Le développement de l’Afrique à la foire aux sommets
« La grande dévotion ne saurait empêcher que les affaires soient les affaires ». Cette pensée de Charles de GAULLLE, livrée dans ses Mémoires de guerre, reste la pierre angulaire des puissances économiques qui sont toujours à la conquête de la grandeur et par voie de conséquence de la plus-value. Elles ne lésinent sur aucun moyen pour aller la chercher là où elles peuvent la trouver aisément ou militairement. Elles n’hésitent pas non plus à se couvrir de tous les manteaux qu’exige la circonstance. Elles utilisent parfois des paravents bien embrassants, parfois universalistes pour se donner des quitus de la rapine.
Les pantins de chefs d’Etat d’Afrique, assis sur des strapontins démocratiques trop redevables à de suzerains, se donnent des airs de légalité pour le partage de la richesse de leurs pays avec tous les centres de décision qui les couvrent quelque peu. Ils acceptent n’importe quel marché d’une façade de propreté avec le secret espoir des dividendes personnels, d’enrichissement illicite en se livrant à un spectacle de remplissage propagandiste qui gonfle leur agenda trop pauvre pour servir loyalement leurs populations.
Ceux qui ne savent pas respecter les droits de leur peuple, leur vote, les programmes de société auxquels adhèrent massivement les populations, ceux qui les briment, les tuent, les répriment férocement sur des réclamations rien moins que légitimes ne peuvent soudainement se convertir en de grandes âmes acquises à la cause du citoyen.
La disposition à faire le bien, à être au service des autres, à faire montre d’une véritable éthique politique affleure dans l’ordinaire des vrais leaders et leurs chaînons de droiture, de générosité à l’effort et leur intelligence affective émanent d’une puissance de vertu qui n’est surtout pas à la portée des délinquants politiques, des usurpateurs de titres et des esprits pervertis au crime.
Il faut simplement imaginer la masse de trésor volée d’Afrique en vingt ans par nos chefs d’Etat et leur suite pour comprendre leurs simagrées de quête de bien-être pour les populations d’Afrique. Ceux chez qui ils déposent leurs magots, qui en font des sources d’exploitation ou qui sont en complicité ouverte pour se remplir les poches à travers des contrats de pacotille n’ont jamais cessé de saliver de gourmandise pour des convocations à des sommets ou plutôt à une reprise de la Conférence de Berlin en plusieurs versions échelonnées.
La France-Afrique, la Chine -Afrique, le Japon-Afrique, l’Inde-Afrique, la Turquie-Afrique, la Russie-Afrique, Israël-Afrique… ne nous dessinent-elles pas clairement une conquête de matières premières qu’un altruisme et un humanisme économiques?
Dans quelle partie du monde l’histoire économique des pays nous montre-t-elle que le développement est au bout des sommets avec les puissances marchandes?
1)Pitié pour la ronde des hyènes
Nous sommes tous des désadaptés dans tel domaine ou tel autre. La division du travail est une puissance de complétude de nos faiblesses individuelles. Nous ne sommes pas des omniscients, mais lorsque nous nous engageons à faire la politique, à mener la vie de la République, il y a une longue propédeutique d’efforts soutenus, d’histoire économique, sociale dont il faut obligatoirement prendre le pouls, se former pour une projection sur l’avenir.
L’esprit prétentieux qui ose se positionner sur le tableau du leadership avec toute sa misère conceptuelle n’a jamais la force du jugement pour servir le vrai, le juste, le beau. Quand le faux submerge la raison, elle chante la sottise. La politique n’est pas un jeu; autrement, elle ne peut que livrer des collectivités entières au gouffre du désespoir, à la destruction massive. Les leaders qui tiennent le gouvernail s’entourent absolument de conseillers et des spécialistes multiples pour les grands projets de développement. Nous doutons de l’esprit qui habite les chefs d’Etat d’Afrique qui croient aux sommets pour faire avancer la croissance dans leur pays. Ils en ont tellement pris goût dans un snobisme desséchant et heurtant pendant que crève leur peuple. Nulle part ailleurs, dans la marche du monde, le développement n’est devenu l’affaire des sommets dans un laxisme primaire qui délègue le financement à la générosité des pays natifs ou émergents. Le développement par procuration n’est qu’une avarie conceptuelle. C’est pourquoi dans l’Afrique noire est mal partie, René DUMONT établit les bases de bondissement et d’émergence sur le travail assidu, l’épargne régulière dans la durée et les investissements judicieux qui dégagent la plus-value, les projections de rentabilité, les stratégies et programmes ambitieux à partir du socle financier sécurisé.
En clair, l’endettement creux est une cruauté politique en ce qu’il n’est d’aucun ressort à compter sur un flux financier sérieusement protégé, épargné. Nous n’avons pas cessé d’affirmer que le Plan National de Développement (PND) des rêveries politiques de Faure GNASSINGNBE est une grosse pagaille à divertir les gueux et sa bande de troubadours. Le niveau d’endettement du règne du « Timoniertricule » le jette dans des fourberies qui sont loin de l’élever ou de le relever de sa farce de Mandat social.
L’équation du développement se résout dans la largesse de l’esprit et dans la franchise des fonds dégagés par la constance de l’épargne. Le développement à crédit est une sépulture vivante dont aucun peuple ne sort. La version fantôme de notre République se dessine dans la courbe à l’endettement qui a si longtemps hypothéqué nos ressources du sol et du sous-sol. Les usuriers du développement ont un système féroce de recouvrement de leurs créances sur la base d’une ponction impitoyable des ressources des pays sauvagement endettés.
On ne peut plus gérer l’Afrique d’aujourd’hui connectée à la vitrine mondiale comme on gère une salle de cinéma. Les pôles de culture sont diversifiés et la formation devient continue dans les fenêtres multiples de notre civilisation. Les tromperies politiques ne marchent plus et ceux qui ont la vocation de se tordre de roublardise font pitié. Ils sont à plaindre de leur légèreté proverbiale.
Quand en quinze ans de pouvoir, vous ne pouvez pas offrir de l’eau potable, ni des soins de santé et que des écoles et collèges sont décoiffés depuis quinze, vingt ans dans toutes les régions et de surcroît à la capitale sans que vous n’ayez la générosité de l’intelligence et le frémissement humain pour réhabiliter tout au moins ces lieux de connaissance, il n’appartient pas aux sommets de vous indiquer ce qu’il faut apporter à votre peuple.
L’enfantillage politique se perçoit dans le tintamarre exhibitionniste qui, malheureusement, ne cache point le cumul des faillites. Les vrais hommes de progrès ont un ordinaire qui s’occupe proprement des choses simples, le droit des citoyens, le devoir de justice pour une société équitable avant de se lancer dans de grands projets.
Tous les pays qui ont de l’autorité financière savent de quoi vit la Françafrique et n’entendent pas rester en marge du profit scandaleux que fait la France sur nos pays. C’est le miel des ressources à vil prix par l’entremise des chefs d’Etat cupides sur la calculette des contrats miniers qui intéresse tous les usuriers qui proposent aux prétendus leaders d’Afrique la ronde des sommets.
La vraie intelligence de service est féconde ; elle est promptement créatrice, parce qu’elle est frémissement humain. Elle dégage des valeurs et met en valeur ceux qui s’y livrent. Elle a le répondant du mérite et de la reconnaissance. Ceux qui sont bien éduqués et honnêtes refusent toujours de patauger dans les bassesses et l’infamie. Ils savent être au rang de la confiance qu’on leur fait parce qu’ils ont de l’orgueil. A cet effet, Saint-John PERSE nous enseigne dans Anabase : « Il y a deux types d’orgueil : l’un où l’on s’approuve soi-même ; l’autre où l’on ne peut s’accepter. Celui-ci est probablement le plus raffiné ».
2)Rupture épistémologique avec la course au superflu
Nous sommes les 55 Etats d’Afrique. Chaque pays a son histoire, son caractère, son âme, ses potentialités propres, sa société, sa psychologie sociale, ses réalités anthropologiques. Il faut cesser de croire qu’une méthode distributive ou une stratégie unique de développement suffirait à impulser partout la croissance sur un long terme pour parvenir au développement.
L’économique n’est pas une notion isolée, sans articulation interdisciplinaire ou isolée des réalités de la collectivité, parce qu’il s’agit d’un fait social. Tout fait social comme l’économique est un fait global, total. C’est précisément ce que souligne, du reste, Edgar QUINET, dans son ouvrage La Révolution en ces termes : « Toute pensée qui se bornera aux combinaisons de l’économie politique sera infailliblement trompée dans les grandes affaires humaines ».
Les termes du développement, ce sont les peuples qui les intègrent et les portent. On peut seulement voir ailleurs ce qui se fait pour décider autrement avec une intelligence adaptative pour tel groupe social ou tel peuple en enrichissant les acquis d’un ailleurs.
En soixante ans d’indépendance, l’Afrique a certainement formé des compétences. Il faut savoir les entretenir pour ne pas favoriser la fuite des cerveaux. Ils ont le savoir et le flair pour imprimer un profil de réussite aux programmes de développement, aux particularités des Etats. Si les chefs d’Etat d’Afrique ne sortent pas des couleurs politiques et des obédiences mystico-mafieuses pour faire confiance aux fils du pays, les bricolages sur les Questions de développement continueront à noyer nos peuples dans la misère. Les loges et les sociétés secrètes n’ont aucune droiture à traiter la corruption, les détournements de deniers publics et les questions de justice. La vraie séparation du pouvoir est le gage des réussites des projets de développement.
En outre, nous devons investir massivement pour la recherche fondamentale et voir quels sont les savoirs traditionnels exploitables pour relancer les réponses à donner à nos populations d’aujourd’hui. Si nous abandonnons la recherche fondamentale et la mise à jour de nos savoirs locaux au profit des sommets dispendieux, alors nous n’aurions rien compris dans un monde exigeant où les initiatives sur des richesses particulières font la chance des exploits « au rendez-vous du donner et du recevoir », cher à Léopold Seddah SENGHOR.
Dans les regroupements économiques, politiques régionaux, la mutualisation des efforts pour des structures de la recherche fondamentale est une vraie piste pour asseoir un socle de bons résultats à investir en Afrique au lieu de se pavaner indéfiniment dans des exhibitions politiques bêtement ruineuse pour nos économies.
Pourquoi ceux qui jurent sur un partenariat Gagnant-Gagnant ne s’occupent-ils pas de l’argent volé d’Afrique à leurs sommets pour des modalités de restitution des biens mal acquis aux fins de financer les grands projets sur notre continent ?
L’argent est en Afrique, les ressources humaines n’y manquent pas. Il faut y adjoindre du sérieux, la formation, le transfert de technologique, le désir de justice et des programmes ambitieux pour une crédibilité dans les options de développement.
Didier Amah DOSSAVI