Le Mercredi, 28 décembre 2011, les ODDH : l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-TOGO), l’Association Togolaise des Droits de l’Homme (ATDH), l’Association Togolaise pour la Défense et la Promotion des Droits Humains (ATDPDH), le Collectif des Associations Contre l’impunité au Togo (CACIT), la Coalition Togolaise des Défenseurs des Droits de l’Homme (CTDDH), l’association Journalistes pour les Droits de l’Homme (JDHO), la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) et l’association Nouveau Droits de l’Homme (NDH-TOGO), ont tenu à Brother Homé (Ancienne Ecole Professionnelle), un point de presse pour crier leur ras-le-bol quant aux violations récurrentes des Droits de l’Homme au Togo. Voici la déclaration liminaire ayant sanctionné cette conférence de presse :
Une actualité riche en violations des droits de l’homme
Des enlèvements, kidnappings d’étudiants
A LOME
La crise universitaire, qui a déclenché en mai 2011 avec les revendications d’ordre académiques auxquelles se sont ajoutées les questions d’ordre matériel relatives aux conditions d’études et de vie des étudiants, s’est davantage exacerbée.
Dans l’actualité de cette crise, une AG d’information du MEET qui devrait avoir lieu le Mardi, 20 Décembre 2011 a été empêchée. Le Président de ce mouvement d’étudiants, M. ADOU Sébou et Dix (10) autres camarades ont été kidnappés et jetés dans des véhicules banalisés à plaques minéralogiques du Bénin, du Ghana et du Nigéria. Certaines voitures étaient sans immatriculation.
Le Mercredi, 21 Décembre 2011, un sit-in organisé par l’ULEETOD dans le respect des règles régissant les manifestations publiques, a été empêché. Son président, M. APEKOU EDDY et un de ses camarades étudiant ont été arrêtés et jeté dans un véhicule banalisé.
Les ODDH dénoncent ces comportements peu orthodoxes des agents de la sécurité et interpellent instamment les représentations diplomatiques du Bénin, du Ghana et du Nigéria qu’elles tiendront pour responsables solidaires au cas où il sera porté atteinte à l’intégrité physique des citoyens.
A KARA
Dans la nuit du 07 Novembre 2011, les nommés Tchedina Egbare, Nabede Pawoubadi, Lare Kokou Manka, tous étudiants à l’Université de Kara, ont été enlevés nuitamment par des agents de sécurité sous prétexte qu’ils voulaient organiser une Assemblée Générale non autorisée.
Monsieur Hervé Kpatimbi Tyr, enseignant de Commentaire Stylistique en Lettres Modernes en la même Université a été également enlevé à son domicile aux environs de quatorze heures, le vendredi 11 novembre 2011.
Suite à la pression des étudiants qui menaçaient de déclencher un mouvement d’ensemble si leurs camarades et enseignant ne sont pas libérés et après le point de presse organisé par les OSC, ils seront tous mis en liberté le 15 novembre 2011 sans autre forme de procès.
Le Lundi le 26 décembre 2011 vers 20heures, M. AGNITE dit Guillaume Soro, et M. BITSIOUDI dit Colonel BITCH ont été joint par M. BOUKARI Directeur de publication de la presse écrite ‘la Voix de la Kozah’. Ce dernier a adressé une invitation orale au téléphone au nom de l’organe de presse suscité, pour leur poser certaines questions dans un Bar dénommé ‘GOHOU Michel’ dans le quartier Chaminade à Kara. A peine servis dans le Bar en compagnie de BOUKARI, les gendarmes surgissent et mettent la main sur les deux étudiants. En cours de route BITSIOUDI a réussi a s’échapper avec les menottes à la main et l’autre a été amené à la gendarmerie. Soulignons au passage que BITSIOUDI est le Vice-Président de l’UNEET (Union Nationale des Etudiants et Elèves du Togo) et AGNITE le porte parole de l’Association. Au même moment, le Président de l’UNEET, M. ALINKE M’Clawa YVES 4ème Année d’Anglais était arrêté devant son frère dans un Bar au carrefour Tomdè par le Commandant OUADJA Gbandi de la gendarmerie. Plus tard dans la nuit de lundi vers 1 heure du matin le fugitif avec menottes, réussi à retourner dans son quartier pour se mettre à l’abri chez un ami accompagné de M. NAPO Tchein en 4ème Année Gestion et TAMAM Augustine, une étudiante tous deux membres de l’UNEET. Suite à une fouille vandale, les gendarmes ont cassé les portes et arrêté les trois étudiants. Aucun motif ne leur a été signifié, sauf que dans leur fouille, les gendarmes ont laissé entendre qu’ils sont à la recherche des étudiants qui ont cassé à Kara. Les étudiants clament toujours leur innocence.
des bavures militaires récurrentes et impunies.
A AGBODRAFO.
Le mercredi 19 octobre 2011, des informations ont fait état de quelques incidents qui se sont déroulés à Agbodrafo au cours de l’opération de saisis de carburant frelaté effectuée par la police nationale. Le nommé Lawson Hétchéli Laté, vendeur avait été blessé par balle au cours de cette opération.
Tard dans la nuit, un communiqué de la police nationale faisait état d’un acte de dissuasion, d’un agent qui aurait tiré en l’air pour repousser les jeunes qui protestaient pour empêcher le convoiement du carburant saisi par la police.
Après les recoupements des divers témoignages collectés sur place, il a été constate que presque tous les témoignages semblent aller à l’encontre de la version officielle.
Les ODDH s’étonnent que pour une telle opération, des mesures n’avaient pas été prises pour prévenir et/ou gérer des réactions de ce genre de la part des vendeurs, en utilisant des moyens conventionnels autre que la violence armée ou physique.
A ANEHO
Le Samedi, 17 Décembre 2011, sous prétexte qu’ils détenaient du cannabis, des jeunes du quartier DADJI-KOLETO à ANEHO ont été poursuivis par des gendarmes jusqu’à leur dernier retranchement dans la mère. Le nommé Samuel DE MEIDEROS en sortira mort par noyade. Les enquêtes révéleront qu’il ne détenait pas de cannabis.
A KPOGAN
Le Mardi, 27 Décembre 2011 à KPOGAN, des agents de sécurité, dans une course-poursuite en vue de traquer des contrebandier d’essence frelatée, auraient tamponné un conducteur de taxi-moto, le nommé Koffi Nambou. Selon les informations bien recoupées, c’est le commandant de brigade (CB) de Kpogan qui, dans sa traque des contrebandiers, aurait renversé M. Koffi Nambou, alors qu’il allait de Kpogan vers Agbata, deux villages situés après Avépozo.
Le nommé Messan AJETE lui a été blessé par balle suite à un tire à bout portant par le CB. Transporté à l’Hôpital d’Aného et vue la gravité de sa blessure, il suivra une intervention chirurgicale ce matin.
Des propos incendiaires et ethnocentrique du Préfet du Golfe, M. Koffi MELEBOU
En effet, au cours d’une rencontre de sensibilisation organisée le 20 juin 2011 au Palais des Congrès de Lomé par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), le Préfet du Golfe, Monsieur Koffi MELEBOU a tenu publiquement des propos selon lesquels :
« La répression est un facteur de la démocratie. Il n’y a pas plus de répression au Togo qu’en France et ailleurs. »
Les ODDH soussignées estiment qu’en faisant une telle déclaration à de telles périodes peu favorables à la réconciliation nationale et au cours de pareilles rencontres, le Préfet du Golfe vient de porter un coup dur au processus de réconciliation nationale et de démocratisation en cours dans notre pays.
Que, finalement, les populations qui s’inquiétaient déjà pour les répressions sur le campus de Lomé et les suites à donner à ces malheureux incidents, peuvent trouver crédit à croire que tous les propos des plus hautes autorités du pays, pour l’apaisement du climat social ne sont que des leurres.
C’est parce que la démocratie requiert la pratique du dialogue à tous les niveaux aussi bien entre les citoyens, entre les partenaires sociaux, entre les partis politiques, qu’entre l’Etat et la société civile, les ODDH refusent de croire que la répression puisse être un facteur de cette démocratie.
Parce que, dans le souci d’une vie politique apaisée, la démocratie exige des Etats, de prévenir, et le cas échéant régler de manière pacifique, les conflits, les contentieux et les tensions entre groupes politiques et sociaux, en recherchant tout mécanisme et dispositif appropriés, les ODDH réfutent cette thèse inculte et délétère selon laquelle la répression est facteur de la démocratie.
Le Préfet koffi melebou a récidivé
Le Préfet du Golfe a marqué négativement l’année 2011 finissante.
Ce fut à travers une intervention improvisée le jeudi, 22 Décembre 2011, à Aflao Sagbado, au cours de la cérémonie lançant le projet de renforcement et d’extension du réseau électrique de la CEET.
Il a déclaré : « La dernière fois, des gens se sont permis de détruire des biens dans la ville de Kara. Et ils se sont levés, ils ont mis les tamtams, les radios, les télévisions et ils dansent que oui désormais à Kara aussi on casse. Justement, nous savons ceux qui ont cassé. Kara est un village, on se connaît et on les retrouvera, ils vont reconstruire ça c’est clair et net. Les étudiant natifs de Kara continuent de nous appeler pour nous dire qu’ils regrettent, qu’ils ne savaient pas que c’est comme ça que ça allait se passer parce que eux, personne n’a cassé une seule ampoule dans la ville de Kara ».
Il poursuit au regard des « images, que ce n’est pas les enfants natifs de la ville de Kara » mais plutôt des enfants qu’on a envoyés à Kara parce que l’UK produit de bons résultats, « qui ont exporté les mauvaises habitudes de la capitale à Kara ».
Il conclura : « Nous nous préparons pour faire face à tous ceux qui tentent de détruire le pays ».
Ces propos sont d’une anticonstitutionnalité inégalable : Article 48, alinéas 3 et 4 de la Constitution du 14 Octobre 1992:
« Tout citoyen a l’obligation de préserver l’intérêt national, l’ordre social, la paix et la cohésion nationale.
Tout acte ou toute manifestation à caractère raciste, régionaliste, xénophobe sont punis par la loi ».
Les oddh soutiennent et font leur le rapport de la LTDH
A la suite de Maître Raphael Kpande-Adzare, Président de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) qui est largement revenu sur la situation de ces derniers jours qui dénote du malaise général qui secoue notre pays avec en toile de fond la violation systématique des droits de l’homme : l’arrestation des leaders estudiantins et l’usage d’arme à feu pour une banale histoire d’essence frelatée donne raison au dernier au rapport thématique 2011 de la LTDH publié le 12 décembre dernier. Vous l’auriez compris, il m’a été demandé vue la gravité de la situation de revenir sur certains pans de ce rapport pour rappeler à chacun que le Togo va mal en matière de respect des droits de l’homme. Et donc, c’est l’occasion de remercier et de féliciter encore l’équipe de la LTDH pour le travail abattu.
Malgré le tapage médiatique sur les plans national et international par les autorités togolaises pour traiter de tous les noms le rapport de la LTDH et le dernier communiqué de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) qui va dans le même sens que le gouvernement, ce rapport est crédible et décrit clairement la situation. A ce jour aucune personnalité du pays n’a pu relever un seul cas dans ce rapport qui ne soit pas vérifié et vérifiable.
Je voudrais ouvrir une petite brèche sur la HAAC pour dire que l’article 1er de la loi organique sur cette institution est bien clair. Elle est une institution indépendante vis-à-vis des autorités administratives, de tout pouvoir politique, de tout parti politique, de toute association et de tout groupe de pression. La HAAC, vous le savez, contrairement à ce que dit la loi est hautement politique et est dirigée aujourd’hui par un baron du parti au pouvoir et ceci en violation de la loi.
Nous sommes quand même surpris que dans une déclaration rendue publique le 26 décembre dernier, la HAAC ose affirmer qu’elle œuvre pour le respect de l’équité et de la légalité dans sa mission de régulation de la presse en vue de l’instauration d’un paysage médiatique soucieux de la cohésion nationale, alors que des journalistes jugés critiques à l’endroit du pouvoir font régulièrement l’objet de convocation, d’intimidation et d’insultes de la part de cette institution censée revêtir de nobles garanties de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.
Nous tenons à rappeler que la HAAC au lieu de protéger la profession à tendance à la museler. On en veut en outre pour preuve les dernières convocations de cette dernière à l’endroit de certains responsables de médias, des rencontres qui sont en réalités de véritables tribunes d’insultes et d’invectives où les professionnels des médias sont traités de tous les noms d’oiseaux, où il est rappelé à certains qu’ils ne sont pas togolais et n’ont aucun droit d’exercer leur métier au Togo. La HAAC a cautionné par son silence la fermeture illégale des radios par un organe de régulation qui n’en a pas la compétence. A ce jour radio X-SOLAIRE est toujours fermée sans motif valable.
Le rapport de 40 pages de la Ligue a étayé, preuve à l’appui, les cas récurrents de violations des droits humains, notamment le droit à la vie comme notre constitution le consacre en son article 13 alinéa 2 qui dispose que nul ne peut être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie. Nous citerons juste le cas du sieur Kokou Tanco Konou qui décède le mercredi 09 février 2011 dans les cellules de la brigade anti gang 48 heures après son arrestation et dans des conditions jusqu’alors non encore élucidées. A ce jour aucune enquête n’a été ouverte comme l’a demandé la LTDH le 28 février 2011 en saisissant la ministre des droits de l’homme, celui de la justice, le ministre de la sécurité avec ampliation au premier ministre, chef gouvernement.
Nous vous faisons économie des cas Gaston Vidada et des séries de meurtres commis sur plus d’une dizaine de jeunes filles dans les quartiers Agoè et Awatamé.
Sur le chapitre des arrestations et détention arbitraires et abusives, la liberté individuelle en matière de procédure pénale est soumise à rudes épreuves et la situation devient de plus en plus inquiétante au fil des jours. L’article 15 de notre constitution le dit si clairement : nul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu. Quiconque est arrêté sans base légale ou détenu au-delà du délai de garde à vue peut, sur sa requête ou sur celle de tout intéressé, saisir l’autorité judiciaire désignée à cet effet par la loi. Nous nous rappelons certainement de la rafle du 22 octobre 2011 dans le quartier Akodessewa où 19 personnes ont été arbitrairement arrêtées, un cas qui illustre bien le non respect du délai de garde à vue par les officiers de la police judiciaire. Ils ont eu à passer deux jours au capitole à la sûreté et six jours à la direction centrale de la police judiciaire. A tous ces niveaux aucune charge ne leur a été notifiée. Ils ont été déférés et déposés à la prison civile de Lomé sans avoir même signé de procès verbaux.
Vous savez aussi que sur le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements inhumains cruels, inhumains ou dégradants nous sommes loin du rêve. L’agence nationale de renseignements a été épinglée tout au long de cette année comme un centre de la torture par excellence notamment dans le dossier de l’atteinte contre la sûreté de l’état, le dossier Bertin Agba, ou encore le dossier des militants de sursaut Togo où des citoyens ont été torturés contrairement là a convention contre la torture que notre pays a signée. Pire le directeur général de cette agence sous les feux des critiques à été décoré par le chef de l’Etat au grand croix de mérite pour dit on des services rendus à la nation.
Pour ce qui concerne un droit non des moindres, celui à un procès équitable, là encore vous savez qu’il est constamment violé dans notre pays. Et pourtant la charte africaine des droits de l’homme et des peuples à laquelle le Togo est partie dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit fait référence au droit à la présomption d’innocence et le droit à la défense. On peut citer à ce niveau, le dossier d’atteinte contre la sûreté de l’état où la plupart des prévenus, détenus au secret à l’ANR, ont été privés d’avocats et une fois que les avocats ont été constitués, ils ont été empêcher de travailler sereinement avec les prévenus, avant qu’ils ne soient jugés, ils étaient privés de leurs salaires, les comptes de la plupart d’entre eux sont bloqués en méconnaissance de la présomption d’innocence.
En avril 2005, les nommés da Silveira Hermes Woamédé, l’adjudant Kpakpo Kodjo, le sergent Akakpo Koami, le sergent Folly Kodjo, le caporal Amétépé et Tudzi Kossi ont été interpellés et poursuivis pour atteinte contre la sûreté intérieure de l’état. La LTDH, par deux reprises avait rencontré le chef de l’état qui a estimé à l’époque que ce dossier devra être confié au conseil supérieur des militaires une fois mis en place. Depuis lors rien n’est fait et après plus de 06 ans de détention, les prévenus encore présumés innocents croupissent toujours à la prison civile de Lomé.
Pour les cas Sama Essomhamlon le DG de redemarre et Sow Bertin Agba le DG d’OPS Security vous en savez quelque chose.
La liberté de circulation et je vais en terminer là, est un droit garantie par le déclaration universelle des droits de l’homme et la constitution togolaise en son article 22 alinéa 1er, tout citoyen togolais a le droit de circuler librement et de s’établir sur le territoire national à tout point de son choix dans les conditions définies par la loi ou la coutume locale. A ce niveau on peut relever le retrait, la confiscation et la rétention par l’ANR des passeports et documents de voyage de dame Hunt Sokee Akou Miranda, épouse Kpatcha Gnassingbé, dame Attissou Afiavi, épouse Agba et de monsieur Abalo Cyrille Agba frère cadet de monsieur Agba Sow Bertin et ce en violation flagrante du principe de la personnalité des délits et des crimes.
Point n’est besoin de s’éterniser sur le cas du président de l’ANC, monsieur jean pierre qui le jeudi 30 juin 2011, alors qu’il a réussi à sortir de sa maison à pied, il sera rattrapé par les agents de sécurité à la hauteur de l’hôtel palm Beach où il essuiera des gaz lacrymogènes tirés à bout portant sur sa personne. La vidéo de cet incident a fait le tour du monde.
A ce jour la situation de notre pays n’est reluisante, elle est même préoccupante et grave. Au lieu que les autorités s’évertuent à crier sur les médias que le rapport de la LTDH n’est pas crédible, elles feraient mieux de s’atteler à garantir plus de droit aux citoyens.
Au-delà tout, les droits de l’homme de par leur universalité, leur indivisibilité tous les citoyens quelques soit son rang, son appartenance autres est appelé à œuvrer pour le respect de tous les droits de tous les hommes car chacun d’entre nous peut malheureusement y passer actuellement au Togo (soit par la torture, la détention arbitraire, un procès téléguidé, un kidnapping, un refus de circuler et j’en passe).
Saddam Hussein au top de sa gloire a refusé de faire abolir la peine de mort, il était certainement à milles lieux de s’imaginer qu’il en serait lui-même victime.
Œuvrons chacun pour le respect, la promotion et la protection des droits humains.
L’impunité est érigée en règle
La culture de l’impunité semble faire école au Togo. Deux exemples typiques sont à relever cette année.
Le premier est la décoration du Colonel MASSINA Yotroféi, principalement cité et de manière récurrente dans les cas de torture à l’ANR par le Chef de l’Etat au Grand Croix de Mérite pour des « services rendus à la nation ». Cette décoration tombait au moment où les ODDH dénonçaient avec insistance des pratiques de torture et appelaient les plus hautes autorités du pays à prendre les mesures idoines en vue de mettre fin à ces pratiques et de sanctionner les auteurs.
Le second exemple est lié au déroulement des audiences publiques de la CVJR. Cette institution a pour mission de faire la lumière sur les violences à caractère politique qui ont émaillé notre de 1958 à 2005. Elle a privilégié trois types d’audiences : les audiences privées, les audiences publiques et les audiences in-camera. Le processus des dépositions, débuté quelques mois après l’installation officielle de la CVJR en Mai 2010, a enregistré plus de Vingt Mille (20.000) plaintes et témoignages.
Les activités de la CVJR sur le terrain ont commencé avec la phase des dépositions qui a été suivie par l’organisation des audiences publiques officiellement démarrées le 07 Septembre 2011 à Lomé.
Au troisième jour des audiences publiques à Lomé, l’opinion nationale et internationale a assisté à une scène plus que surprenante et sujette à toutes les interrogations. Faisant suite aux allégations du Premier Ministre d’alors, Me Joseph Kokou KOFFIGOH, concernant les événements malheureux de la lagune de Bè et l’attaque de la Primature en 1991 mettant en cause les FAT, celles-ci usant devant la Commission de leur droit de réponse de manière virulente, ont nié toute leur responsabilité dans les événements suscités.
Après l’étape de Lomé, la CVJR a ouvert les audiences publiques dans la région des Savanes. Mais là aussi, un ancien ministre du gouvernement et actuel président de la Commission de Privatisation des banques de l’Etat togolais en la personne de OKOULOU Kantchati, a jeté le pavé dans ce processus, menaçant de traduire devant les tribunaux tous ceux qui ont fait des dépositions impliquant sa responsabilité dans les actes de violences à Mango en 2005. Il y a lieu de rappeler toute la confidentialité qui devrait caractériser ces dépositions.
Après les régions des Savanes, Kara et Centrale, ce fut le tour des Plateaux avec point de chute, la « ville martyre » d’Atakpamé. Là encore, le Major KOULOUM, une des personnes les plus citées dans les violences de 2005 ayant entraîné des dizaines de morts dans cette ville, a balayé d’un revers de la main toutes les accusations portées contre lui, menaçant de porter plainte pour diffamation et demander Deux Millions (2.000.000) de F CFA à titre de réparation.
Bien des cas dont nous faisons ici l’économie montrent à satiété, non seulement l’implication des proches du pouvoir dans beaucoup d’actes de violations manifestes des Droits de l’Homme, mais encore et surtout l’armée togolaise, l’appareil répressif du régime, entraînée et domestiquée à ces fins.
Les derniers jours des audiences à Lomé n’ont pas pu combler les attentes. En effet, les événements du Fréau Jardin en 1993 ou ceux des élections de 2005 malgré qu’ils aient fait témoigner de grands ténors de la politique togolaise, n’ont guère emporté conviction.
La LTDH tire la conclusion que ce processus n’a pas été participatif et n’a pas eu l’adhésion populaire. En plus l’établissement de la vérité et la responsabilité des coupables semblent ne pas être atteints comme objectif.
Sur le plan économique, le pillage systématique des biens de l’Etat par un groupuscule de personnes pendant des décennies a fait basculer le pays dans un processus d’endettement qui culmine avec l’admission du Togo à l’initiative des Pays Pauvres très Endettés (PPTE).
Les grandes sociétés d’Etat qui constituent le poumon économique du pays (le Port Autonome de Lomé, la SNPT, TOGO TELECOM, TOGOCEL, la Douane togolaise, la LONATO, la DGI) sont contrôlées par des proches du régime de façon clanique, dans une opacité totale, et malgré les multiples échos qui font état de pratiques non conformes aux règles de l’orthodoxie financières, aucune action concrète n’a été entreprise ni de l’autorité politique, ni de l’autorité judiciaire en vue de mettre fin à cette hémorragie qui saigne à blanc l’économie nationale : l’impunité économique s’installe en grande place à côté de l’impunité politique et tend même la supplanter.
Pour preuve, le procès Kpatcha Gnassingbé a révélé que la bagatelle somme de vingt neuf (29) milliards a été décaissée d’une société d’Etat pour soutenir le candidat du parti au pouvoir lors de la présidentielle de 2010.
L’indépendance de la Justice mise à rude épreuve : la justice est instrumentalisée
L’article 7 de la CADHP dispose sur le procès équitable que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ». Ce droit comprend entre autres « le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente », et « le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».
Le droit à un procès équitable renvoie donc au droit d’accès à la justice, au droit à la présomption d’innocence, au droit à la défense y compris celui de se faire assister par un conseil de son choix, au droit de comparaître devant une juridiction qui présente des garanties réelles d’indépendance et d’impartialité, au droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Trois, voire quatre de ces droits fondamentaux seulement retiendront notre attention. Il s’agit du droit à la défense, du droit de comparaître devant une juridiction indépendante et impartiale et du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Deux affaires ont à suffisance illustré en cette année 2011 la méconnaissance des règles du procès équitable : l’affaire KPATCHA GNASSINGBE et autres et l’affaire des 9 députés de l’ANC.
Dans l’affaire KPATCHA, la plupart des prévenus, d’ailleurs détenus au secret dans les locaux de l’ANR, ont été privés d’Avocats par dissuasion sous prétexte que le différend se règlerait en famille, ceci malgré les demandes persistantes, expresses et renouvelées des détenus à solliciter les services d’un Avocat. Et lorsque finalement ils en ont constitué un, tout était mis en œuvre pour empêcher ce dernier de travailler sereinement avec les prévenus.
De plus, avant que les prévenus ne soient jugés, ils étaient privés de leurs salaires, les comptes bancaires de la plupart d’entre eux bloqués, en méconnaissance de la présomption d’innocence.
D’autre part, on a vu au cours de ce procès, « une justice s’aplatir dangereusement, lâchement et grossièrement devant les galons de la hiérarchie militaire ».
D’abord, aucun des témoins que la défense a demandés à la Cour de citer, en vue de faire des confrontations sur les cris douloureux de torture, n’a daigné comparaître.
Ensuite, les témoins cités par l’accusation, notamment le Général TITIKPINA, le Colonel KADANGA, se sont abrités derrière le fameux « secret défense ou raison d’Etat » pour refuser de répondre aux questions des Avocats destinées à la manifestation de la vérité.
Enfin et plus grave encore, devant la Cour, l’un des témoins, en l’occurrence le Colonel KADANGA, a laissé entendre violemment à la Cour : « KPATCHA est un gros menteur. Il ment pour sortir. Il ne sortira pas. »
La Cour Suprême du Togo qui n’a pas réagi contre cette intervention intempestive et alors que les Avocats de la défense n’avaient pas épuisé leurs questions, a tout simplement demandé au Colonel KADANGA de se retirer.
Les droits de la défense impliquent absolument le droit d’être entendu. Ce dernier signifie que sous réserve des cas où la loi en a disposé autrement, le principe des droits de la défense suppose qu’une mesure individuelle d’une certaine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peut être prise par une autorité administrative ou judiciaire sans entendre au préalable la personne qui est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure, sauf si cette dernière constitue par nature une mesure de police.
L’affaire des 09 députés a été encore plus retentissante car elle a été connue de la Cour de Justice de la CEDEAO. Cette décision mentionne la violation du droit d’être entendu non sans avoir relevé les dispositions de l’article 10 de la DUDH et celles de l’article 7 de la CADHP, et de conclure que « dans les circonstances de l’espèce, la Cour conclut à la violation de la part du Togo, du droit des requérants à être entendu » « et que les requérants ont été privés d’un droit fondamental de l’Homme qui est le droit à un procès équitable ».
Cette décision, avant tout, montre la partialité dont fait montre la Cour Constitutionnelle du Togo. Celle-ci avait approuvé la prétendue démission des députés. La LTDH avait à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle souligné la partialité de cette institution27 et a rappelé le caractère non impératif du mandat parlementaire.
Enfin et pour une fois, un député encore en fonction a été jugé sans que son immunité ait été préalablement levée, et cela en violation des articles 53 de la Constitution togolaise, 77, 78 et 79 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale.
Recommandations et conclusion
Après une analyse sérieuse de la situation et conscient que les organisations de défense des droits de l’homme et la société civile dans son ensemble doivent prendre aujourd’hui plus que jamais leur responsabilité, nous :
– Exigeons la libération immédiate des étudiants arrêtés à Kara ;
– Demandons aux services de sécurité de mettre fin au kidnapping des étudiants et de tout citoyen dans des voitures banalisées ;
– Réclamons l ouverture d une enquête sérieuse et indépendante sur l’incident de Kpogan et d’Agbodrafo et punir les auteurs conformément aux lois ;
– Exigeons la démission dans les meilleurs délais du préfet du golfe Koffi Melebou pour ses propos ethnocentristes ;
– Sommons la CNDH de publier sans délai son rapport sur les cas de tortures relevés dans l’affaire d atteinte contre la sureté de l’Etat ;
– Interpellons le chef de l’Etat, en sa qualité de garant de l’indépendance et de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale du respect de la constitution et des traites et accords internationaux conformément à l’article 58 de la constitution, à prendre ses responsabilités pour faire respecter les doits de l’homme dans notre pays.
Au moment ou le Togo se dit heureux de bénéficier d’un siège de membre non permanent au conseil de sécurité, il est malheureux et dommage que les droits fondamentaux des citoyens soient constamment violés.
Mesdames et messieurs, comme l’a souligné le Pape Benoît XVI lors de sa récente visite au Bénin,
« Ces derniers mois, de nombreux peuples ont manifesté leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre harmonieusement dans la différence des ethnies et des religions. Un nouvel État est même né sur votre continent. Nombreux ont été également les conflits engendrés par l’aveuglement de l’homme, par sa volonté de puissance et par des intérêts politico-économiques qui font fi de la dignité des personnes ou de celle de la nature ».
Et pour paraphraser le Pape Benoît XVI, le citoyen togolais aspire à la liberté; il veut vivre dignement ; il veut de bonnes écoles et de la nourriture pour les enfants, des hôpitaux dignes pour soigner les malades ; il veut être respectée ; il revendique une gouvernance limpide qui ne confonde pas l’intérêt privé avec l’intérêt général ; et plus que tout, il veut la paix et la justice.
En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort. Ces maux affligent fortement notre pays. Chaque citoyen togolais veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il s’insurge contre la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer à la bonne gouvernance.
Le pouvoir, quel qu’il soit, aveugle avec facilité, surtout lorsque sont en jeu des intérêts privés, familiaux, ethniques.
Les ODDH restent conscientes qu’aucun régime politique humain n’est idéal, qu’aucun choix économique n’est neutre. Mais ils doivent toujours servir le bien commun. Nous nous trouvons donc en face d’une revendication légitime qui touche tous le pays, pour plus de dignité, et surtout pour plus d’humanité. Le citoyen togolais veut que son humanité soit respectée et promue. Les responsables politiques et économiques du pays se trouvent placés devant des décisions déterminantes et des choix qu’ils ne peuvent plus éviter.
Mesdames et messieurs, chers journalistes,
Le futur doit être impérativement pensé et construit sur les critères et les solutions inspirés par un diagnostic très objectif de la réalité. Le Togo doit pour cela se libérer d’un modèle dominant fondé sur l’asservissement, l’épuisement accéléré de ressources par une minorité.
Le défi est donc de taille et seule une coalition active des consciences, fondée sur le devoir de respecter la vie et d’en prendre soin, peut opérer la mutation. Plutôt que de se contenter de quelques alternatives palliatives et éphémères, le temps d’un postulat radical, qui place l’humain au cœur de nos préoccupations et de nos actions, est plus que venu. Il est important d’insister sur le fait que c’est à son caractère pacifique et déterminé que la démarche devra sa force et son efficacité.
Nous voulons un échange de cœur à cœur, de conscience à conscience, sous l’égide d’une raison libre de toute affirmation péremptoire, de tout préjugé ou de toutes accusations. Hors de tous préceptes ou dogme, un credo s’affirme aujourd’hui en dépit des apparences : nous pouvons réaliser un Togo meilleur auquel nous aspirons si nous le voulons de tout notre être. Cette utopie nécessite une puissante détermination, car il faut surmonter le découragement dont nous menace la démesure des problèmes à résoudre.
Quand on y réfléchit sereinement et profondément, qu’y a-t-il de plus beau, de plus exaltant, qu’une œuvre commune de création par un enthousiasme suscité par l’intelligence de la vie ? Selon Victor Hugo, “il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont le temps est venu”. Il nous reste maintenant à vérifier si cette affirmation est juste, en nous invitant mutuellement à bâtir ensemble la société nouvelle à laquelle nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer. Nous nous le devons à nous-mêmes mais aussi et surtout, avec une responsabilité morale incontournable, aux générations, qui vont nous suivre.
Toutefois, cette décision ne répond pas à un acte de politique politicienne ; bien au contraire, elle doit permettre à tous ceux qui œuvrent concrètement pour un changement bénéfique de la société d’être enfin entendus. Face aux évènements planétaires générateurs de détresse et de violence, les ODDH affirment que le temps des consciences éclairées, déterminées, agissantes et tranquilles est venu. S’appuyant sur notre propre expérience, nous soutenons qu’en dépit des apparences nous pouvons faire advenir le Togo auquel nous aspirons si nous le voulons de tout notre être. Tous, chaque jour, dans chacun de nos choix les plus quotidiens, nous sommes les meilleurs candidats à la construction d’un Togo respectueux des droits de l homme.
A cet effet, nous invitions massivement le peuple togolais a une grande marche pacifique de protestation le Jeudi 12 janvier 2012 pour dire non à la torture, à l impunité sous toutes ses formes et à la violation récurrente des droits de l homme.
Car en réalité, ca suffit et nous avons l’impérieux devoir citoyen de sauver le togo !
Fait à Lomé, le Mercredi 28 décembre 2011
Les ODDH :
– ACAT-TOGO
– ATDH
– ATDPDH
– CACIT
– CTDDH
– JDHO
– LTDH
– NDH-TOGO