Le spectre de coup d’Etat qui est devenu un feuilleton national depuis l’avènement de Faure Gnassingbé n’a pas encore dit son dernier mot. Après la détention, le jugement et l condamnation de certains militaires de l’affaire d’atteinte à la sureté de l’Etat, des militaires viennent d’être rayés de l’armée togolaise, sur décision du Président de la république. Après leur condamnation et leur relaxe, beaucoup croyaient qu’ils seraient réintégrés dans l’armée après avoir été libérés du fait d’avoir déjà purgé leur peine. Mais, c’est sans compter avec le chef de l’Etat et chef des armées, Faure Gnassingbé qui, sur proposition du Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées Togolaises, le Général Mohamed Atcha Titikpina, a décidé de les rayer purement et simplement de l’armée. Une situation qui rallonge les épisodes du feuilleton de coup d’Etat qui hante continuellement le régime de Faure Gnassingbé.
Le Commandant Digbérégou N’Moilaou, le Capitaine Gnassingbé Bagoubadi Mazabalo, l’Adjudant-chef Major Toukoussala Kourhome et l’Adjudant Tchara Atam ne font plus partie des Forces Armées Togolaises depuis le 1er Octobre 2011. Mais, la décision n’a été rendu publique que le 19 décembre dernier. A ces derniers, s’ajoutent le Sergent-chef Kébéra Kossi ainsi que les Sergents Padaro Palakimzémani, Baouna Mandabouwè, Laré Bitié, Papali Abalo, Agnam Mazabalo, Pali Aféignibou et le Caporal Karoué Pyabalo.
D’après la décision N° 11- 0527, ces Officiers supérieurs, Officiers, Sous-officiers et soldats de rang ont été rayés du corps militaire par mesure disciplinaire des Forces Armées Togolaises.
Une décision encore entachée d’injustice ?
Devrait-on s’attendre à une décision autre que celle-ci qu’avait prise Faure Gnassingbé ? Bien évidemment que non, compte tenu non seulement de l’attention particulière qu’accorde le chef de l’Etat à ce dossier, mais aussi de la méfiance qu’il développe vis-à-vis de tous ceux qui y sont impliqués, de près ou de loin. Voilà peut-être ce qui explique la raison pour laquelle le chef suprême des armées s’est empressé de prendre cette décision sans forcément attendre le verdict de la Cour de Justice de la CEDEAO.
Cette juridiction sous-régionale doit se prononcer très prochainement après avoir été saisie par les avocats de Kpatcha Gnassingbé. En effet, Faure Gnassingbé a le pressentiment que cette Cour allait trancher de façon similaire au verdict des neuf députés ANC exclus de l’Assemblée nationale togolaise. Autrement dit, elle allait demander la réparation des dommages causés par la détention préventive de ces militaires à l’ANR et au camp RIT. Il faut donc faire vite, c’est-à-dire rayer ces soldats de l’armée avant que la Cour de Justice de la CEDEAO ne décide autre chose. Sinon, rien ne justifie la présente décision au moment même où il a confié l’affaire de ces militaires à la Commission Vérité Justice et Réconciliation.
Par ailleurs, en dehors du Sergent Pali Aféignidou condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme, les autres se sont vus infliger des peines de prison allant de 18 à 23 mois. Ce qui a permis de les libérer aussitôt après le procès, compte tenu du fait qu’ils avaient été arrêtés en avril 2009 et avaient déjà passé plus de deux ans dans les cellules de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) avant l’ouverture du procès en septembre 2011.
Toutefois, depuis leur arrestation en 2009, leurs salaires ont été bloqués. Après leur libération, ces soldes ne leur ont pas été rendus. Et ce, jusqu’à ce jour où ils ont été renvoyés de l’armée. On se demande alors comment ils feront pour subvenir aux besoins de leurs familles.
En outre, la question se pose également de savoir si ces militaires indésirables pourront vraiment se réinsérer dans la vie sociale et trouver autre chose à faire. Ceci, dans la mesure où, sachant comment les choses se passent au Togo, ils seront suivis de très près par les autorités qui mettront tout en œuvre pour leur pourrir la vie.
Vers un nouveau déballage juridique
L’Etat de droit recommande que le licenciement, la mise à terme des services d’un fonctionnaire civil ou militaire obéisse à une procédure juridique qui n’est pas aussi simple que cela se passe dans le cas actuel. Dans le cas présent donc, les militaires qui sont victimes de cette retraite forcée ont le droit de saisir les tribunaux pour que leurs droits soient respectés dans la mesure du respect de la loi. Sinon, il est une violation des droits de travail qu’après un procès jugé de parodie, ou les personnes soupçonnés d’atteinte à la sureté de l’Etat ont été arrêté et détenus dans des conditions assez rocambolesques et comme pour une sanction judiciaire, ils soient rayés purement et simplement des services de l’armée.
Pire, depuis 2009 qu’ils ont été interpellés, ils n’ont pas eu droit en aucune manière de leurs salaires. D’ailleurs, depuis la notification de la décision portant reforme judiciaire de ces militaires, la valse de discussions a commencé avec les avocats pour qu’une nouvelle procédure soit introduite en faveur de ces fonctionnaires de l’armée.
En attendant le verdict de la cour de la CEDEAO
La décision de la cour de justice de la CEDEAO est attendue comme une pilule amère pour les autorités togolaises qui n’on pas fini de digérer le camouflet cinglant infligé par cette cour dans le dossier de la réintégration des députés de l’ANC. Malgré les interprétations oiseuses et superflues de la décision qui exigeait clairement le rétablissement dans leurs droits des députés de l’ANC, y compris leur réintégration à l’assemblée nationale, tous les observateurs sont convaincus que la cour constitutionnelle togolaise a refusé de dire le droit. C’est le même affront que le gouvernement se refuse de subir dans le cas du dossier Kpatcha Gnassingbé en ayant d’après des informations, saisi la CEDEAO de faire diligence pour que la CVJR jugule ce dossier.
Du côté de la CVJR, c’est aussi la velléité absolue, le dossier ayant ses racines dans les couloirs de la présidence de la république et ses branches dans la famille Gnassingbé, il est difficile de le gérer comme tout autre dossier ordinaire. La décision des mesures disciplinaires prises à l’encontre des militaires en question risque de connaître des failles lorsque la décision de la Cour de la CEDEAO tombera et les victimes auront encore une fois raison de faire étaler au grand jour les turpitudes de la justice togolaise et de l’administration Faure Gnassingbé.
Permanente menace de coup d’Etat
Le régime de Faure Gnassingbé voit planer sur sa tête comme une épée de Damoclès le spectre permanent de coup d’Etat au point où il est organisé un jeu de chaises au sein de l’armée. Le Camp des bérets rouges de Kara était annoncé pour être commandé par le Colonel Bakali, ex aide du camp de Faure Gnassingbé. Mais le patron d’alors, l’officier Kpélenga ayant refusé de servir comme un « petit préfet » de la Kozah a été sauté et mis à la disposition de l’Etat Major. Le Colonel Bakali s’est donc finalement retrouvé à la tête de la préfecture bouillonnante de mouvements d’humeur alors que l’aide de camp aura changé derrière le corps du président.
On susurre que depuis le départ de l’ancien DG de la douane de ce poste, deux officiers sont mis en évidence.
Le Commandant Signa, le chargé des voyages à la présidence et le commandant Tchagbélé, lui plutôt chargé dans les sous-sols de manœuvrer les écoutes téléphoniques des citoyens. Ce sont les deux officiers, sans doute de confiance que le chef de l’Etat alterne actuellement derrière son corps en attendant de se situer sur celui qui jouera le rôle principal d’aide de camp.
L’ancien DG de la Douane, ex aide de camp et actuel préfet de la Kozah est Kabyè originaire de Lamah tout comme l’ancien commandant de la garnison de Kara le Colonel Kpelenga. Dans les relations ethniques au sein même de la Kozah, les natifs de Lamah ne son pas en odeur de sainteté avec ceux de Pya des Gnassingbé. Ils sont considérés, comme ceux de Kouméa comme des rebelles, des opposants, donc surveillés comme du lait sur le feu. Des rumeurs ont fait état du fait que c’est d’abord le refus du Colonel Kpélenga de devenir préfet et de sortir les bérets rouges pour mater les revendications estudiantines qu’il a été sauté. Autre raison non moins convaincante, le tadem Bakali-Kpélenga à la préfecture et à la Garnison de Kara est une menace de Lamah sur le pouvoir de Faure Gnassingbé. C’est pourquoi, les experts ont vite fait de créer la dislocation du duo de Lamah pour sembler avoir le contrôle de cette région qui subi la contagion des manifestations musclées.
Dans les différents corps, au sein de la gendarmerie, de la police, ce jeu de quille s’opère assez minutieusement dans le but d’étouffer toute union susceptible de créer une situation de complot pouvant déboucher sur un coup d’Etat.
On raconte dans les milieux politiques que certaines personnalités soupçonnées de nourrir des ambitions sont actuellement dans le viseur et l’on compte se servir de l’annonce de cette affaire du terrorisme du Hezbollah pour se débarrasser définitivement de ces poids lourds de la politique togolaise.
Dans tous les cas, il est clairement défini que le pouvoir de Faure Gnassingbé est miné par une permanente menace de coup d’Etat qui le met sur le qui-vive face à toutes les catégories de personnes, militaires ou civiles
Rodolph Tomégah
L’Indépendant express N°192 du 27 décembre 2011