« Les choses capitales qu’un peuple a envie de dire à un dictateur ont toujours été des choses simples », indiquait Charles de GAULLE dans Les Chênes qu’on abat. Les époques et les épreuves nous forment lorsque nous choisissons de grandir avec nos ambitions. Elles nous préparent en forgeant nos convictions pourvu que nous appliquions bien les règles du bon sens et de la civilité. De GAULLE tire de l’adversité et des conflits entre la France et l’Allemagne du « Führer », dans une marche forcée imposée au peuple allemand, toutes les conséquences. Il sait que la cruauté d’un dirigeant envers son propre peuple provoque des ruminations des populations prises au piège par la folie d’un homme imprévisible et barbare en lequel elles ne se retrouvent guère. C’est pourquoi les dictateurs sont toujours en déphasage avec les aspirations profondes des peuples.
La force d’un dirigeant responsable et respectueux des choix populaires réside dans sa capacité à suivre la foule en le dépassant, c’est-à-dire l’intelligence affichée dans la canalisation des aspirations du peuple et l’exercice de créativité qui lui apporte des réponses justes, réalisables dans l’accomplissement de son désir du mieux-être. Lorsque ces deux exigences viennent à manquer dans la conception politique, la légitimité s’effrite pour disparaître complètement. Le peuple ne se reconnaît plus dans le leader. A tout politique responsable s’impose une « civilisation de l’intellect », une occupation à l’exercice permanente de la pensée qui prend en compte les priorités telles qu’elles se manifestent dans la conscience collective pour les habiller dans la justesse de l’esprit et en proposer des solutions qui garantissent la justice, l’équité, la sécurité, la protection de chaque citoyen, la liberté et la paix civile.
La politique ne peut être un esclavagisme subi des peuples ou une clochardisation dans une duperie des masses. L’autorité publique doit en politique être apparente, saillante, dans les ambitions nationales. C’est cette démarche qui érige sa légitimité au nom de laquelle elle peut s’élever dans des engagements internationaux. La légitimité d’un régime est acquise dans l’accomplissement des projets auxquels adhèrent en grand nombre les populations pour leur propre émancipation, leur progrès, leur développement.
A suivre le tintamarre du régime de Faure à propos d’un siège non permanent accordé à notre pays au Conseil de sécurité de l’ONU, nous sommes particulièrement troublés par les feux d’artifices et les guirlandes qui célèbrent jour et nuit une « reconnaissance internationale » d’un pouvoir manchot. Ces manifestations d’une puérilité rare dénotent d’un manque de mérite pour les autorités togolaises à s’asseoir à la table internationale des civilités avérées. La conscience d’un rachat est apparente dans une utopie de propreté aussi amusante que ridicule. Le pouvoir togolais en situation d’hors-jeu de sa légitimité s’agrippe désespérément à un strapontin international pour se donner un semblant de virginité. Or, l’autorité internationale ne peut être qu’une valeur ajoutée à la reconnaissance nationale, à la réalisation du contrat social et des aspirations du peuple. Si le fondement national de la reconnaissance est inexistant, tout ce balafon joué autour d’une admission dans une représentation internationale n’a ni étoffe, ni symphonie.
L’appartenance à la civilisation de l’Universel n’a-t-elle pas pour base le particulier qui correspond aux normes de la civilité ?
Qu’a-t-il à gagner pour un peuple qui manque d’eau, de nourriture, d’école, de soins de santé, de justice, de liberté, d’emploi, de sécurité, dans une lutte pour une place de portefaix dans une représentation internationale ?
1) Le néant des principes de légitimité
La volonté générale et le respect scrupuleux des droits des minorités constituent les fondements logiques de la légitimité. Elle est conférée au représentant du peuple qui l’exerce au nom de la collectivité nationale. Elle peut choir des mains du représentant dès lors que ses actions s’écartent des désirs et aspirations qui tissent la primauté de son existence, en un mot, les priorités de son mieux-être. Or, le régime de Faure GNASSINGBE est celui des forfaitures, des massacres, de la répression aveugle et le bonus de ses lugubres exploits est l’insécurité, la vie chère, l’effondrement de l’éducation, l’absence de redistribution de la richesse nationale, les violations massives des Droits humains, le manque d’accès à l’eau potable, à la justice…
Le relevé de la faillite de la légitimité du pouvoir est interminable et dégoûtant parce qu’il certifie un malaise national, un mal-être des populations. Les grands aspects du contrat social qui fondent le vivre-ensemble sont imperceptibles dans les agitations oiseuses du gouvernement, inapte à l’invention, à l’innovation, à la recherche des solutions qui produisent de bons résultats, aux réformes qu’il s’est donné la peine de signer, dans un engagement républicain à travers l’APG (Accord Politique Global), la base d’un consensus national censé donner à tous les enfants du Togo l’aurore si attendue.
Dans ses balbutiements éternels, le pouvoir de Faure se crispe pour trébucher à l’envers dans les ravins de la désolation qui lui font perdre l’indulgence nationale fabriquée d’un résidu de légitimité réductible à l’exécution d’une feuille de route : les réformes institutionnelles et constitutionnelles. Dans un concert d’artifices et de subterfuges, les digues de la Renaissance togolaise sont rompues et les populations ruinées et martyrisées sont sous les flots des horreurs de la duperie et de la duplicité d’un régime aux niaiseries antiques dont la reconversion est impossible. Le vrai changement est un état d’esprit. C’est pourquoi VAUVENARGUES disait dans ses Réflexion et Maximes : «On méprise les grands desseins lorsqu’on ne se sent pas capable des grands succès ». L’esprit corrompu qui préside aux actes du pouvoir ne saurait jamais désirer un jour de lui-même de vraies mutations. Le schéma d’appréhension des problèmes de notre pays par le régime se détourne toujours de l’optique républicaine et le cœur d’une sensibilité nationale n’est d’aucun ouvrage.
De bout en bout, les chantiers ouverts par le pouvoir sont d’un bricolage assidu ou enregistrent avec fracas des échecs. Nous sommes tous témoins des abominations de l’école gratuite avec des places assises à même le sol, des chaussées réhabilitées sans trottoir en pleine capitale sur l’ancien boulevard circulaire…Dans un slogan étincelant «le Togo en chantier », l’emploi n’est pas du tout au rendez-vous et les absurdités foisonnent dans la réalisation des projets censés relever le pays de la chute. L’amateurisme outrancier et la mauvaise foi couvrent l’horizon de l’action du gouvernement d’un brouillard épais qui répugne le peuple d’un possible choix de porter le régime. Nous avons tous observé que les engagements pris par le pouvoir pour résoudre la crise universitaire sont dans l’ordre normal du jeu de la diversion et du parjure qui fait l’identité du pouvoir. D’un autre coté, la roublardise éprouvée par les professionnels de la santé dans leurs récentes réclamations fait bouillir une révolte qui prépare à l’horizon une saturation des casiers de la morgue.
Dans l’approche césarienne, une société qui rechigne à trouver de vraies réponses à ses propres problèmes est à l’agonie et est appelée à disparaître. Avec Faure GNASSINGBE, nous sommes sûrs, selon les mots de Paul VALERY dans Variété, que « Nous rentrons dans l’avenir à reculons ». La preuve en est que même à l’époque précoloniale, la première école togolaise initiée par l’immigration ghanéenne (Gold Coast) dans le royaume d’ANEHO ne comptait pas d’élèves assis à même le sol.
Avec ce pouvoir, le constat de l’effondrement drastique de l’éducation, de la qualité de la vie, de la santé des populations est révoltant et intolérable. L’esprit d’une amélioration est plutôt tourné vers la foi en un Dieu de la rédemption et miséricordieux.
En cinquante années, le régime des GNASSINGBE aurait abîmé et enseveli la vie de deux générations de Togolais, environ six millions d’âmes. Cette criminalité étatique si insidieuse qui dépouille les Togolais de tous les privilèges et avenir a certainement fait plus de victimes que tous les génocides connus. Qu’ils s’agisse du génocide arménien, juif ou rwandais, la catastrophe au Togo est couvée dans sa virulence silencieuse qui n’a nulle part d’égale. Nous mourons de soif auprès d’une fontaine et de faim sur une fortune que recèle notre pays. Comment un régime de la spoliation peut-il prétendre à la consécration internationale ?
2-) De la mendicité d’une légitimité internationale
La psychologie nous apprend que ceux qui ont moins de mérite ont toujours cette manie de célébrer l’inespéré, de s’y investir comme pour se consoler dans leurs petitesses et prennent tout ce qui brille pour de l’or. Ils vivent d’artifices et d’apparences qui flattent leur orgueil. Même en tenant le sac des maîtres de l’alchimie des choix sécuritaires de la planète, les autorités togolaises sont très heureuses de se sentir dans la peau d’un garçon de laboratoire.
Le désir d’appartenance à une autorité internationale à n’importe quel prix ne saurait constituer l’objectif principal de l’action d’un gouvernement. Le podium international vient, après coup, comme l’arôme du sacre national. C’est seulement à cette condition que se produit la fierté d’une ascension. Comme l’esprit de travers du pouvoir togolais fonctionne dans une logique du non sens, une place de strapontin au Conseil de sécurité suffit à fonder la légitimité du régime. Quelle folie ! L’illusion d’un mérite à être à une table de l’ONU est ce que Charles de GAULLE qualifie de machin. L’image qu’il avait de son pays la France et le combat qu’il menait pour son peuple suffisaient à lui garantir la légitimité qui dépassait de loin sa place en tant que représentant d’un pays avec un siège permanent au Conseil de sécurité.
Ce que nous devons en inférer réside dans la primauté des ambitions nationales. Le Togo n’a aucun mérite de célébrer cette élection au siège non permanent parce que les défis nationaux sont encore en jachère ou au stade de la somnolence. La dégradation effrénée de l’appétit de vivre au Togo avec une démission d’un gouvernement qui étend son parapluie sur la corruption et les détournements nous interdit toute jubilation pour une place de notre pays au Conseil de sécurité. Il aurait été plus utile pour le gouvernement de nous faire l’économie de ce combat inutile, inopportun et ridicule, en ce que nos lycées manquent de tables et des bancs à la capitale comme dans nos provinces, mais le gouvernement en tant qu’autorité publique y reste sourde, muette et aveugle pour s’époumoner dans un combat sordide d’une place dans un organe du système des Nations-Unies. La légitimité ne peut pas être fondée sur des frétilles, dans une criminalité qui ne dit pas son nom. Un régime qui préfère investir des milliards dans l’achat des appareils d’écoute téléphonique et de décodage de voix alors que ses enfants sont assis par terre dans des salles de classe est-il légitime ou criminel ?
Ce gouvernement n’a pas la décence à respecter sa propre signature et court après une légitimité qui se dérobe à lui. Ses engagements dans la crise universitaire sont en lettres de la duperie qui mettent la formation en danger. Il nous a habitués à être absents là où le peuple a besoin d’assurance et de réconfort. Sa célébration tapageuse d’une admission à la table des civilités internationales ne lui confère guère le moindre crédit, la moindre reconnaissance parce que le sens politique d’un pouvoir légitime est défini en lettres d’or dans les Lettres de Napoléon 1er lorsqu’il écrit : « La haute politique n’est que le bon sens appliqué aux grandes choses ». Si le pouvoir de Faure s’attelle à polir son image, à se donner bonne conscience, à sauver la face sans un soupçon de relever le peuple togolais de sa chute, de le mettre à l’abri des besoins primaires et vitaux, alors nous sommes sûrs qu’il demeure dans la résidence pitoyable des chimères de l’excellence, aux antipodes de la légitimité.
Ce pouvoir dramatiquement réactionnaire n’a ni bon sens, ni civilité pour avoir un répondant logique et éthique qui s’accommode aux exigences internationales. La preuve de notre jugement s’illustre davantage dans le tourbillon vain de son interprétation du verdict du Tribunal d’ABUJA à propos des violations des droits des députés ANC (Alliance Nationale pour le Changement). Le rejet à peine voilé de la décision du Tribunal communautaire qui pourtant s’impose à lui, démontre sa réputation dans la caverne de l’ignorance ou plutôt de l’ « état de nature » tel que le décrit Thomas HOBBES dans Le Léviathan. Or, pour Louis XIV, dans ses Mémoires : « Les règles de la justice et de l’honneur conduisent presque toujours à l’utilité même ». Intelligemment, l’auteur fait précéder la justice, ses règles, avant l’honneur. L’honneur sans la justice n’est qu’une maladie. Dans notre pays, la Cour conditionnelle méconnaît le droit selon le Tribunal d’ABUJA.
Si le pouvoir togolais arme ses institutions pour guillotiner le droit dans un désastre politique et des réclamations sociales, quel mérite et quelle légitimité a-t-il à afficher une ascension à la table universelle des civilités ? Faure a sifflé la fin de la République et de l’humanité de son pouvoir dans les conditions calamiteuses qui l’ont porté au Palais présidentiel. Dans la récidive de la forfaiture le 04 mars 2010 et sa gestion épouvantable du mal de vivre des Togolais avec des réclamations sociales qui foisonnent, la diversion est de mise dans une consolation piètre d’une élection du Togo pour une place dérisoire et non permanente au Conseil de sécurité. Cette vision de la politique est une niaiserie intégrale, une moquerie à l’endroit de la souffrance indicible de notre peule.
Didier Amah DOSSAVI
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