Entre irréalisme, mercantilisme et mauvaise foi, Hillary Clinton se fait chantre de la fraude électorale

Les Etats-Unis et l’élection présidentielle de 2010 au Togo

Entre irréalisme, mercantilisme et mauvaise foi, Hillary Clinton se fait chantre de la fraude électorale

    Les Etats-Unis peuvent se réjouir de ce que les militants des forces d’alternance n’ont pas l’instinct intégriste ni la propension à la violence anti Occidentaux, autrement l’obstination de Hillary Clinton à leur dire que la présidentielle de 2010 est la plus transparente qui soit aurait déjà créé des malheurs regrettables. Qu’importe, on ne peut que s’étonner de cette obstination et se demander si la position de la secrétaire d’Etat ne s’explique simplement que par l’attrait du business, même si pour cela tous les Togolais peuvent y laisser leur peau.

Irréalisme et impertinence

            Hillary Clinton est piquée par la même mouche qui a piqué Patricia Hawkins. Ancienne ambassadrice du Togo dans la période de l’élection présidentielle, Madame Hawkins a multiplié des errements discursifs avant et surtout après cette présidentielle. Peut-être était-elle tombée dans le piège de la fausse bonne volonté de Faure Gnassingbé et du RPT au point de présenter quelques temps avant son départ le fils d’Eyadèma comme un exemple à suivre et l’opposition togolaise comme une machine à dire non, sans raison. Sur toute la ligne, Madame Hawkins s’est montrée impertinente, à la limite agaçante. Certains Togolais rappellent même qu’elle a joué un rôle flou et trouble dans l’affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ne serait-ce que pour avoir dissimulé un témoin, fonctionnaire dans sa chancellerie, que la justice togolaise a demandé en vain à écouter.

            Pour un nombre considérable d’observateurs, Hillary Clinton fait une lecture partielle, partiale et biaisée de la présidentielle de 2010 en y voyant un modèle d’élection. On signale qu’elle se comporte comme si une élection se limite au jour du vote où on ouvre les bureaux de vote, range les registres, déploie le personnel et le matériel de vote et fait signer les électeurs devant leurs noms. On ne lui fera pas l’affront d’oser croire qu’elle ne sait pas ce qu’on appelle un processus électoral. On se gardera également d’attirer son attention sur le fait que la transparence et la crédibilité d’un vote se mesurent sur le processus débutant par l’enregistrement des électeurs et finissant par la proclamation des résultats. A l’intérieur se trouvent différentes tâches comme le vote, le dépouillement, la compilation des résultats, l’envoi desdits résultats à la structure centrale, entre autres. Pour sa gouverne, on doit tout au moins dire que, depuis 2005, le système RPT a cessé de frauder en amont. Dorénavant, il a choisi la fraude astucieuse en amont, ou par corruption des délégués et substitution de procès-verbaux, ou par entorse à toutes les procédures fiables mises en place pour la transparence électorale.

            Madame Clinton a besoin dès lors qu’on lui explique qu’elle se fourre le doigt très loin dans l’œil en ne considérant que le déroulement du scrutin le jour du vote. Que fait-elle de ce qui s’est passé après ? Que dit-elle de tous les artifices mis en jeu pour détourner la volonté des électeurs ? Sait-elle au moins que le système VSAT installé à coups de millions par les partenaires pour garantir une transmission fiable des résultats sortis des urnes est tombé subitement et miraculeusement en panne quelques temps après le début des décomptes ? Faut-il lui rappeler que des présidents d’antennes régionales de la commission électorale ont été héliportés par le gouvernement pour amener les résultats à Lomé ? Trouve-t-elle en outre normal que la commission électorale centrale publie ces résultats sans que les membres les aient vus, examinés et validés ? Selon certains courants de l’opinion nationale, Madame Clinton pense que tout s’est bien passé en 2010 simplement parce que des Togolais n’ont plus été abattus comme des mouches à l’étal des poissonnières au marché de Hanoukopé. Si c’est le cas, c’est bien décevant de la part d’une si grande expérimentée en politique.

 

Contre l’avis des observateurs crédibles

Hormis les touristes observateurs de la Francophonie et de l’Union africaine, tous les autres observateurs qui sont conscients de leur mission et ont essayé de la remplir avec un minimum de pertinence et de sérieux, la présidentielle de 2010 diffère de celle de 2005 uniquement par son caractère pacifique et l’amélioration du contexte politique. A côté de cette remarque d’ensemble, les reproches sont légion au sujet de cette élection. De sorte que la position obstinée de Hillary Clinton n’a presque pas de sens ni de justification.

Quand on prend en compte par exemple le rapport de la mission d’observation électorale de l’Union européenne, le scrutin n’est transparent qu’en surface. Au fond, une noria de manquements est signalée. Hormis le cadre institutionnel qui est largement en faveur du pouvoir en place et de son candidat, le fichier électoral, le fonctionnement de la commission électorale et surtout la compilation, la transmission et la validation des résultats constituent des problèmes évidents. Par exemple, bien avant le scrutin, les forces démocratiques ont fait observer que le fichier électoral était gonflé à hauteur de 20% : quelle élection peut être crédible, encore moins un exemple si un candidat se réserve au départ 20% des votes ? Irait-on loin en supposant que c’est ainsi que Bill Clinton a gagné l’élection présidentielle de 1992 contre George Bush ?

Madame Clinton doit étonner et décevoir même l’Eglise catholique du Togo. Dans un rapport sur le scrutin du 4 mars 2010, la conférence des Evêques a relevé de nombreuses irrégularités dont celles relatives au fichier électoral et à l’inscription des électeurs. Le rapport indique que cette inscription « s’est déroulée sur fond de désaccord. Les chiffres publiés à la fin de la période des inscriptions ont montré que sur près de 320 000 nouveaux inscrits, plus des deux tiers se retrouvent dans le nord du pays supposé favorable au pouvoir en place, contre le tiers au sud qui selon les statistiques et les données démographiques regrouperait près de la moitié de l’électorat » Fort de cela, le rapport recommande un « audit du fichier électoral actuel pour relever les graves anomalies souvent sources de conflits ».

 

On se moque des Togolais

Selon toute vraisemblance, Hillary Clinton se moque des Togolais. En continuant à présenter la présidentielle de 2010 comme un modèle, elle prend les populations togolaises comme des nourrissons qui ne sont pas capables de savoir ce qui est bien ou bon pour eux. On dira volontiers qu’elle se comporte comme Montesquieu qui a justifié l’esclavage des nègres par leur incapacité à faire la différence entre les colliers de verre et d’or. Elle paraît même ridicule vu que depuis 2010, la crise politique a connu des moments critiques et très récemment a renoué avec les pics. La présidentielle de 2010 serait une réussite que tous les protagonistes auraient reconnu la victoire du vainqueur proclamé et  le problème politique se poserait autrement dans le pays. La secrétaire d’Etat de Barack Obama se moque des Togolais certes, mais il faut plutôt avoir pitié d’elle car elle n’a de la situation togolaise qu’une connaissance partielle, superficielle et erronée. D’ailleurs, à Dakar, Madame Clinton a encore salué le Sénégal parce qu’elle est « un modèle pour la région ». Finalement, entre le Togo et le Sénégal, lequel est le modèle ? Sûrement que Madame Clinton parle pour plaire à ses hôtes ou n’a pas de suite dans ses idées.

Au-delà, il n’est pas inutile de souligner une fois encore que ces différentes déclarations laudatives de Hillary Clinton sur le Togo peuvent être motivées par le mercantilisme et le business, rien de plus. Des sources crédibles établissent que les Etats-Unis sont de moins en moins exigeants envers le pouvoir dynastique des Gnassingbé depuis qu’il a déguerpi le groupe franco-canadien Elyo Hydro Québec pour installer Contour Global, une société de capitaux américains. Ces sources considèrent donc que Hillary Clinton joue simplement à protéger et à promouvoir le business de ses compatriotes qui ont investi dans l’électricité. Etant donné que les investissements de Contour Global constituent une manne financière considérable pour les hommes d’affaires américains qui en sont les promoteurs, aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de préserver ce pré carré. C’est la logique de Madame Clinton, selon ces sources, et il faut avouer que la thèse est crédible et pertinente. Autrement, le bon sens aurait du mal à comprendre l’obstination de la ministre américaine à couvrir les fraudes électorales astucieuses de Faure Gnassingbé et de sa suite. Comme la France, les Etats-Unis n’ont que des intérêts, des amis point.

 

Nima Zara

Le Correcteur N° 366 du 09 août 2012