Après le jubilé, place aux problèmes des Togolais
Ce n’est plus un secret de polichinelle. Depuis le 21 Octobre 2011, le Togo a accédé au Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies en tant que membre non permanent aux côtés du Maroc, second Etat africain siégeant au sein de cet organe de l’ONU. L’élection du Togo est accueillie comme un événement historique que les officiels togolais ont savouré comme si c’était la solution aux problèmes dont souffrent les Togolais depuis près de quatre décennies.
Vendredi dernier, en plein journal sur la Télévision nationale, le ministre togolais des Affaires Etrangères et de la coopération, Elliott OHIN était reçu en direct et en duplex avec un journaliste. Le ministre faisait le point des élections dont les résultats venaient à peine d’être publiés en faveur du Togo qui intègre le cortège des membres non permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU pour une durée de deux ans. La joie était perceptible à travers la voix du ministre. Cette même joie était partagée par le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé qui a déclaré ceci : « C’est avec une grande fierté que je me joins à mes compatriotes pour célébrer l’élection du Togo au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Togo est heureux de siéger en tant que membre non permanent du Conseil comme il en a été décidé par les Etats membres des Nations-Unies vendredi. Nous sommes honorés de rejoindre un organisme si estimé et avons hâte de pouvoir contribuer de façon positive à son œuvre pour le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité internationales ». A la lecture de cette déclaration, l’on est tenté de se poser la question de savoir le nombre de Togolais qui se réjouissent de cette élection. L’admission au Conseil de Sécurité de l’ONU semble une préoccupation des officiels alors que le Togolais lambda a ses préoccupations ailleurs.
Les raisons de la célébration du siège
Naturellement l’élection d’un petit pays à l’instar du Togo au Conseil de Sécurité de l’ONU doit susciter admiration et joie tant du côté des gouvernants que des gouvernés. Ces sentiments devraient être partagés par tous. Mais il se fait que cette « prouesse » n’enchante que la diplomatie togolaise en premier lieu le Ministre des affaires étrangères, le Chef de l’Etat et le Premier Ministre qui était il y a un mois à New York dans le cadre de la 66ème Assemblée Générale des Nations unies. Et justement dans son discours prononcé lors de cette Assemblée, le Premier Ministre avait insisté sur l’élection du Togo au Conseil de Sécurité de l’ONU. Des consultations parallèles avaient été menées pour cela lors de ce périple. Aujourd’hui, c’est chose faite, et c’est de bonne guerre que la joie inonde le cœur de ces hommes d’Etat togolais. Le gouvernement peut se targuer d’être dans de nombreuses missions de paix à travers le continent et ailleurs et c’est ce qui lui a valu cette élection mais les Togolais attendent plus de leurs dirigeants vis-à-vis de leurs préoccupations quotidiennes.
Les attentes du peuple demeurent
La question qui est dans toutes les bouches est de savoir la portée de cette élection. Certains observateurs estiment que cette élection sera bénéfique pour le pays qui fait partie des instances de décisions internationales. Le Togo pèsera-t-il dans les décisions de l’ONU? La réponse est sans ambages non. Puisque beaucoup de ceux savent lire entre les lignes et savent écouter, ne doutent pas un seul instant, le Togo ne serait qu’une marionnette mieux une girouette que les grandes puissances dirigeront à leur guise. C’est purement et simplement la politique de l’alignement sur les positions des pays comme la France, les Etats Unies, etc. La population togolaise dans sa quasi-totalité est restée indifférente face à cette élection parce que son centre d’intérêt est ailleurs. Où trouvez le repas quotidien? Quelle serait la portée réelle de cette élection ? Les Togolais eux-mêmes sont-ils en paix dans la mesure où plus de 70 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Autant de questions qui restent sans réponse.
C’est qui fait dire au philosophe Baruch Spinoza que l’absence de guerre n’est pas synonyme de paix. Si les Nations Unies devraient tenir rigueur, ne seront élus à ce Conseil que les pays ayant atteint un certain niveau de développement, ce qui obligerait certains pays africains à lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance qui sapent leur économie. Sinon l’élection du Togo en tant que membre non permanent au Conseil de Sécurité ne changera pas grand-chose au vécu quotidien des Togolais. La preuve le Togo était à ce Conseil entre 1981-1982, le pays n’avait changé ni sur le plan intérieur et n’avait influencé outre mesure la politique internationale. Il n’y a pas de miracle dans une géopolitique et une géostratégie assez bouleversée actuellement avec la chute des régimes monarchiques. Heureusement que dans la politique internationale, il y a toujours possibilité pour chaque Etat, si petit soit t-il, de trouver son intérêt à soutenir, ou à se faire soutenir. Il n’y aura que ce profit que les autorités togolaises tireront de ce rendez-vous à l’ONU.
Jean-Baptiste ATTISSO
L’Indépendant Express N° 186 du 25 octobre 2011