comprendre que c’est une lutte de clan, comparable à un combat perpétuel de survie dans la jungle. Les intérêts partisans étant le dénominateur commun, avec des acteurs qui nourrissent ambitions et démesures.
Les partisans du « Oui » et du « Non »
Le sexe féminin ayant un sens profond dans l’administration actuelle, des femmes se font entendre de près ou de loin dans l’initiative de la création du nouveau parti de Faure. Histoire pour ces dames d’influence autour du président de s’approprier plus officiellement le Togo et ses ressources, loin des critiques des barons d’un certain parti RPT qui aura porté Faure au pouvoir. Elles veulent cesser d’être redevables à quiconque et d’aller droit au but avec le président dans la gestion opaque qui leur est reprochée à la tête de leurs départements. La Directrice de cabinet du chef de l’Etat, Victoire Tomégah Dogbé, qui n’écarte pas la possibilité de se faire nommer Premier Ministre au cas où…est la cheville politique de l’initiative. Elle ne se reconnait aucunement du RPT et met les bouchées doubles pour faire débarrasser Faure de cette histoire qui ne semble pas bien sentir. Victoire Tomégah Dogbé a consulté des experts de tous bords et pondu plusieurs documents qui font du nouveau parti de Faure l’affranchissement d’un système critiqué.
L’autre dame de fer n’est pas absente du circuit. Elle est le poumon financier. Dame Ingrid Awadé. On lui reproche de mettre l’argent des impôts dans cette initiative, elle-même vivement critiquée et mal aimée par les barons du parti. C’est elle qui se cacherait derrière les fanfaronnades provocatrices et oiseuses du sigle NJSPF géré par Noel De Poukn, un argentier des impôts, cerveau financier selon les proches d’Ingrid Awadé, cette directrice générale des impôts proche du Président. A part les deux dames, la plupart des conseillers à la présidence sont emballés dans le bateau du ‘’Oui’’. Ceux-là surtout qui sont vus de mauvais yeux par des barons du parti qui les considèrent comme de nouveau venus et qui s’agitent, qui pour juste plaire, qui pour arracher les privilèges à ces barons. La nation étant leur dernier souci. Ils sont ces jeunes barons, ceux qui sont des amis ou promotionnels ou recommandés à Faure et qui restent dans la discrétion pour digérer les délices du pouvoir dans des magouilles diverses. Les uns, à l’image de Gilbert Bawara, l’un des ténors de l’initiative, se battent pour retrouver leur poste tombé dans la foulée de l’accord historique entre le RPT et l’UFC, les autres, à l’image de Guy Lorenzo, ont réussi à reprendre leur poste au prix de chaudes larmes. Dans le lot, les jeunes cadres, Directeurs de société eux aussi, parfaits pilleurs et qui ont pris des airs. Ceux-ci ne doivent leur protection qu’à Faure et à son nouveau parti. Plusieurs jeunes cadres de l’administration qui ont réussi leur vie à l’ère Faure sont de gré ou de force concernés par le ‘’oui’’. Certains se prétendant militants de certains partis d’opposition, de la diaspora et des saprophytes de toutes les catégories ont intérêt à rester dans la danse du nouveau parti. Tous les autres y sont pour maintenir leur pitance.
La résistance…
Le député Voulé, un baron influent du parti, est le chef de file des partisans du ‘’Non’’. Le baron du grand Kloto ne l’a pas caché en présence du chef de l’Etat lors de sa tournée d’explication. Il reste maintenu dans sa position. Il est suivi dans sa résistance par Dama Dramani et une importante couche de députés RPT, jadis favorables à Kpatcha Gnasingbé. Abass Bonfoh, le Président de l’Assemblée, n’est pas visiblement pour le nouveau parti, mais donne l’impression de l’accepter, par crainte de représailles, le système en est capable.
Il y a pire. Plusieurs généraux ne sont pas dans la même vision des réformateurs du parti. Toute la fierté qui leur reste, retraités et en voie, est celle d’appartenir à un parti politique qui a régné pendant plus de 40 ans et qui leur a accordé des privilèges astronomiques. Leur arracher cela serait synonyme de leur enlever toutes les béquilles avant et après leur mort. Même motivations pour plusieurs autres barons dont nous taisons les noms.
Ceux-là ne comprennent pas comment cela serait possible de revenir se faire tirer les poils du nez par des personnes qui, autrefois, les combattaient avec toute la rage et aussi ceux qu’ils ont nourri et qui aujourd’hui se mettent dans la peau de réformistes. Le nouveau parti promettant de compter avec des conseillers de la trempe de M. Edem Kodjo et d’autres leaders ou sous leaders de l’opposition, ministres et ancien ministre, arrivistes et arrivés est une véritable salade russe.
Les observateurs avertis ont proclamé que la dissolution de ce parti et la création d’un autre sera la plus grave erreur politique de Faure Gnassingbé et sera celle qui déclenchera sa descente en enfer. La chute sera inévitable quand l’on pense que c’est ce parti qui l’a vu naître et grandir, qui l’a nourri au biberon et qui l’a porté, dans le risque et l’audace, au pouvoir.
Les maître d’œuvre de l’organisation de la transition Eyadéma-Faure seront à la création de ce parti, les bêtes de somme s’ils se laissaient faire et dans le cas actuel où les contestations sont exprimées, c’est le danger imminent pour Faure.
Le troisième courant est constitué de ceux qui ont été à cheval entre le règne d’Eyadéma et celui de Faure. Ils sont ceux qui, pour la plupart, optent pour le ‘’Oui’’ à défaut et ne sont pas moins favorables aux partisans du ‘’non’’. Ils ont connu le ciel et la terre, qu’advienne que pourra sera leur slogan.
Faure Gnassingbé, dans la guerre des trois courants, reste embourbé alors que le danger plane et reste imminent dans cette période de mutation politique.
Carlos Ketohou
L’Indépendant express N° 195 du 01 février 2012