Clarté de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO
Gilchrist Olympio et ses partenaires du RPT désavoués
L’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) a organisé hier une conférence de presse à son siège à Lomé. C’était l’occasion pour ce parti de faire le point de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO enjoignant l’Etat togolais à réparer le préjudice subi par les neuf députés de cette formation politique depuis déjà 11 mois . Les responsables de ce parti ont remercié tous ceux qui ont contribué à ce dénouement heureux dans l’affaire de révocation des députés et exigé la dissolution de la Cour Constitutionnelle pour avoir outrageusement et intentionnellement failli à sa mission et la démission du bureau de l’Assemblée nationale pour avoir délibérément violé les textes qui régissent le fonctionnement de l’hémicycle. Faisant d’une pierre deux coups, le parti a brièvement brossé le bilan des activités de son premier anniversaire de création.
L’Alliance nationale pour le Changement, (ANC), principale formation politique d’opposition togolaise a rassemblé les hommes de médias à son siège hier pour savourer sa victoire du droit sur le mensonge qui est érigé en système par le régime RPT au pouvoir depuis près de cinq décennies. Actualité oblige, le parti a mis entre parenthèses le bilan de son anniversaire de création pour se focaliser sur la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO. Il s’agit de la décision rendue le 07 Octobre dernier par cette Cour suite à la requête des neuf députés ANC révoqués de l’Assemblée nationale en Octobre 2010 par Abass Bonfoh, président de cette institution.
En effet le vendredi dernier beaucoup de Togolais avaient les yeux rivés sur Porto Novo, la capitale politique du Bénin où se tenait l’audience foraine de la Cour de Justice de la CEDEAO. La séance présidée par le juge Cap verdien Bienfeto Ramos assisté des juges Anthony Ména, William Boté et Atanon Athanas . La Cour s’est déclarée compétente pour plancher sur cette affaire d’exclusion des députés ANC. Ainsi au fond, la Cour de la CEDEAO « dit qu’il y a violation par l’Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendus, dispositions prévues aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme qui stipule «Toute personne a droit à pleine égalité, assure que sa cause soit entendue équitablement et uniquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit de ses droits et obligations soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale jugée contre quelqu’un » et l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples dispose aussi que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, les règlements et coutumes en vigueur ». Par conséquent, elle « ordonne à l’Etat du Togo de réparer la violation des droits de l’homme des requérants et à payer à chacun un montant de trois millions de FCFA , met les dépenses à la charge de l’Etat du Togo ». Cette décision qui rétablit de facto les neufs députés dans leurs droits ainsi devrait mettre fin à l’exclusion arbitraire dont les députés ANC sont victimes depuis bientôt un an. Dans leur déclaration liminaire, les responsables du parti ont affirmé que la décision de la Cour de la CEDEAO a établi que les Députés de l’ANC n’ont pas démissionné et qu’en les révoquant, les autorités togolaises ont porté atteinte à leurs droits et violé la Constitution , les lois de la République togolaise et les instruments internationaux des droits de l’homme. Aussi ont-ils cité les articles 6 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, 25 du règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle et 52 de la Constitution. Ce verdict selon ces mêmes responsables met à nu la véritable nature du régime togolais qui n’est rien d’autre qu’une dictature militaire et constitue un désaveu cinglant pour les individus aux ordres , membres ou dirigeants des institutions de la république telles que la Cour Constitutionnelle, l’Assemblée nationale, l’armée, la justice, la HAAC, la CENI , la CVJR etc qui sont instrumentalisés par le régime RPT.
Des manœuvres pour étouffer la vérité
A peine la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO sortie que le gouvernement togolais s’articule pour semer la confusion dans les esprits. L’acte numéro 1 de ces manœuvres est le communiqué que le gouvernement, a rendu public le lendemain de la publication de la Décision.
Comme si le communiqué seul ne suffisait pas, c’est le ministre de la santé, Charles Kondi Agba qui est reçu à la TVT pour porter le ridicule à son comble, estimant être sur ce plateau pour commenter le communiqué du gouvernement. En le voyant sur le plateau, beaucoup de Togolais se sont posés mille et une questions sur l’opportunité de cette sortie et le titre avec lequel ce ministre a fait sa sortie. Curieusement, Il dit être serein et déclare avec le zèle légendaire qu’on lui connaît que la Cour de Justice de la CEDEAO n’a pas ordonné la réintégration des députés exclus ». En quoi, une décision judiciaire concerne-t-il un professeur vétérinaire promu ministre de la santé par la force des choses ?
Après la sortie inopinée du ministre Agba, ce fut le tour de Pascal Bodjona, lui en sa qualité de porte-parole du gouvernement, de commenter à sa manière la Décision de la Cour sur les médias tout le long du week-end. Le bon sens voudrait que le gouvernement prenne acte de la décision pour ne plus mettre de l’huile sur le feu en continuant de ternir l’image du pays aux yeux de la communauté internationale qui a ses yeux braqués sur le Togo.
Sinon c’est aberrant que l’Etat togolais fasse observer à l’opinion d’ores et déjà que la Cour n’a pas donné suite à la demande des requérants visant leur intégration à l’Assemblée nationale, lit-on dans le communiqué . Au même moment , le gouvernement a dit attendre la notification de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO et déclare que la décision de Porto Novo « tient compte du caractère définitif et irrévocable des décisions de la Cour Constitutionnelle comme le prévoit l’article 106 de la loi fondamentale » et dit être « attaché au respect des engagements internationaux et institutions sous-régionales mises en place pour assurer un développement concerté et harmonieux de nos Etats » Visiblement, après l’humiliation flagrante, le pouvoir de Faure Gnassingbé continue de se ridiculiser. Doit-on rappeler aux sommités de l’Etat togolais que la Cour de Justice de la CEDEAO qui existe formellement depuis 1991 et mise en place en 2001 a un mandat spécifique ? Elle statue conformément aux clauses de la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Ses décisions sont « légalement contraignantes » pour les Etats membres de la CEDEAO dont le Togo est d’ailleurs un membre fondateur.
L’arrêt de la Cour de la CEDEAO ne peut plus être clair. Comme à l’accoutumée le pouvoir RPT cherche à interpréter gauchement la décision. C’est ce qui explique la montée au créneau des ministres du gouvernement. Au lieu de chercher à tromper et à distraire de nouveau le peuple, le gouvernement selon l’ANC devrait prendre acte de ce cinglant camouflet et démissionner.
La Décision de la Cour de la CEDEAO, la preuve du non-droit au Togo
« Le tigre qui m’abat a raison, et moi qui l’abas, j’ai aussi raison » disait le philosophe Max Stirner. Cette citation qui est enseignée aux étudiants dans les départements philosophiques illustre la situation qui prévaut dans les pays où le droit est fondé sur la force ; malheureusement le Togo sous le règne des Gnassingbé fait partie de ces pays de non droit qualifiés de jungle. La séparation des pouvoirs est loin d’être une réalité. Les juges sont inféodés au pouvoir en place depuis quarante-quatre ans. Cette affaire d’exclusion de l’Assemblée nationale des neuf (9) députés ANC qui a encore révélé la mauvaise foi de ces juges proches du régime RPT. Onze mois après leur renvoi de l’hémicycle, les députés vont faire leur retour triomphal dans les tout prochains jours. Et pour cause, la Cour de Justice de la CEDEAO vient de les remettre dans leur droit. Pour mémoire, c’est en Octobre 2010 que le président de l’Assemblée nationale Abass Bonfoh a exclu du parlement, Jean-Pierre FABRE et les siens sur instructions de Gilchrist qui prétendait qu’ils avaient signé des lettres en blanc qu’en cas de transhumance, ils seraient radiés du parti UFC sous la bannière de laquelle ils s’étaient présentés aux législatives de 2007.
La décision de Bonfoh a été entérinée le 22 novembre 2010 par Aboudou ASSOUMA, président de la Cour Constitutionnelle. A l’époque les deux hommes ont refusé de revenir sur leur décision estimant que les décisions de la Cour sont irrévocables et inattaquables. La réaction des députés ANC ne s’était pas attendre. Ils ont brandi de leur part que leur mandat est indépendant, irrévocable et non impératif. Ils avaient à cet effet très vite saisi la Cour de Justice de la CEDEAO pour qu’elle se penche sur le dossier. Bien avant la saisine de cette Cour, ces élus du peuple ont porté cette affaire devant l’Union Interparlementaire (UIP). L’UIP a fait des observations dans lesquelles elle a donné gain de cause aux exclus et a relevé par ricochet les insuffisances de la décision de leur renvoi. Très tôt, Bonfoh et Aboudou ont fait fi de ces observations arguant que l’UIP n’est pas une Cour de Justice. Maintenant que la Cour de Justice de la CEDEAO vient de donner son verdict dans cette affaire, il ne devrait plus avoir réticence de ces deux hommes à faire appliquer la décision. Un terme devrait être mis aux polémiques et interprétations non fondées qui ne feront que couvrir davantage de honte le Togo. Le vin est donc tiré, il faut que les autorités en charge de l’exécution de cette décision de la Cour de Justice de la CEDEAO le boivent.
Jean-Baptiste ATTISSO
L’indépendant express n°184 .