Des miettes d’indemnités pour voler des milliards sur les terres

Traitement des populations des zones minières

Des miettes d’indemnités pour voler des milliards sur les terres

 

Après plusieurs décennies de léthargie, le gouvernement a décidé in extrémis d’agir en faveur des zones minières dont les populations sont malheureusement laissés pour compte malgré les richesses de leur sous sol. Le ministre des Mines et de l’Energie, Dammipi Noupokou et sa collègue du Développement à la base, Victoire Dogbé-Tomégah, ont procédé samedi dernier à Dagbati, localité située au Nord-Est de Lomé, au lancement des travaux d’électrification et d’extension du réseau à Agbodrafo et Hahotoé. Faisant d’une pierre deux coups, le ministre Noupokou a également procédé au paiement aux habitants d’une première tranche de 100 millions de Fcfa, due au titre des arriérés de location des terres par l’Office togolais des phosphates (OTP). 400 personnes sur 4.430 sont concernées par cette indemnisation. Cette première tranche de 100 millions de Fcfa sera versée sur un montant total d’arriérés estimé à 483 millions.

« Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue mais le jour vient » Ce diction illustre bien la durée de l’attente dont ont fait preuve les populations riveraines des zones minières des phosphates dans les préfectures de Vo et des Lacs qui vont pousser un ouf de soulagement. Le gouvernement togolais, après moult tergiversations est entré en action la semaine dernière, sous la pression.

Ainsi les riverains des zones minières de Dagbati et de Hahotoé ont reçu la première tranche d’indemnisation relative à la location des terres à la société exploitant le phosphate, l’Office togolais des phosphates (OTP) dont la dénomination actuelle est la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT). Ils vont également bénéficier de l’électricité, denrée qui leur a cruellement manqué depuis la création de cette société il y a des décennies alors que des milliards de FCFA sont comptés par mois comme recettes provenant de l’exploitation des phosphates depuis le règne de Gnassingbé père jusqu’au fils.

Le ministre Noupokou à Dagbati : une visite trompe-l’œil

« Le gouvernement est résolument déterminé à faire sortir les habitants des régions minières de la pauvreté. Cette visite s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de projets sociaux dans cette région. Il y a tout d’abord le volet d’électrification des localités de Dagbati, Nyita et du lycée d’Akoumapé et à l’extension du réseau électrique d’Agbodrafo et de Hahotoé; il y a ensuite la construction de salles de classe et, enfin, le paiement aux habitants d’une première tranche de 100 millions de Fcfa, due au titre des arriérés de location des terres par l’Office togolais des phosphates (OTP). Le solde des 483 millions sera versé fin décembre et au début de l’année prochaine… Le projet répond à l’une des promesses de campagne du président Faure Gnassingbé qui s’était engagé à améliorer les conditions de vie des populations des zones minières.». C’est en ces termes que le ministre déclinait l’objet de sa visite dans cette localité. Une visite pleine d’hypocrisie si l’on fait un décryptage de son message. Le peuple togolais se souvient encore des manifestations qui ont eu lieu en début d’année dans les localités riveraines du site d’exploitation des phosphates. Des marches de protestation contre les conditions de vie précaires ont été étouffées. La plupart des riverains sont expropriés de leurs terres par le gouvernement depuis des décennies. Face à la pression des populations, le gouvernement a décidé enfin de les restaurer dans leurs droits. Il a ainsi décidé de les indemniser. C’est ce justifie la démarche du ministre dans cette localité. Une simple indemnisation des victimes d’expropriation ne suffit pas pour apaiser les tensions qui secouent ces milieux. L’exploitation des phosphates en engendré des effets néfastes sur les populations telles que des maladies des dents et certaines malformations constatées chez des nouveau-nés. Des dédommagements devraient couvrir normalement les cas de maladies et les déplacés. Outre cela, une commission tripartite composée des membres du gouvernement, populations riveraines et sociétés minières devrait être mise en place pour des raisons de transparence et de respect des normes internationales en matière d’exploitation des ressources minières.

Ce serait vraiment péremptoire pour le gouvernement d’octroyer à son gré des miettes aux populations dont le sous-sol regorge des richesses naturelles. Depuis, 1965, l’Etat a adopté une loi reconnaissant la propriété des terres aux citoyens. Et s’il advenait que des citoyens devraient être dépossédés de leurs terres pour une raison ou une autre, surtout pour découverte de richesses naturelles, un contrat en bonne et due forme devrait être signée avec les principaux concernés. L’immixtion gouvernementale devrait être de second ordre. Mais cela n’est pas le cas chez les propriétaires terriens qui font figure de parents pauvres pendant que les phosphates togolais occupent le deuxième rang africain sur le plan de qualité derrière le Maroc et constituent l’une des principales régies financières du pays.

Le projet d’électrification qui vient d’être lancé en marge de cette indemnisation partielle ne devrait donc pas être vanté par le ministre Dammipi Noupokou. Et de surcroît dire que cela fait partie des promesses électorales du Chef de l’Etat. Les populations riveraines méritent plus que cela, au vu des sommes faramineuses que tire la SNPT de l’exploitation de ce minerai. Le montant prévu pour l’indemnisation et l’électrification ne représentent qu’une portion congrue de la proportion du gâteau qui devrait leur revenir si les règles d’équité étaient respectées.

Mais comme la corruption, l’avidité et la mauvaise gouvernance sont au rendez-vous, la société est gérée de façon cavalière par les Directeurs généraux selon le désidérata des pouvoirs publics au grand dam des riverains.

Le ministre Noukopou interpéllé aussi dans le Yoto

La situation de délaissement qui a perduré dans les zones minières de Hahotoè et de ses environs se vit également dans d’autres régions du pays. C’est le cas à WACEM à Tabligbo. Les complicités des ministres qui se sont succédé au département des Mines et de l’Energie, de même que celles des autorités déconcentrées et décentralisées donnent du fil à retordre aux populations dont le sous-sol regorge du clinker, matière première pour la fabrication du ciment. Non seulement la complicité se remarque vis-à-vis des propriétaires terriens comme c’est le cas pour les phosphates, mais la ville de Tabligbo manque parfois cruellement du ciment pendant que des dizaines de camions étrangers font une queue interminable devant l’usine pour transporter ce produit vers l’extérieur.

Un calvaire que la population de Yoto a du mal à comprendre. Pendant que cette situation de pénurie artificielle de ciments et de délaissement des propriétaires se poursuit, la zone Est de la préfecture de Yoto s’apprête à accueillir une autre usine d’exploitation du calcaire dans les tous prochains mois. Vivement que les autorités impliquent de façon conséquente les autochtones dans les démarches préliminaires avec la société extractive afin que les erreurs sciemment commises dans les autres régions minières ne se répètent plus. Des contrats réunissant les différentes concernées avec au premier chef, les propriétaires terriens, doivent être signés avant le début de l’implantation de cette usine afin que les riverains soient les premiers bénéficiaires des retombées de cette exploitation. Sinon la réédition des erreurs du passé serait une preuve suffisante de la mauvaise foi des gouvernants à ne pas respecter leurs engagements vis-à-vis des populations pour lesquelles ils prétendent travailler pour le bien-être.

En somme si le gouvernement espère relancer la production de phosphates dont la demande est énorme sur le marché international, cela est en soi une bonne chose. Après des années de mauvaise gestion, l’OTP a été liquidée en donnant sa place à une nouvelle société et des investissements lourds sont en cours de réalisation. Les populations qui vivent à proximité des sites miniers doivent bénéficier des dividendes considérables. C’est le fait de déroger à ce principe qui crée des sentiments de frustration au sein de ces populations. Les sociétés ont l’obligation d’être très regardantes envers les habitants de ces zones. Le gouvernement a aussi l’obligation de veiller à ce que les clauses des contrats soient respectées. Sinon après tant d’années d’exploitation des phosphates, ce sont des projets de développement d’envergure impliquant les riverains qui devraient être réalisés. La construction d’un bâtiment scolaire ou l’électrification sont certes de bonnes ouvres mais insuffisantes au regard des bénéfices réalisés.

Jean-Baptiste ATTISSO
L’Indépendant express N° 181 du 13 septembre 2011