Les canulars, le propre des régimes fascisants
Fourberie d’une minorité tapageuse qui donne pour mort un chef fantôme
« L’homme dissipe son angoisse en inventant ou en adaptant des malheurs imaginaires ». Cette maladresse morale témoigne d’une véritable chute dont on veut se remettre par une cure psycho-sociologique qui ne semble pas être la bonne approche pour Raymond QUENEAU dans Le Chiendent. Des échecs successifs aux incertitudes, des meurtrissures nationales à l’impopularité, l’astuce d’une mort de fortune apparaissait comme l’élément détonateur d’une sympathie contagieuse pour doper une légitimité en souffrance d’un prince dont les institutions d’accompagnement sont tombées en désuétude.
Ce qui, à l’évidence, apparaît comme l’autre point d’achèvement du règne de Faure GNASSINGBE, c’est l’impasse politique dans laquelle son pouvoir se confine. Un tour de folie aurait été le seul moyen pour que ce pouvoir se donne une contenance et un résidu de légitimité dans une animation scénique de popularité. Face à la campagne médiatique d’explication de l’opposition sur la vacuité du Parlement en péremption depuis la mi-novembre, ce régime qui se sent à l’étroit passe à un sursaut d’orgueil sans dimension éthique pour se donner un levier lamentable de mobilisation avec l’espérance de se sortir de l’illégitimité avec un encadrement institutionel hors délai. Le visage du pouvoir, dans ses balafres de honte avait besoin d’une chirurgie esthétique pour s’octroyer une bonne conscience de couverture d’une onction sociale. C’est ce qu’on appelle une cure de jouvence politique des artifices en panne.
L’imaginaire qui se couvre de postiches a toujours des accents d’un enfantillage nauséeux. La randonnée exhibitionniste d’un prince qui est dans l’autoflagellation d’une sentence farfelue de mort nous arrache un sourire narquois. Les régimes en perdition ont besoin des falsifications et du faux pour rafistoler ce dont ils ont le sentiment vif d’avoir perdu. Les actes, les résultats et les valeurs minables ont considérablement éloigné le peuple du pouvoir. Dans le cœur des Togolais en supplice, le tombeau des gouvernants est infailliblement grand ouvert. Il fallait astreindre une minorité active à se mentir et à convertir tout au peuple au mensonge pour s’aligner béatement sur l’épreuve d’une mort dont la dynamique fasciste invite les Togolais à une prestidigitation de mobilisation.
Le désir de grandeur fleurit du côté du pouvoir mais, les moyens utilisés flétrissent l’intelligence, les mœurs et l’honneur des gouvernants qui n’ont ni hostie à offrir aux Togolais, ni ostensoir à leur faire vénérer. En déphasage avec les préoccupations des populations, le pouvoir s’accroche à toutes bouées de sauvetage en défiant la décence et le bon sens. La sentence artificielle de mort du jouisseur de la République livre tous ses secrets sans réhabiliter le champion des subterfuges. Le soupir de la honte est aux lèvres de nos compatriotes. Beaucoup continuent de maudire le petit prince pour ses cruautés, ses répressions, sa protection des tortionnaires, ses crimes économiques et ses fantasmes assurés par le trésor public pendant que l’indigence mortelle décime des vies sous nos yeux hagards.
Les plaintes de souffrances extrêmes sont presque toujours à l’origine des choix de délivrance. C’est pourquoi des Togolais ont mordu aux rumeurs savamment distillées sur la mort du rejeton d’EYADEMA. Mais les incrédules ont vite compris le jeu et la finalité d’une entreprise comique et morbide. Il y a de grandes oreilles du monde, de grands yeux de la planète et de grandes bouches qui ne nous mentent jamais. Nombreux sont les concitoyens qui ont gardé leur lucidité active sans la moindre perturbation des rumeurs mises en scène.
La plus importante des activités du Chef est en un seul point : qu’avons-nous à gagner en tant que peuple du déplacement de l’Exécutif en Terre Sainte ?
Un gouvernement sans scrupule et sans résultat a-t-il un autre moyen de fascination et de propagande autre que le faux ?
Un peuple martyr peut-il refuser de croire en la force de la nature, à l’autorégulation de son monde et à toutes les opportunités de sa propre libération ?
1) Une aventure morbide de propagande
Les régimes fascisants et d’insolences autoritaires ont la manie des « grandes inventions » quand leurs principes corrompus de fonctionnement achoppent sur un goulot d’étranglement. Le livre de l’Ivoirien Samba DIARRA : Les faux coups d’Etat, explique abondamment le phénomène. Quand plus rien ne marche ou plutôt quand les dictateurs se sentent en phase terminale de leur piteux règne, leurs esprits retors accouchent tous les soupçons invraisemblables avec des débilités inventives dignes des internés d’asiles psychiatriques.
L’absence de normes déprave l’homme ; il en est de même pour les régimes d’insolences. Ils s’embourbent dans un enchevêtrement technique, tactique sans éthique ni morale pour s’effilocher dans un syndrome de déficience certaine. Deux semaines avant la sentence de mort artificielle du petit prince aphone, une théâtralisation de la Convention des femmes du RPT/UNIR édifia l’homme qui sait sacrifier ses frères et sœurs, ses amis et des vies humaines en une légende de la Sainte Ecriture. Elles ont conféré à Faure GNASSINGBE, par sacrilège indicible, les mêmes attributs que le Dieu vivant. Souvenons-nous que dans une chanson connue de la Liturgie, les femmes RPT/UNIR ont eu l’ingéniosité fétide de remplacer le nom de Dieu par le substitut de leur imagination en prenant leur champion pour Dieu. Cette outrecuidance procède d’une aventure de réhabilitation d’un homme véreux, abonné aux parjures, aux crimes de sang et aux crimes économiques. Pour mériter le nouveau statut de Saint homme, il faut qu’il renaisse à Jérusalem. Il se place dans un précédent biblique et historique comme pour justifier son nouveau titre. Cette Vanité se double de tous les miracles que racontent des témoins arrangés dans l’art divinatoire et qui savent lire tous les signes du profane et du sacré. Ce sont ces témoins des miracles survenus en terre d’Israël dès que Faure GNASSINGBE la baisa de ses pieds qui abreuvent les Togolais de toutes les idioties avec des parallélismes et des superlatifs absolus dont l’inspiration se trouverait dans une visite papale en Israël. Dans le labyrinthe de leur démonstration des miracles, leur langue pouvait se tordre de naïveté à faire éclater de rire même les enfants de cœur ainsi que tout le clergé. Les charlatans du voyage du prince ont l’art divinatoire monnayable du sacré et le feu de leurs interprétations de tous les miracles survenus en Terre Sainte par la visite du Saint homme du Togo nous laisse abasourdis.
Les rois et les princes aiment les fous. Les Majestés de tristesse en recrutent à tour de bras surtout quand ils ne sont pas des détraqués mineurs. Le Cardinal de RETZ a tout à fait raison de laisser dans ses Mémoires cet avertissement capital : « Les gens les plus défiants sont souvent les plus dupes ». La Présidence et ses troubadours ne dérogent pas à cette vérité.
Tous les pouvoirs sans légitimité s’agrippent à des vétilles et s’en servent comme des leviers agressifs de propagande. Ils convertissent leur fébrilité en des folies en cherchant constamment des symboles. Quand ils n’en trouvent pas, treize à la douzaine, leur, imagination en fabrique. Tous les glissements incongrus et idiots sont secrétés dans la recherche forcenée de la légitimité artificielle. Toutes les formes d’enfantillage accompagnent ce parcours maladroit et maladif sans assise véritable et sans audition sur l’échiquier politique. Seuls les grands résultats de gestion d’une cité embarquent les peuples de fascination, en soutien et en solidarité. L’absence d’efficacité compensée par le bruit, le tintamarre, l’exhibition creuse agace les citoyens. C’est en cela que le pouvoir de Faure GNASSINGBE est dans un rejet permanent qu’on tente toujours de couvrir par le tape-à-l’œil, le bruit, les miracles d’une visite en Israël.
Ce voyage et ses miracles n’ont transformé ni l’homme miraculé, ni la pénibilité de la quotidienneté des Togolais. Le pouvoir n’en récolte la moindre sagesse pour se prémunir du typhon social qui noircit son horizon de gros nuages noirs. A quoi donc aurait-elle servi cette visite de toutes les clameurs ? A la résurrection d’un homme, qui refuse d’exister, c’est-à-dire, d’être dans un véritable projet qualitatif pour le Togo, qu’avons-nous à gagner ?
Le comble de la manœuvre politicienne est que l’esprit pourri du banditisme propagandiste trouve un bouc-émissaire à son propre plan d’animation des rumeurs et se prend pour l’objet dans une technique de victimisation. Or, les transmissions d’images en temps réel d’une visite sont la meilleure façon de prouver l’innocence que le pouvoir veut afficher dans ce jeu des rumeurs. Même avec un simple portable, les activités du Président en Israël pouvaient être filmées et transmises par internet sur le site de la Télévision togolaise ou de la Présidence. Ceux qui ont voulu tirer des dividendes de leur propre stratégie ne sont pas des idiots. Ils ont savamment gonflé leur ballon d’essai des rumeurs pour donner vie à un homme mort de rejet et d’ostracisme de ses propres congénères.
La popularité d’un Chef se construit dans le respect des principes, des valeurs et du peuple. Les affabulations et les mises en scène sont des divertissements non nécessaires qui tuent le pouvoir.
2) Le cri d’un peuple martyr
Les lacérations dans les cœurs des citoyens, les entailles dans l’âme d’un peuple et son soupir étouffé par des brimades fauves finissent par le prédisposer à toutes formes de délivrance, y compris les immolations spectaculaires et à profusion qu’on découvre actuellement au Tibet, les imprécations des femmes à qui on saisit illégalement les fonds de commerce, les prières de délivrance et l’appât des rumeurs.
Dans notre culture et dans notre histoire, il existe des manquements moraux graves et des violations de la personne humaine dont les conséquences sont dans la nature elle-même. Notre vie est rythmée par des ondes. Les atrocités commises secrètent des ondes négatives en retour sur les bourreaux. Ces réalités psychologiques et para-psychologiques se retrouvent dans la culture occidentale. De nombreuses maladies mystérieuses sont signalées dans l’armée américaine de nos jours à la suite de la guerre du Golfe, d’Irak, d’Afghanistan. De même au Togo, la nature nous parle mais, nous refusons de l’écouter. Nous devons nous rappeler comment les barbares meurent au Togo dans une dépersonnalisation ahurissante comme le cas d’Ernest GNASSINGBE, ceux qui ont commis de graves tueries dans notre pays dont notamment les auteurs de l’attentat de Soudou. Cette autorégulation de la nature prête à nombre de citoyens togolais la croyance d’une mort mystérieuse de Faure GNASSINGBE qui est venu au pouvoir en massacrant des Togolais, autour de 500 pour l’organisme onusien d’enquête dans notre pays, 811 selon la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme. N’oublions jamais qu’EYADEMA était rongé par de grandes souffrances mentales et physiques avant de quitter cette terre qu’il a tant violée.
Le test psychologique d’une mort subite de Faure GNASSINGBE n’a aucune raison d’échouer dans la représentation cosmologique de la plupart des Togolais surtout que le syndrome d’une maladie mystérieuse se justifie dans l’alerte populaire de ses voyages en Italie chaque quinzaine dans une totale discrétion de Polichinelle. Les représailles de la nature sont insondables. L’histoire nous en étale un écheveau d’exemples. Le cœur d’un peuple martyrisé et sans défense maudit dans l’intimité de son soupir. C’est ce que Raymond QUENEAU semble dire également dans cette réflexion : « Les plaintes de souffrance sont à l’origine du langage ». Ceux qui savent ce que vit ce peuple n’ont aucune raison de s’étonner de la délivrance enregistrée chez certains concitoyens à la mort de Faure GNASSINGBE distillée en rumeurs et sans contestation du pouvoir pendant cinq longs jours. Le côté le plus crasseux de la supercherie, c’est l’animation scénique d’une mobilisation avec tambour, trompettes, castagnettes et tout le bataclan pour produire un timide effet d’un retour triomphal chez les Togolais qui ont le bon sens.
Mais, les prétendus faiseurs d’opinion sans la moindre éthique qui ont cru rafistoler les côtes de popularité de leur champion apathique ignorent les conséquences d’une telle méthode. Ils jouent avec un outil dont ils ne mesurent le rebond maléfique. Le verbe est force. Il est le premier principe dans la Genèse. La valeur magique des mots, sa force d’objectivation et de surgissement de la réalité est célébrée dans Les Contemplations de Victor HUGO : « Mets un mot sur un homme, et l’homme frissonnant, sèche et meurt, pénétré par une force profonde ».
Le jeu de badigeon publicitaire par les faux canaux du langage ne rend aucun service au rejeton d’EYADEMA, rongé par l’ambition dont il n’a pas les moyens. Il y a des clameurs qui ont l’amère saveur du venin. La lutte pour une immortalité qui détruit tant de vies humaines jamais, ne saurait drainer une bénédiction. Le prince veut conserver le pouvoir comme il l’a pris, par l’horreur, la faiblesse du crime. Les signes précurseurs comme la répression aveugle et mortelle, la profanation du Saint sacrément à l’intérieur de l’église Saint Augustin d’Amoutivé, la mise de la Justice sous ses bottes, la fréquence de la torture sont les manifestations de la terreur aveugle.
Le mythe autour d’un chef ne survient pas ex nihilo où à la faveur des montages grotesques. Il s’impose dans son génie à trouver des réponses de maître là où les espoirs s’écroulent. L’efficacité des résultats et les valeurs défendues dans le strict respect des peuples établissent la fascination, la vénération et la popularité. La notoriété du chef ne réside nullement dans la maladresse indécente d’enflammer par les moyens peu orthodoxes la sympathie nationale. Le terrain politique se conquiert par la force de l’imagination constructive et des valeurs. Le courage des petitesses en est plutôt une source d’handicap. Il met des brides aux falots et les présente sous la forme de la gangrène qui menace l’existence des peuples en combat pour leur propre épanouissement.
Les valeurs sont les grands motifs d’adhésion aux grands enjeux politiques. Les grandes œuvres politiques ne peuvent se départir des valeurs sans mourir avec ceux qui les produisent. La faillite politique a sa source dans l’immoralité. Car, si on ne fait pas de la politique exclusivement avec des principes moraux, on n’en fait pas davantage sans eux.
Si l’homme qui est donné mort, proclame partout qu’il est ressuscité sur la Croix des lamentations, le tintamarre est trop insuffisant pour nous prouver sa résurrection. Seule la taille de ses réussites pour préserver les Togolais de l’indigence, de l’aggravation de la crise nous fera applaudir sa seconde vie.
Didier Amah DOSSAVI