LA TYRANNIE DE LA JUSTICE AU TOGO :
LES BRAISES DE LA CONFIRMATION DE L’ARRET D’ABUJA DANS L’AFFAIRE DES DEPUTES ANC
« La politique a sa source dans la perversité plus que dans la grandeur de l’esprit humain ». Le verbe acerbe de VOLTAIRE (1694-1774) dans Le Sottisier, à ce siècle lointain du nôtre, se moque de fanatisme, de l’Eglise et ses drames qu’orchestrent les potentats dans l’abîme de leur esprit, de l’éthique et de la morale. Les sottises décriées de cette époque-là sont malheureusement le marchepied du régime Faure Gnassingbé alors que la substance politique dans sa modernité a profondément changée.
Les heures troublantes qui nous consument et nous rendent nains dans l’histoire universelle des peuples découlent de l’épée de régence de notre pays au cimetière de la justice, de la morale et du bon sens. Dans notre pays, la valeur du vivre-en-communauté est inexistante : la sécurité. Sans la justice, elle n’est pas. C’est elle qui conditionne la paix civile, l’épanouissement des hommes et des femmes embarquées dans l’aventure où se conjugue l’effort pour une destinée commune. Là où périt la justice, l’agonie des cités et des civilisations précipite les dirigeants sur les pentes obliques de l’avenir.
La justice au Togo de Faure GNASSINGBE est épouvantable parce qu’elle est proprement massacrée, inféodée à un réseau clanique aux relents ethnicistes et cannibales. Elle s’adosse à une oligarchie militaro-ethnique aux férocités fauves contre laquelle se dresse, du reste, dans un acte de courage exemplaire le fils digne de la magistrature, Koffi KOUNTE. Ce qui caractérise le « Club du petit ». C’est la délinquance sénile avec toutes les falsifications diaboliques qui enterrent le droit, la justice, la valeur intellectuelle de l’acte. Ce qui est encore ridicule est que ce pouvoir s’offre une tribune de la grande plaisanterie en diplomatie à deux sous pour professer des maximes qui s’apparentent à la démence des hommes vaincus qui ont perdu leur âme. Cette chirurgie des croûtes faciales du régime ne le dispense guère de ses énormités et ne dissimule non plus son visage affreux. La substance ethnique du pouvoir de Faure GNASSINGBE est dramatiquement échancrée et vide avec une normalité dans la fréquence du crime et de la barbarie. Le vernis esthétique, peu osé de crocs d’un régime vampirique, qui se situe à la façade extérieure de notre politique vient de s’effondrer dans la concomitance du rapport éviscéré de la CNDH et d’une décision de la Cour de la CEDEAO qui, dans sa confirmation du jugement de l’Affaire des députés ANC expulsés de l’Assemblée générale, traite le pouvoir togolais d’ignorant en le renvoyant à ses responsabilités. De leur mentalité périmée, ceux qui prétendent animer la vie publique au Togo nous couvrent de honte. Leur militantisme à la délinquance invétérée fait aux citoyens une couronne d’épines. Mais, eux aussi s’enterrent à corps perdu dans les dunes de l’immoralité. Parmi eux, personne ne survivra du naufrage des falsifications démentielles, des crimes de masse et de la torture.
Dans un artifice argumentaire, un ministre de la République, YACOUBOU HAMADOU, s’est exposé sans s’imposer, en tentant d’imputer la trame de la falsification du rapport CNDH à Koffi KOUNTE dans une curieuse défense d’une amitié de longue date qui a cruellement des allures de fidélité de JUDA. Le peuple est également témoin de la ruée des membres du gouvernement pour interpréter à l’envers la décision de la Cour de la CEDEAO qui ordonne à l’Etat togolais de réparer la privation des jouissances des droits des députés et à payer des dommages et intérêts des préjudices subis. La Cour d’Abuja, dans la confirmation de sa décision nous renseigne qu’elle n’a rien omis ni en confirmation ni en préjudices. Elle a écrit noir sur blanc que notre Cour constitutionnelle méconnaît la loi. Elle n’a pas vocation à dire le droit. Ainsi, elle renvoie les autorités togolaises à leurs responsabilités.
Aux yeux de la Cour Communautaire d’Abuja, l’esprit cancre de nos institutions n’est-elle pas la racine du mal togolais ?
En se déclarant astucieusement incompétente pour statuer sur la requête en omission de son jugement, le Tribunal d’Abuja n’a-t-elle pas frappé les autorités togolaises d’une injure d’ignorance en les traitant de primates incapables de comprendre l’évidence ?
1) Mépris pour des hommes insensés et pervers.
Il y a plusieurs manières de dire aux falots qu’ils sont bêtes sans un mot. Le silence est un langage parfois plus virulent que les mots. Devant les grosses sottises au tambour de la délinquance avec une mauvaise conscience de petites gens, il vaut mieux se taire, s’économiser ses énergies, détourner le regard pour rester grand dans l’observation et mériter le statut du haut duquel on voit se défiler les hommes de la caverne et leurs actes d’intelligence.
La répétition est pédagogique seulement pour ceux qui sont prêts à la connaissance et disposés à l’effort pour s’améliorer. Le professeur qui prend l’élève touriste au sérieux pour lui reprendre des exercices, non seulement perd le temps à toute une classe, mais verse de l’eau sur le dos d’un canard. La Cour de la CEDEAO connaît parfaitement le visage du pouvoir togolais et exprime le désastre juridique qui est couvé au sein de l’organe suprême de régulation du droit : la Cour Constitutionnelle. Si la tyrannie de la justice est une émanation particulière qu’elle entretient pour des missions secrètes, le Tribunal de la CEDEAO ne peut que la renvoyer à ses responsabilités parce qu’elle a perdu l’étoffe du respect et de la considération due à son rang.
Le verbe est force, la vérité est lumière, la justice construit le présent et prédit l’avenir infailliblement. Il y a plusieurs manières de dire la vérité pour qu’elle porte. Le souffle du Tribunal d’Abuja qui renvoie l’Etat togolais à ses responsabilités dans l’appréciation de son jugement dépeint la tragédie judiciaire togolaise avec autant de précision que de dégoût. « Les habitudes de la maison » connues de tous sont si démentielles et si éprouvantes pour que leurs échos démolissent ceux qui sont appelés à porter un regard sur nos platitudes terrestres. Le précipice nauséeux du pouvoir à la crème pestilentielle de l’immoralité étouffe nos voisins proches et lointains et ils comprennent enfin le combat de l’opposition qui jamais ne s’émousse. Le déclin du régime pour un Renouveau démocratique est ce qu’il y a de mieux d’organiser, d’alimenter, de soutenir pour que la terreur, la tricherie, la falsification soient évacuées d’un petit territoire si bavard en criminalité étatique et en insécurité.
Les dimensions de nos niaiseries politiques sont dans nos célébrités à tordre le cou au droit, à la justice, à l’excellence et au mérite. Cette foire aux idioties togolaises s’anime avec le surgissement de Faure GNASSINGBE au pouvoir dans des conditions de la grande forfaiture qui fait irrémédiablement ses petits : les crimes de masse, l’achat de consciences, les élections frauduleuses, le crime de CESAL, l’Affaire Kpatcha, l’expulsion des députés ANC de l’Assemblée Nationale, l’acharnement contre le sieur Bertin Sow AGBA, des dénis de justice, le cas ATIGAN Améti, la confiscation des fonds des femmes du grand marché de Lomé, la falsification du rapport CNDH… Les échantillons de nos sottises parcourent le monde, treize à la douzaine et frappent l’intelligence humaine, épouvantée. Toutes les consciences libres dans ce monde de verre ont dévisagé la nature du régime Faure avec ses avaries en justice en respect de la personne humaine, en torture, en falsifications éhontées…
Autant l’Union Interparlementaire au regard du Code électoral et de Constitution togolaise reconnaît que les députés n’ont jamais démissionné, autant le confirment les juges de la CEDEAO. Le professeur WOLOU, agrégé de droit à l’Université de Lomé, reprenant l’arrêt du Tribunal d’Abuja précise que la décision est sans ambiguïté aucune et que dans les compartiments de la condamnation de l’Etat du Togo, la réparation et les préjudices à payer pour privation d’exercice du mandat des députés sont distincts et qu’ils n’y a dans cette décision la moindre zone d’ombre, la moindre question d’obscurité en droit. Seuls ceux qui ne comprennent pas Français ou qui ont choisi de ne pas le comprendre dans une situation de réprobation du tribunal peuvent en babiller de digressions oiseuses.
En renvoyant les autorités à la responsabilité qui s’entend de la voix de la justice, le verbiage des démagogues qui transforma « réparer et payer » en « payer en réparation » est une terrible tristesse éthique et l’expression d’une mentalité prélogique qui les assimilent aux petits de l’homme. La requête en omission de statuer introduite auprès d’Abuja par l’ANC a fait comprendre à la Cour la renonciation à l’exécution de sa décision sur des bases fallacieuses et fantaisistes. La Cour hausse le ton avec autorité et élégance en demandant au pouvoir togolais de sortir de ses fourberies éhontées pour grandir en assumant les responsabilités qui sont les siennes face au verdict qu’elle a prononcé sur la base des lois de la République du Togo qu’il a intégralement violées. Avec hauteur et distance, le Tribunal communautaire exige que le pouvoir de Lomé s’élève pour sortir de son entêtement à demeurer dans les égouts du droit. Lorsqu’on renvoie quelqu’un supposé grand ou une institution, a priori, de valeur à ses responsabilités, il y a là une élégance à le frapper d’une indulgence méprisante d’aristocrate. C’est d’ailleurs ce que semble déclarer Jules Barbey d’Avrevilley lorsqu’il déclare : « Etre poli avec un sot, c’est s’en isoler. Quelle bonne politique ! »
2) Les conséquences de la confirmation de l’arrêt d’Abuja.
Le plus difficile pour le régime togolais est au galop en ce que partout il s’affiche dans la délinquance et la nature du pouvoir est du grand jour avec les scandales en violations des Droits Humains, en torture, en massacre de la justice, en brigandage étatique, en expurgation des documents de la République, en terreur et menaces…
Dans ses traits signalétiques, le pouvoir de Faure se relève de mieux en mieux à toute la communauté internationale, à toutes les institutions qui encore le tenaient dans une phase d’observation avec une marge de relevé de ce qu’elles croyaient être ses peccadilles. Koffi KOUNTE, l’Union Interparlementaire et le Tribunal d’Abuja diffusent, peut-être malgré eux, les affres de la gouvernance de Faure GNASSINGBE. L’écho du cri pluriel de justice et la barbarie est assourdissant non seulement dans les chancelleries, mais aussi dans toute la société civile disséminée sur la planète. C’est Faure GNASSINGBE qui tient à un passage forcé sur la scène internationale. C’est lui qui s’évertue à sauver la face en multipliant, on ne sait à quel prix, des rafistolages diplomatiques pour se donner bonne conscience d’appartenir à la modernité. Il est vain d’espérer convertir des actes les plus abjects en sympathies sans la jouvence de propreté, sans renoncer à l’ignominie. André GIDE nous donne davantage la force de le penser lorsqu’il écrit dans L’Immortalité : « On ne peut à la fois être sincère et le paraître ». La matière politique a changé. Elle n’est plus à ses ordures du temps de VOLTAIRE. Elle se cristallise autour d’une éthique qui fait le poids des hommes et des femmes qui embrassent la carrière de la gouvernance. Quand on ne peut pas ressembler aux autres au sens noble du terme, la seule chance qu’on a, c’est de sortir de leurs rangs. Tout le regard du monde sur le jeune monarque est de travers. S’il ne peut pas en tirer les conséquences, le peuple se résout à lui en imposer celles qui conviennent. C’est pourquoi la confirmation de la décision du Tribunal communautaire sur les violations des droits des députés ANC donne une puissance inouïe à l’opposition de réclamer l’exécution totale des termes de la condamnation. Nous devons bannir chez nous la République des droits factices et des privilèges odieux avec indignation, révolte et détermination. Il appartient désormais à l’ANC d’élaborer une stratégie ferme et sans répit pour moissonner ses droits. Le peuple togolais martyrisé dans sa quotidienneté a aussi la rage au cœur contre le « Club du petit », la souffrance indicible que sa gouvernance lui impose. Il est prêt à semer toutes les tempêtes qui mettent sous le crâne des illusionnistes de la puissance et de l’éternité le marteau de la révolution. Car, pour Victor HUGO dans Les misérables : « Le sens révolutionnaire est un sens moral ».
Tous les peuples qui vivent dans l’insécurité, sous la menace de se faire tuer, d’être dépouillés de leurs doits, d’être embastillés et dans la misère ont le devoir sacré d’un combat contre l’asservissement. L’étincelle de l’embrasement dans toute l’histoire de l’humanité vient d’un surcroit d’injustice contre lequel se dresse la masse. La requête en omission introduite par l’ANC auprès du Tribunal d’Abuja a servi à dépecer le mensonge et le raisonnement par l’absurde d’un paiement en réparation aux députés. Si la Cour confirme qu’elle n’a jamais omis la réparation des droits des députés ni les dommages et intérêts pour des préjudices subis dans la privation des jouissances de leur mandat, alors le binôme de la condamnation est une certitude qui décoiffe le masque d’une interprétation erronée consciemment mis par les sophistes du premier degré du pouvoir pour tromper le peuple. Les troubadours et les hyènes qui avaient bondi sur les médias lors de la première décision, ces naufragés de la honte et de l’illettrisme n’ont plus rien dans leurs besaces moisies à nous proposer. Nous serons bien heureux de voir leur imagination fétide dégouliner l’affreux et le crasseux de leur jugement sur les médias.
Le peuple togolais a démontré dans une gigantesque marche contre la torture et les violations de Droits humains qu’il est prêt à s’engager dans la folie qui s’écrit par la raison, et advienne que pourra, pour relever la tête de l’asservissement. Qu’il plaise encore au « Club du petit » de faire de la confirmation de la décision d’Abuja un machin, un bidule, un truc, un chiffon. Il trouvera net les Togolais pour cet outrage à la justice, aux droits des députés. De gros nuages, à ce sujet, courent dans le ciel et le typhon se prépare. Tant pis pour ceux qui n’ont pas compris que les nations changent d’âge en âge. Les députés de la nation sont des messagers du peuple. Les tribulations qu’on leur inflige mettent en état d’ébullition les couches qui leur ont conféré leur pouvoir. Personne ne peut les en dessaisir gratuitement et sur la base de purs caprices. Pour nourrir la destinée de notre République de valeurs sonores, nous serons tous dans les rues pour ramener nos députés à l’Assemblée nationale. Cet engagement est républicain, légitime et légal parce qu’il combat la délinquance de petites gens dangereuses pour notre collectivité. Le surgissement d’un ordre nouveau dans un rêve collectif ne saurait mépriser la justice et les droits des citoyens, à moins que nous soyons au Togo de sales abrutis. Le sursaut national doit s’armer de virulence et de virilité pour le gain de la victoire. Comme l’écrit Maurice MAETERLINCK dans Sagesse et Destinée : « Il n’arrive jamais de grands événements intérieurs à ceux qui n’ont rien fait pour les appeler à eux ».
Didier Amah DOSSAVI
L’Alternative N° 129 du 20 mars 2012