Des plaidoiries qui en disent long sur la volonté du Pouvoir de faire condamner des innocents

Sixième journée du procès de tentative d’atteinte à la sûreté

 

Il était 8h35 hier quand le président de la Cour et les accesseurs ont fait leur entrée dans la grande salle d’audience du Palais de justice de Lomé. Et c’est le début des plaidoiries de la défense. Il fallait y être pour les vivre. Elles étaient aussi plaisantes les unes que les autres et pendant environ six heures d’horloge non stop, les avocats auront tenu tout le public en haleine. S’il avait été permis d’acclamer, plusieurs personnes s’en seraient sorties avec des hématomes ou ce qui s’y apparente dans la pomme des mains.

En tout, onze avocats se sont succédé à la barre, parmi lesquels le doyen des avocats du jour, Me Mario Stasi du barreau de Paris arrivé juste pour la circonstance. Pendant environ une demie heure qu’il aura passée devant les juges et l’avocat général, ceux-ci ont eu droit à une formation en cours d’emploi ou à un recyclage qui vient à point nommé, d’autant plus que, pendant des décennies au Togo, le droit se foule allègrement aux pieds, se désapprend, pendant que les universités de Lomé et de Kara demeurent fonctionnelles et nul professionnel du droit dans le pays ne semble s’en offusquer.

Le premier à prendre la parole pour la plaidoirie de la défense est Me Ajavon Zeus. D’entrée de jeu, il n’a pas manqué de faire comprendre qu’il n’y a aucun problème de clé USB en 2009. Ce problème date de 2007 et a été porté à la connaissance de feu Président Bongo. Autrement dit, le Gal Tidjani n’a rien à voir avec ce procès qui est relatif aux événements de 2009. « On a entendu beaucoup de choses dans cette salle et qui n’ont rien à voir avec ce procès. Monsieur le Président, j’ai devant moi le signe de la justice, vous avez derrière vous une balance avec ses deux plateaux équilibrés. Nous avons tous appelé de toutes nos forces à la modernisation de la justice, vous devez prouver que la justice togolaise est indépendante. Je veux que vous délibériez en votre âme et conscience », a-t-il lancé au Président de la Cour.

Me Ajavon a convié le juge Abalo Pétchélébia à délibérer de telle sorte que les jeunes avocats et magistrats dans cette salle et tous ceux qui sont en stage, puissent s’en inspirer. En 2009, a-t-il dit, la FIR s’est présentée chez Kpatcha à 21h45 pour aller appréhender deux personnes. Il n’y a pas eu de tir venant du domicile de Kpatcha. Le premier coup a été tiré d’une lance-roquettes. La roquette a traversé la baie vitrée du salon où Kpatcha et son épouse s’asseyent habituellement pour regarder la télé. S’ils avaient été là, leurs têtes auraient été coupées. Il a expliqué pourquoi ils n’étaient pas là à ce moment : « les aînés des enfants de Kpatcha qui aiment la télé étaient absents et il n’y avait que les plus petits. Ils étaient allés se coucher et Kpatcha était en train de prier quand les tirs ont commencé ».

Pour montrer qu’il y avait intention de tuer, Me Ajavon a révélé comment les matelas des aînés ont été criblés de balles. Heureusement, a-t-il dit, ils n’étaient pas allés dans la chambre où dormaient les plus petits que protégeait la domestique et elle-même avec un matelas. Revenant sur les déclarations du Col. Kadanga, l’avocat a dit qu’il a déclaré avoir épousé la sœur de Kpatcha, mais qu’il a oublié de dire qu’elle n’est plus avec lui. Aujourd’hui la femme se trouve avec le chauffeur de Kadanga. Dans leur séparation, Kpatcha n’a pas été d’accord avec lui et Kadanga lui en veut à mort. C’est ce qui explique que c’était lui qui devait aller chez le député. Il n’a pas hésité à être insolent envers votre cour, Monsieur le Président, en prononçant devant vous et à votre place : « Kpatcha fait tout pour en sortir, il n’en sortira pas ». Vous ne l’avez pas rappelé à l’ordre. Il a dit qu’il est allé rendre compte à sa hiérarchie. Sa hiérarchie est composée du Gal Béréna, du Gal Nandja et du chef de l’Etat, chef suprême des armées. Or, on sait que les deux premiers n’étaient pas au courant. Alors est-ce le chef de l’Etat qui lui a confié cette mission ?

La haine, un problème de succession d’Eyadèma et un problème d’héritage sont à la base de tout ça. Kadanga et Massina connaissaient la sentence et la raison de toute cette comédie, c’est qu’on doit déchoir Kpatcha de ses droits civiques et politiques pour qu’il n’ait plus de mandat électif. Il est prévu qu’on doive confisquer tous ses biens pour qu’il ne soit plus généreux, pour qu’il soit dans la misère. « J’espère que votre haute Cour fera autre chose que ce qu’on vous a éventuellement demandé de faire. Les jeunes magistrats dans cette salle et les jeunes avocats veulent avoir des repères. Si vous condamnez Kpatcha Gnassingbé malgré tout ce qui a été dit devant cette cour, vous aurez honte demain », c’est sur ces mots que Me Zeus Ajavon a clôturé sa plaidoirie.

Le deuxième intervenant est Me Botokro. « Si Kpatcha et sa femme avaient été tués, aurait-on parlé de tentative de coup d’Etat ? On voulait écouter Esso Gnassingbé et Towbéli et il fallait débarquer chez Kpatcha nuitamment sans mandat », a déclaré l’avocat. Il a évoqué les problèmes de procédure et fait allusion aux communiqués du procureur qui dès le départ était incompétent, selon lui. Il n’a pas compris, anomalie de taille, toujours selon lui, qu’on puisse interroger le principal prévenu et le garder dans un lieu non qualifié. Toujours sur le fond et concernant la preuve, il relève qu’on a empêché les avocats d’avoir accès à Bawa Zack. Selon lui, la résolution d’agir n’existe pas et les preuves obtenues par manipulation sont irrecevables ainsi que la requalification des faits. Le Général Tidjani n’était plus avec Kpatcha depuis 2008 et le contenu de la clé USB n’explique pas grand-chose.

« Est-ce normal qu’on garde des gens pendant plus de deux ans et qu’on en libère 23 aujourd’hui ? Tout cela montre le peu de sérieux qu’on a mis dans cette affaire. Kpatcha n’a pas eu à nous dire au cours de notre rencontre que les armes trouvées chez lui sont celles de 2005. Il nous a respectés et n’a pas voulu nous faire l’affront de nous le dire », a déclaré Me Botokro. Il a évoqué la CVJR qui est à pied d’œuvre en ce moment et demande la relaxe pure et simple de leurs clients.

Pour Me Abi Tchessa, « nous avons frémi à la réquisition de l’avocat général. Souffrez que je déplore qu’il n’y a pas eu de vrais procès. Le vrai procès, c’est celui des tortionnaires de l’ANR. Ils sont trop puissants pour être jugés. L’autre procès, c’est également celui de ceux qui ont été tués dans la nuit du 12 avril, qui eux, n’ont pas droit au procès. Est-ce que votre cour sera suffisamment héroïque pour faire un procès juste, équitable, libre ? », s’est interrogé Me Abi Tchessa. Il fera remarquer que tout au long du procès, il n’y a pas eu démonstration des faits. Pour lui, on ne s’est contenté que de requalifier les faits. Selon l’avocat de la défense, après l’abolition de la peine de mort, la condamnation à perpétuité c’est encore la peine de mort, car dans nos prisons il y a des prisonniers qui croupissent depuis 40 ans, parce que condamnés à perpétuité. Vous n’allez pas éteindre Kpatcha, a-t-il insisté.

Me Abi n’a pas manqué de souligner l’importance de la défense. « Vous avez demandé vendredi une requalification et vous n’avez pas voulu donner le temps aux avocats pour plaider. C’est difficilement que vous avez accordé ce report. On juge au Togo sur des rumeurs. Ne jugez pas sur des rumeurs ! », a-t-il jeté à la figure du ministère public et des juges. Il a lancé un appel pathétique pour terminer en direction de la justice togolaise parlant de son client Kassiki, victime de requalification des faits : « Kassiki Esso est un transitaire. Selon les textes en vigueur, la condamnation d’un transitaire à une peine de prison l’empêche de continuer à exercer. Je requiers pour lui l’acquittement ».

Me Adjaré Kpandé prenant la relève s’est inspiré de l’affaire Dreyfus en France. Il est revenu sur le cas de son client, le Gal Tidjani dont il s’est rappelé la fouille ordonnée pour son véhicule à Cotonou en février 2007, lorsqu’il se rendait au Nigeria, une fouille pour trouver des armes et qui n’avait rien donné. « Depuis juillet 2008, Kpatcha et Tidjani ne se sont plus vus. Cette histoire de manuscrit n’a rien à voir avec le cas dont il est traité aujourd’hui. On a soupçonné entre autres, le Gal Tidjani de nourrir une haine contre Faure Gnassingbé. Il l’a réfuté. Le manque de courage d’un magistrat peut conduire à une erreur judiciaire. J’invite la cour à dire le droit », a-t-il lancé.

Me Afangbédji, a pour sa part lancé d’entrée, un appel à une union sacrée des hommes de loi pour dire non à l’ANR, à la détention arbitraire des prévenus dans ses locaux. Il a insisté sur les tortures dont ils ont été victimes malgré le fait que le Togo ait ratifié les textes contre la torture. Il a tenu à rappeler le cas d’un officier mauritanien condamné à 10 ans de réclusion criminelle du fait de la torture commise dans son pays. Il était en stage en France et on n’a pas raté l’occasion de le poursuivre, dès qu’il y a eu plainte des victimes.

Il est revenu en détail sur les différents cas de torture pratiqués à l’ANR et a rappelé que, bien que les ONG de défense des droits de l’Homme eussent saisi le chef de l’Etat par courrier, il ne s’est pas empêché de décorer le Lt-colonel Massina Yotroféi. Me Afangbédji a lancé un appel à une enquête immédiate sur les tortures à l’ANR. « Tout détenu est présumé innocent, jusqu’à ce qu’il soit entendu et inculpé par une juridiction compétence », a rappelé l’avocat. Il a évoqué l’écoute des communications par laquelle plusieurs clients ont été arrêtés. On se rappelle que le Capitaine Baoubadi avait appelé plusieurs de ses collègues dans la nuit du 12 avril pour savoir ce qui se passait chez le député Kpatcha.

« La justice répare difficilement ses erreurs. Il ne faut pas tenir compte des aveux obtenus des différentes formes de torture. Je demande qu’on diligente une enquête pour le contrôle de la santé de nos clients et qu’on mette les prévenus en liberté provisoire », a-t-il conclu.

Pour Me Sokpo Jonas, « malheur au juge inique ! », c’est ainsi qu’il s’est annoncé. « Peu avant les événements de 2009, à l’un des conseils des ministres, le chef de l’Etat avait instruit de mettre en place un comité interministériel devant travailler en vue de bonnes conditions de détention des détenus et d’un bon traitement », a-t-il rappelé en faisant allusion au fait qu’il cautionne à l’ANR. Il a déclaré que l’avocat général se complaît dans une paresse notoire et la présence de ses clients dans le box est une honte, parce qu’il avait dit qu’il fallait ratisser large. Et voilà qu’il en libère 23 après avoir ratissé large, jusqu’aux innocents, parce que les charges pour lesquelles ils sont poursuivis n’existent pas.

Au Togo, il y a un « délit de mécontentement », a dit Me Sokpo avec une pointe d’ironie, allusion au cas du Gal Tidjani et de Didier Laré par exemple. « Lorsque vous avez peur de dire le droit, vous amenez des innocents en prison. Merci, monsieur l’avocat général, d’avoir déclaré que les charges retenues contre les 23 clients ne sont pas suffisantes, mais vous n’êtes pas allé loin, ce n’est pas bien. Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez jamais un début de commencement et vous êtes allé à l’article 230 du code pénal. L’intention criminelle et la résolution criminelle n’existent pas », a déclaré l’avocat.

Pour Me Sokpo, il faut mettre fin dans notre pays aux coups d’Etat imaginaires qui permettent à des officiers d’avoir des galons, et à des civils d’avoir des promotions. La fragilité des éléments retenus pour dire qu’il y a eu complot, est ridicule, selon lui. « L’article 235 parle de l’exemption et on ne saurait lire l’article 230 du code pénal sans lire l’article 235. Un projet n’est pas un crime. Une intention n’est pas un crime ».

Pour l’avocat, ceux qui ont monté ce dossier sont médiocres. Ils savent qu’ils ne peuvent plus faire jouer la flagrance et c’est pourquoi ils n’ont pas levé l’immunité parlementaire, car s’il devrait être tenu compte de la flagrance, on devrait lever l’immunité et juger rapidement. On a abandonné le flagrant délit. La simple résolution d’agir, selon Me Sokpo, ne suffit pas. La loi exige que la résolution d’agir soit prise.

« Je voudrais dire haut et fort, que le refus d’auditionner Bawa et le refus de certains témoins de répondre à certaines questions, tout cela fait que les conditions de ce procès sont scandaleuses. J’ai constaté que le Président de l’Assemblée nationale a fait preuve d’une lâcheté coupable », a fait remarquer l’avocat. On ne condamne pas un député dont l’immunité n’est pas levée, des citoyens qui ont été torturés, des citoyens détenus à l’ANR, etc, voilà autant d’anomalies qu’a tenu à relever Me Sokpo. « Votre mission, monsieur le Président, n’est pas faire plaisir à quelqu’un, mais de dire le droit. Dieu a proposé, ne disposez pas ! », a averti l’avocat dans sa plaidoirie.

Me Attoh-Mensah s’est élevé contre le rejet des exceptions d’inconstitutionnalité. « On ne joint jamais au fond les cas soumis au président et qui les a balayés du revers de la main. L’avocat général avait parlé d’absence de preuve, lorsqu’on parlait de torture. Il faut qu’il comprenne que, lorsqu’on évoque l’absence de preuve pour les autres, quand son tour viendra, on ne trouvera pas de preuve pour soi. Le Togo n’est pas le Bénin et tous les pays n’ont pas la même histoire. Au Bénin, le fils n’a pas succédé au père. », a fait remarquer l’avocat à l’intention du zélé Me Archange Dossou.

Il a condamné l’absence de lien entre la consommation d’alcool, de la cigarette et la compagnie des femmes qui a été la grande préoccupation de l’avocat général, Missité Komlan, avec le coup d’Etat. Selon Me Sokpo, si l’amour pour ces trois éléments peut être constitutif de complot, alors beaucoup de Togolais risquent de se retrouver en prison. Il a invité la Cour présidée par M. Pétchélébia, à se garder d’ajouter le mal au mal. Il l’a averti en ces termes : « Sachez que lorsque vous quitterez cette salle, les bras de cette balance vous tisseront des couronnes de gloire, parce que vous n’aurez pas cautionné ce que l’on vous demande ».

Me Amékoudji : pour lui, il s’agit des problèmes d’héritage et ces problèmes se sont mués en problèmes de coup d’Etat. Il a évoqué un certain nombre de légèretés parmi lesquelles, des documents non scellés comme la clé USB présentée à l’audience. Dans des cas pareils, on devrait annuler la procédure. Titikpina et Kadanga se sont réfugiés derrière la raison d’Etat et le secret défense. « Monsieur le Président, vous auriez pu ramener Kadanga à l’ordre et lui demander de retirer ses mots », a fait observer Me Amékoudji. « C’est le propre du Togolais qui, une fois qu’il voit un militaire, un policier, un gendarme, a peur », a renchéri l’avocat. Il a remis un CD au président de la Cour pour qu’il puisse voir comment les choses se sont passées chez Kpatcha. Il a exhorté à la libération des détenus.

Me Apévon Dodji : Pour lui, le Togo souffre des moyens de dévolution du pouvoir. Il a rappelé les événements de 2005 et le coup d’Etat qui s’en était suivi. Si à la mort d’Eyadèma, on avait prédit à Kpatcha et Tidjani qu’aujourd’hui, eux qui avaient voulu que Faure prenne le pouvoir seraient dans cette situation, ils riraient au nez de celui-là qui l’aurait prédit. Il a souhaité que ces événements servent de leçons à beaucoup d’autres. Il s’est rappelé le cas du Gal Séyi Mémène tout-puissant ministre de l’intérieur, qui n’avait pas voulu qu’un ancien fonctionnaire de la CNCA leur payât des honoraires. Il était jeune avocat stagiaire. Quelques années plus tard, il sera confronté à une affaire, dit-il, cousue de fil blanc, dans laquelle il sera arrêté. C’était le même cabinet d’avocat de Me Agboyibo auquel il fera appel pour sa propre défense.

Il sera très embarrassé à sa vue. Plus tard, l’affaire Agboyibo surviendra et c’était le même juge Pétchélébia, qui dans l’arbitraire, condamnera Me Agboyibo. Il a profité pour lancer un appel au président de la Cour suprême pour se rattraper cette fois-ci. Et de dénoncer que 7 personnes puissent faire un coup d’Etat dans un pays fortement militarisé. Ce n’est pas possible, a-t-il lancé. Il a dénoncé le comportement de Kadanga qui a osé dire que Kpatcha ne s’en sortira pas. « Nous tous qui sommes ici, nous voulons que votre sentence nous démente. Les fils d’Eyadèma doivent se réconcilier pour le bien de la nation », a lancé Me Apévon en guise de conclusion.

Me Djovi Gally : Son intervention s’est articulée en trois points : les droits de la défenses malmenés dès le début ; un procès qui est un drame ; et Kpatcha d’aujourd’hui pas le même qu’hier. Il s’est rappelé les comportements du procureur Bakaï qui a joué un mauvais rôle dans l’affaire de constitution d’avocat pour Kpatcha. « Dieu merci, il est remis à la disposition du ministère de la fonction publique. C’est une œuvre de salut public », a-t-il fait remarquer ironiquement.

Aucun témoin cité par la défense n’est venu ; Bawa, Béréna, Nandja, et Bitinéwé (pour l’affaire Adjinon Kossi). La cour n’a fait aucun effort pour qu’on puisse les entendre et c’est très grave. Et ce qui est plus grave encore, nous avons cité Massina et tous ceux qui s’adonnent à cette pratique de torture. Tout cela c’est la violation du droit de la défense. Me Gally a dit faire partie de ceux qui oeuvrent pour que le Togo soit membre permanent du Conseil de sécurité. « Quelle n’a été ma honte, lorsqu’un ami depuis Genève, membre d’une importante organisation, m’a appelé dernièrement pour me dire que le Togo ne peut pas être inscrit, car il pratique la torture ».
Ce procès est un drame. Et ce drame est né en 2005 avec l’allégeance faite à Faure Gnassingbé. Il trouve qu’il est pratiquement inutile de condamner Kpatcha.

En guise de conclusion, pour Me Gally, ce drame ne peut pas être réglé par une condamnation. Il a fait allusion à la journée du 11 septembre où dans le monde entier, les églises catholiques ont parlé de PARDON. Ce drame ne relève pas de la justice, car quelle que soit l’issue du procès, le drame restera. Pour Me Gally, le drame finira le jour où Kpatcha et Faure se parleront face à face, les yeux dans les yeux. Ce jour-là, a-t-il dit, vous et nous ne serons pas là.

Le dernier intervenant a été l’invité-surprise, Me Mario Stasi. Il aura donné une plus grande solennité à la sixième journée du procès. « Je suis atterré. Je déplore qu’il existe ici encore un univers tortionnaire. Notre rôle à nous les avocats, c’est d’être des veilleurs du droit. Au cours d’un procès, il n’est pas possible de requalifier une accusation. Si c’est le cas, c’est qu’on cherche à sauver un procès qui se perd. Il n’y a pas de partie civile recevable dans ce genre d’affaire. La constitution de partie civile en cette matière est irrecevable. Je suis heureux que cette partie civile soit là», a dit Me Stasi.

Il dit avoir été choisi pour défendre Kpatcha Gnassingbé et a reçu un permis de communiquer, mais c’est difficilement qu’il aura réussi à le voir. Il a lu l’article 16 de la constitution togolaise et s’est référé à d’autres articles relatifs au sujet ailleurs. Il a déploré qu’on n’ait pas été en mesure d’observer ce que dit l’article de notre propre constitution. Et il s’est posé la question : « qu’est-ce qui explique cela ? ».

La défense a été négligée, l’immunité parlementaire n’a pas été levée. Il a lu devant la Cour les textes togolais y relatifs. Il a lu le communiqué du procureur Robert Bakaï et un deuxième communiqué du président de la république. Ni dans le premier, ni dans le deuxième, il n’y a pas flagrant délit. Et de faire remarquer : « Qu’il y ait flagrant délit ou non, la levée de l’immunité parlementaire s’impose ». Me Stasi a lu à la Cour les cas dans lesquels elle doit être levée. Il ne suffit pas seulement d’informer le président de l’Assemblée de l’arrestation du député. Il faut lever l’immunité. Et nulle part, il n’y a flagrance, a-t-il martelé.

La haute juridiction du pays qui est l’Assemblée nationale viole les textes constitutionnels, a relevé Me Stasi. « L’immunité parlementaire a-t-elle été levée ? Non ! Le flagrant délit existe-t-il ? Non ! La demande de requalification, si c’est le cas, on rouvre le débat, ce qui n’a pas été fait ! L’atteinte à la sécurité de l’Etat est devenue complot », Voilà le catalogue d’anomalies dressé par Me Stasi et qui est déshonorant pour notre pays.

Par rapport aux activités de la CVJR, il a fait le constat suivant : « Une maison construite sur du sable et non sur du roc ne peut que s’écrouler ». Les dernières paroles sur lesquelles il s’est éclipsé furent celles-ci : « Monsieur le Président, ce pour quoi je plaide, c’est pour votre HONNEUR ! » Puissent ce déplacement in extremis vers le Togo et cet exercice du grand maître du droit qu’est Mario Stasi, inspirer tous les juristes togolais et leur donner l’envie de se dépasser, de vaincre la peur !

Alain SIMOUBA
Mardi, 13 Septembre 2011 20:21 LIBERTE N° 1049