Le pouvoir de Faure Gnassingbé en putréfaction absolue déculpabilise les tortionnaires dans un rapport tronqué
· La CNDH met à nu les sénilités ostensibles du régime, Koffi Kounté annoncé à Paris

Décidément, le Togo demeure le pays de tous les maux et de toutes les incertitudes. Et il est désormais clair pour tous les Togolais que le régime de Faure Gnassingbé a perdu tous les repères et se trouve manifestement en fin de course. Le rapport de l’enquête inhérente aux allégations de torture à l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) de Massina Yotrofeï dans l’affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat, lequel rapport estropié, tronqué, dénaturé et vidé de sa quintessence par le gouvernement avant sa publication le 18 février dernier sur le site de republicoftogo met le Togo dans la posture d’un Etat voyou. Nonobstant les menaces et la pression de toutes parts dans les sérails du pouvoir, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) dont le président est Koffi Kounté, diligentée pour cette enquête a publié lundi dernier, le rapport authentique, celui que tous les Togolais attendaient depuis, pour mettre à nu les méthodes ténébreuses et prouver la monstruosité à grandes échelles du pouvoir de Faure Gnassingbé. Présentement, le président de cette institution serait introuvable ; ce qui aggrave le problème du non respect des droits de l’homme dont celui de la liberté d’expression au Togo.
En effet, lors de l’incontestable parodie de procès sans mesure de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat, des cas de torture, de traitements cruels, dégradants et inhumains ont été soulevés. Dans le but de faire toute la lumière sur ces cas de torture qualifiés d’allégation pour situer l’opinion nationale et internationale, le gouvernement a diligenté une enquête qu’il a confiée à la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). Au terme de l’enquête, la commission a la lourde responsabilité de rendre public le rapport ayant sanctionné cette enquête. Mais compte tenu du caractère accablant du rapport, sur menaces et pressions du gouvernement, les membres de la commission qui s’en sont d’ailleurs plaints dans l’introduction du rapport authentique n’ont pas pu publier dans les conditions requises, le document comme ils ont souhaité le faire le 27 janvier 2012. Et le gouvernement, croyant parvenir à ses fins, a rendu public de la manière que tout le monde sait, le rapport qu’il dit avoir reçu de la commission.
Pour montrer sa crédibilité mise à rudes épreuves par la publication d’un rapport qui ne reconnaît aucun cas de torture et qui pourtant fait des recommandations à observer à l’avenir par le pouvoir en place, la commission a joué sa carte pour désavouer ce régime de vautours.
Il fallait être animé d’un courage extraordinaire dans le royaume de Faure Gnassingbé et dans la jungle de Massina Yotrofèï pour oser tenir tête au pouvoir sectaire qui régente les Togolais. L’acte posé par la Commission nationale des droits de l’homme présidée par Koffi Kounté mérite d’être salué et apprécié à sa juste valeur et au-delà de toute considération, les institutions de l’Etat ne doivent pas demeurer éternellement sous la coupe de Faure Gnassingbé et ses sbires dans un pays qui se veut démocratique.
Par ailleurs, le rapport publié par le gouvernement donne à penser si on se réfère aux témoignages des accusés au cours de la comédie de procès relatif à la tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat qui après deux ans d’instruction s’est muée en complot contre la sûreté intérieur de l’Etat et au stigmate laissé sur le corps de certaines victimes de la torture. On ne peut pas comprendre les raisons qui ont motivé le gouvernement à s’adonner à ce jeu malsain relevant d’un vampirisme extraordinaire au profit des auteurs de ces actes immondes, crapuleux et criminels. Cela devient dangereux pour la République et il y a péril en la demeure dans la mesure où lorsqu’un pouvoir qui est sensé assurer la sécurité aux citoyens et préserver leur dignité, s’attelle à protéger allègrement les tortionnaires. Même si on juge le rapport trop compromettant pour le pouvoir du fait de sa place parmi les membres du conseil de sécurité des Nations unies, le bon sens serait de publier le rapport dans toute son intégralité et d’en prendre acte tout en promettant la mise en œuvre des conclusions et des recommandations. Ce qui soulagera tant soit peu les victimes et apaisera les cœurs. Au nom de quelle philosophie peut-on conclure qu’il n’y a pas eu de torture ni d’autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants à l’ANR si le cas de Bertin Agba menotté sur son lit d’hôpital est encore vivace dans les souvenirs ? Qu’on cesse de prendre les Togolais pour des bêtes.
Dans son communiqué déclamatoire débité lundi dernier sur la TVT, le gouvernement, dans ses manœuvres morbides pour dénaturer la réalité et vouer aux gémonies la commission, ne peut plus tromper personne. Comment un gouvernement qui se veut responsable, un gouvernement bien structuré et bien organisé peut prétendre publier en toute transparence sur son site, un rapport issu d’une enquête qu’il a confiée lui-même à la CNDH ? Il faut être malade pour avaler ce plat indigeste fait de mensonge cru et systématique assaisonné d’une arrogance insolente et sauvage dans un strabisme intellectuel qui ne veut pas dire son nom. Doit-on dire qu’on est en face des gens qui ne savent plus réfléchir et qui ont perdu tout leur sens ? Non ! Nous ne le croyons pas.
Mais quand on scrute au quotidien le comportement des hommes au pouvoir et dans le cas d’espèce, tout porte à croire que le Togo est régenté par un groupuscule d’avortons politiques qui, trainant derrière eux d’énormes tares et casseroles puis, baignant dans une médiocrité outrancière et dans un obscurantisme crapuleux ont une perception ténébreuse du bien, du beau, du juste et du vrai. Il ne peut en être autrement pour un gouvernement qui pendant plusieurs décennies a érigé le mensonge systématique en méthode de gouvernement.
Dans la publication d’un tel document d’envergure, à ce qu’on sache, le gouvernement aurait mieux fait de laisser à ses responsabilités, la commission qui en sa présence, doit animer une conférence de presse au cours de laquelle le corps diplomatique, les Organisations de Défense des Droits de l’Homme, les médias entre autres, seront représentés s’il n’y a pas une idée noire cachée derrière la tête.
Si l’on considère les conditions dans lesquelles ce rapport est publié par le gouvernement, même les esprits non avisés ne sauraient accepter une telle ignominie. Pour des raisons saugrenues, relevant d’une léthargie intellectuelle rare, sans commune mesure, on travestit le rapport d’une commission d’enquête au nom d’une politique dévastatrice, protégeant ainsi les sorciers noirs de la république.
Dans un autre contexte, dans la mesure où la publication de ce rapport contraint le président de la CNDH à l’exil, le respect des droits de l’Homme dont celui de la liberté d’expression ne sera qu’un vain mot et cela pose problème. Autrement, le Togo demeure toujours un Etat de terreur. Lire un extrait du rapport authentique.
Peter Sossou
Le Triangle des enjeux N° 182 du jeudi 22 février 2012