Hosni Moubarak devant les tribunaux. Une image saisissante qui doit faire réfléchir Faure et l’inciter à faire des réformes nécessaires pour sauver sa tête

Hosni Moubarak sur civière dans une cage au Tribunal du Caire

Une image saisissante qui doit faire réfléchir Faure et l’inciter à faire des réformes nécessaires pour se sauver

Un malheur n’arrive pas seulement aux autres. Qui pouvait croire sept (7) mois en arrière que Hosni Moubarak, président tout puissant de l’Egypte se retrouverait dans la situation d’un vulgaire malfrat traîné au tribunal bon gré mal gré ? Cela est pourtant arrivé et il faut en conclure que le monde change autour de nous, qu’il faut vivre avec son temps au risque de subir le sort de tous les dinosaures à l’ère de la modernité. Le malheur de M. Moubarak doit donner des idées à tous les présidents qui, sur notre continent ou ailleurs, continuent de croire que leurs pays ont nécessairement besoin d’eux. Faure Gnassingbé ne fait pas exception.

 

Une humiliation retentissante

Les télévisions du monde, celles surtout qui ont le flair et le goût des sensations, des images choc et des buzz ont fait leur chou gras de la comparution en semaine dernière de Hosni Moubarak, ancien Raïs et président omnipotent de l’Egypte. Tout le monde savait qu’entre autres exigences des populations dont la mobilisation a eu raison de lui six mois plus tôt, il y avait le jugement du président et de ses courtisans pour crimes et détournement de deniers publics. On sait également que les mêmes exigences demandaient un procès immédiat et non remis à plus tard, tout comme elles ont tout fait pour que des courtisans d’hier rangés parmi les privilégiés du système Moubarak soient écartés dans la mesure du possible du nouveau pouvoir.

A ce titre, sur la base des assurances données par le conseil militaire, on attendait le procès des Moubarak, Hosni le père et les deux fils, agents de premier plan du système démonté du Raïs. On pouvait savoir aussi que les accusés viendraient au tribunal, qu’on pouvait les voir et écouter ce qu’ils peuvent dire pour leur défense. Cependant, les Egyptiens et le monde extérieur étaient à mille lieues d’imaginer les scènes saisissantes et homériques auxquelles ils ont eu droit au procès des Moubarak.

Non seulement les populations ont fait pression sur le pouvoir pour que les arguments de la santé de M. Moubarak ne soient pas pris en compte de façon à lui épargner une comparution en personne, mais surtout l’ancien président, désormais sans le choix, est arrivé au tribunal, sur une civière, traîné comme le dernier des malfrats. Dans la pratique judiciaire en Egypte en effet, tout criminel ou malfrat qui est amené devant le juge est habillé de blanc et installé derrière une grille. Hosni Moubarak et ses neuf co-accusés ont été traités de la même façon, d’où la pertinence de la comparaison avec les malfrats.

C’est dans cette position allongée sur une civière que M. Moubarak a répondu aux questions du procureur général et a plaidé non coupable pour les accusations d’avoir donné l’ordre à la police de tirer sur les manifestants durant le soulèvement de janvier entraînant la mort de 800 personnes et pour avoir détourné les fonds publics. Bien que l’ancien homme fort du Caire ait affiché une désinvolture agaçante et une tranquillité apparente au cours de la séance, seul un symbole a retenu l’attention des 600 spectateurs agglutinés dans le tribunal, des milliers d’autres accourus aux alentours et des centaines de millions d’autres accrochés à leurs téléviseurs,  c’est indubitablement celui de Hosni Moubarak étendu sur une civière, interrogé par  un procureur et contraint de répondre. Pour l’Afrique et pour le monde, le symbole est grand et lourd de sens. Cela ne pouvait pas passer inaperçu, une humiliation de cette sorte.

 

Le prix de l’obstination et de l’extravagance

Héros de la guerre de 1973 contre Israël, Hosni Moubarak a été nommé vice-président en 1975 par Anouar El Sadate. Lorsque ce dernier tombe en 1981 sous les balles meurtrières des fondamentalistes qui lui reprochent d’avoir fait la paix avec Israël contre les Etats arabes et d’être le suppôt du monde occidental, Moubarak monte au pouvoir et poursuit la politique de son patron défunt. Il est l’allié de l’état hébreu et demeure l’interlocuteur arabe par lequel le monde occidental tente de rapprocher Palestiniens et Israéliens.

Assuré de ce soutien international, se sachant utile au monde occidental qui joue à l’occasion les gendarmes du monde, sous prétexte de faire obstacle au terrorisme et au fondamentalisme musulman, M. Moubarak installe dans son pays une dictature implacable. Médias, services publics, libertés sont contrôlés et réglementés selon la bonne volonté de celui qui était craint mais pas forécment aimé. C’est ainsi que des décennies passent jusqu’au 11 février de cette année. Peu avant, l’homme, sous le couvert de son parti, unique et obligatoire, gagnait toutes les élections et, pis, était tenté par l’infecte envie de se faire remplacer par son fils Gamal dont la promotion dans le sérail devenait suspecte et envahissante.

Au moment où il était balayé par la révolution populaire, Hosni Moubarak bouclait trente années d’un pouvoir autoritaire qui est loin d’avoir fait le bonheur des Egyptiens. Dans les grandes villes, de grands immeubles, de grandes infrastructures existent mais ne peuvent pas cacher le dénuement et la misère de l’Egyptien moyen……. La ville artificielle de Shaim-el-scheik qui attire les grandes fortunes du monde n’est que l’arbre qui cache la forêt, étant par ailleurs le fruit d’une corruption d’Etat innommable.

Malgré la misère des populations dans leur grande majorité, le système Moubarak s’est montré très narcissique et cynique. De réformes politiques considérables susceptibles de déconcentrer le pouvoir exécutif et de prendre en compte la volonté politique, il n’en fut point véritablement, hormis quelques mesures plutôt bling bling du genre du multipartisme « offert » par Bachar al Assad, alors que la constitution établit un monolithisme rude. C’est pour toutes ces rasions que la révolution anti Moubarak est vue par les observateurs et spécialistes du monde arabe comme le prix au comptant de l’obstination et de l’extravagance de M. Moubarak et de son système. Pour s’être imaginé le seul Egyptien capable de gouverner le pays, il a subi l’assaut du destin impitoyable.

 

Une leçon pour Faure Ganssingbé et les autres

Aujourd’hui,  c’est le procès de M. Moubrak qui fait l’actualité ; aujourd’hui, c’est Hosni Moubrak qui paie pour son obstination à se maintenir au pouvoir envers et contre tout. Mais il est loin d’être le seul dans le cas. Sur le continent et ailleurs, ils sont nombreux à confondre le pouvoir d’Etat au trône de village ou de divinité.

Avant le Raïs, il y a eu Ben Ali qui a eu plus de chance en s’enfuyant et en évitant l’humiliation d’un procès en cage. Il y eut aussi Mobutu, Gbagbo, Taylor et dans une moindre mesure Bongo et Eyadèma. Si les deux derniers sont morts de leur propre mort, il n’en est point ainsi de leurs collègues Gbagbo, Taylor et Mobutu. Le tout puissant président du Zaïre qui se faisait appeler «kuku gbedu waza banga», c’est-à-dire «la petite flèche qui vole de victoire en victoire» est mort dans l’isolement et dans l’indifférence totale. Chassé de son pays comme un anonyme usurpateur de biens, il a été rongé et tué par la maladie dans son exil marocain. Toutes les fortunes avec lesquelles il paradait se sont évanouies telles des châteaux de cartes.

Charles Taylor a connu un triste sort moins pénible. Actuellement en procès à La Haye, l’ancien prince de Monrovia paie pour son obstination à sacrifier des êtres humains pour consolider un pouvoir humain condamné tôt ou tard à subir le sort réservé à tous les humains : « tu es poussière, tu retourneras à la poussière ». Laurent Gbagbo, pour sa part, a également apporté la preuve que quelques grands que sont les rois, ils sont ce que nous sommes. Après avoir tenté de s’enliser dans le fauteuil présidentiel en repoussant la présidentielle pendant 5 années, l’historien et opposant historique a esayé un dernier passage en force le 4 décembre 2010. Mal lui en a pris. La suite, c’est le « ne me tuez pas » prononcé le 11 avril lorsque les forces rebelles le capturaient dans son bunker.

Ces malheureuses expériences doivent inexorablement servir de leçon aux autres présidents en fonction. Faure Gnassingbé notamment doit pouvoir tirer leçon des malheurs de ses pairs. Comme le dit une sagesse togolaise, lorsque la tête de votre semblable brûle, il faut savoir qu’on n’est pas à l’abri du même sort. C’est vrai qu’aujourd’hui, Faure Gnassingbé jouit de la caution et de la protection des forces armées. Cette caution et cette protection l’autorisent à montrer une désinvolture sans commune mesure envers ses adversaires politiques. Au nom des mêmes cautions et protection, les élections sont plutôt des décisions politiques que l’émanation d’une volonté populaire. Jusqu’à quand tout cela peut-il durer ?

La question est grande mais quelle que soit la réponse, le plus important est de tout faire pour éviter le pire au pays. Si Faure Gnassingbé et le RPT aiment le Togo, ils ne doivent pas attendre que l’heure du pire sonne avant de faire ce qui doit être fait c’est-à-dire accéder aux demandes des adversaires politiques et opérer  les réformes attendues depuis 2006. En effet, il n’est pas faux de dire que Faure Gnassingbé et le RPT ont abusé de la confiance et de la gentillesse de leurs adversaires politiques en les tournant en bourrique depuis le supposé accord historique du 20 août 2006. Les décisions fondamentales de cet accord n’ont jamais été prises en compte. De sorte que les réformes institutionnelles et constitutionnelles qui peuvent décrisper la lutte politique et créer les conditions d’une modernité politique sans heurts ni catastrophe sont restées à l’étape de projets et de promesses. Or, il est une certitude que les révolutions sont d’abord et après tout érigées contre les pouvoirs éternels qui font tout pour embrigader longtemps et pour toujours la volonté et les énergies populaires. Lorsque l’étincelle jaillit et met le feu aux poudres, la boîte de Pandore s’ouvre. Tous les amis d’hier disparaissent comme par enchantement. Moubarak, Ben Ali et récemment Kadhafi n’ont eu point de secours de leurs amis d’hier Français, Américains et autres.

Faure Gnassingbé et le RPT peuvent penser que cela n’arrive qu’aux autres, libre à eux. Mais c’est une certitude que le monde change autour de nous et nul ne peut présager de l’avenir. Le patriotisme et le bon sens devraient leur inspirer les bonnes résolutions, à moins de préférer le pire et le suicide collectif.

Nima Zara

Le Correcteur N° 275 du 08 août 2011