Allocution de l’Ambassadeur de France au Togo “Nous avons été d’autant plus frustrés….Et d’autant plus surpris…”

Allocution de l’Ambassadeur de France au Togo

à l’occasion de la fête nationale française –14 juillet 2014-07-14

 

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Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Messieurs les anciens Premiers ministres

Mesdames et Messieurs les représentants des hautes autorités et des institutions de la République

Mesdames  et  Messieurs  les  parlementaires  et  représentants  des  autorités  civiles, militaires,  religieuses  et  traditionnelles  et  des  organisations  politiques, professionnelles, syndicales, associatives et des médias,

Chers  collègues  membres  du  corps  diplomatique  et  consulaire  et  représentants  des organisations  internationales,  avec  une  mention  particulière  pour  ma  collègue, chargée d’affaires allemande, que je félicite pour la très belle victoire de la manshaft hier soir,

Je  vous  souhaite,  avec  l’ensemble  de  l’équipe  de  l’ambassade,  la bienvenue  à  la résidence de France, pour cette célébration du 14 juillet.

C’est la dernière fois que je m’adresse à vous, puisque je quitterai définitivement le Togo dans quelques jours.

J’ai parlé, les deux années précédentes des relations bilatérales et des diverses actions de coopération conduites par la France au Togo. Je n’y reviens pas, pour ne pas me répéter et ne pas vous lasser. Je me bornerai à quelques remarques « testamentaires ».

Les relations bilatérales ont franchi une étape marquante, en novembre dernier, avec la  visite  en  France  du  Président  Faure.  Nous  n’avons  pas  encore  mis  en  œuvre  la totalité des projets évoqués à cette occasion, notamment dans le domaine économique, mais nous continuerons, bien sûr, à y travailler dans les mois qui viennent.

La France restera aux côtés du Togo dans les domaines régaliens dans lesquels nous menons des actions de coopération, parfois d’ailleurs avec d’autres pays : préparation aux  opérations  de  maintien  de  la  paix,  action  de  l’Etat  en  mer,  lutte  contre le terrorisme et la piraterie maritime, renforcement de la sûreté aérienne, lutte contre le trafic de drogue et les différentes formes de criminalité.

La France poursuivra également son effort, en étroite liaison avec l’ensemble de ses partenaires,  en  faveur  du  développement  du  Togo.  Avec  nos  collègues  de  la délégation de l’Union européenne et de l’ambassade d’Allemagne, dans un dialogue constant  avec  les  autorités  togolaises,  nous  avons  proposé  une  programmation conjointe de notre effort sur les cinq prochaines années, laquelle a été approuvée par nos capitales respectives. La France souhaite, dans ce cadre, continuer à aider le Togo dans  les  secteurs  de  l’éducation  (du  primaire  à  l’enseignement  supérieur  et  à  la recherche,  en  passant  par  la  formation  professionnelle),  de  la  santé,  de  l’eau  et  de l’assainissement, de l’aménagement urbain, du traitement des déchets, du microcrédit, de l’agriculture, de la gouvernance, du développement durable, de l’appui à la société civile, de l’action culturelle et de la francophonie. Je n’entre pas dans les détails, je l’ai dit il y a un instant. Si ce n’est pour rappeler que la montée en puissance de notre aide  bilatérale  à  travers  l’octroi  de  prêts  concessionnels  de  l’AFD  dépendra  de  la conclusion d’un accord avec le FMI. Quant à l’Institut français, il rouvrira après l’été, sur son nouveau site, et retrouvera son rôle de plateforme de diffusion et d’échanges culturels. Nous faisons tout notre possible pour accélérer le chantier qui a, hélas, pris plusieurs mois de retard.

Des progrès spectaculaires ont été accomplis, ces dernières années par le Togo dans le domaine des infrastructures et de la réglementation économique, au profit des acteurs économiques et de la population. Mais deux grands défis doivent encore être relevés :

– Le  défi  démographique,  encore  et  toujours.  La  croissance  très  rapide  de  la population pose d’ores et déjà et posera de plus en plus de difficultés dans différents domaines : alimentation, habitat, éducation, santé, environnement. C’est aujourd’hui qu’il convient de réagir. L’enjeu est le recul de la pauvreté, le décollage économique et  l’enclenchement  d’un  cercle  vertueux  de  développement  durable.  Le Togo  s’est  doté, il y a tout juste deux mois, d’un programme national de planification familiale. Il lui incombe maintenant de le mettre en œuvre. La France est disponible pour l’y aider en cas de besoin.

Il reste également beaucoup à faire dans le domaine de la construction de l’Etat de droit,  nous  le savons  tous.  L’objectif  est  stratégique  puisqu’il  s’agit  de  la  mise  en place,  au  profit  des  acteurs  économiques,  d’un  environnement  transparent  et prévisible  sur  les  plans  douaniers  et  fiscaux,  la  transparence  des  appels  d’offre,  le respect des arbitrages et, enfin, le bon fonctionnement de la justice dans le respect des textes et des droits de la personne et à l’exclusion de toute autre considération extrajuridique. Pour le dire autrement, mieux vaut un bon appel d’offres qu’une mauvaise décision  d’expulsion !  L’enjeu  est  la  création  de  nouvelles  entreprises  togolaises, l’attraction de nouveaux investissements étrangers, le montage de partenariats publié privé ambitieux indispensables à la mise en œuvre des grands projets de « corridor » portés  notamment  par  « Togo  Invest ».  Une  démarche  résolue  visant au  recul  de  la mauvaise gouvernance économique et une lutte déterminée contre les comportements de  corruption  ou  de  prédation  sont  la  condition  du  développement  harmonieux  du pays. Là aussi, la France est désireuse de continuer à aider le Togo si celui-ci le lui demande.

-Je terminerai par la consolidation de la jeune démocratie togolaise. Nous avons été très heureux, en juillet 2013, avec nos partenaires de la communauté internationale, avec lesquels nous avions ardemment milité en ce sens, de voir l’ensemble des forces politiques  togolaises  participer  aux  élections  législatives.  Rappelons-nous  qu’il  y  a tout  juste  un  an,  c’était  loin  d’être  acquis…Cette  participation  était  le  résultat  d’un dialogue réussi entre pouvoir et opposition, sous l’égide de Mgr Barrigah et avec le plein  soutien  du  groupe  des  5,  dialogue  qui  avait  ouvert  la  perspective  d’élections locales et de réforme constitutionnelle. Nous avons été heureux de voir ces élections législatives  se  dérouler  sans  violence  et  de  voir  que  leurs  résultats  n’ont  pas  été contestés dans la rue, comme cela s’était produit dans le passé, mais devant la Cour constitutionnelle  et  dans  les  formes  requises  par  la  constitution.  Nous  avons  été d’autant  plus  frustrés  de  voir,  dans  les  mois  qui  ont  suivi,  les  élections  locales repoussées à un horizon incertain. Et d’autant plus surpris, de voir, le 30 juin dernier, sous  nos  yeux  incrédules,  les  députés  de  la  majorité  rejeter  le  projet  de  réforme constitutionnelle déposé par le gouvernement, alors même que cette réforme avait été annoncée  par  le  Premier  ministre  dans  sa  déclaration  de  politique  générale  devant cette  même  Assemblée  nationale  quelques  mois  plus  tôt.  Et  alors  même  que  ces réformes reprenaient très largement les conclusions du Cadre permanent de dialogue et de concertation, le CPDC. Par ce vote, qui nous a pris à contre-pied, la majorité a donc mis en échec le gouvernement, même si les parlementaires ont expliqué après la séance  que  tel  n’était  naturellement  pas  leur  objectif.  Par  ce  vote,  l’Assemblée nationale a repoussé une nouvelle fois la mise en œuvre de l’Accord politique global signé par l’ensemble des forces politiques togolaises il y a déjà huit ans, alors que, cette fois-ci, on touchait enfin au but… Tout est donc, hélas, à recommencer… Alors que nous ne sommes plus qu’à huit mois de l’élection présidentielle…

Comme  l’an  dernier,  j’aimerais  conclure  sur  l’œuvre  de  réconciliation  déjà accomplie par la Commission Vérité justice et réconciliation, pour redire, encore et toujours,  que  celle-ci  doit se  poursuivre,  se  prolonger,  pour  atteindre  et  convaincre tous ceux qui n’ont pas encore demandé pardon ou qui n’ont pas encore accordé leur pardon et qui demeurent donc prisonniers les uns de leurs actes, les autres de leurs souffrances.

Monsieur le Ministre,

Je salue et remercie, pour finir, tous les interlocuteurs avec lesquels j’ai eu le grand plaisir d’échanger ces trois dernières années. Et tous les agents de l’ambassade et du réseau français au sens large avec lesquels j’ai eu le privilège de travailler.

Je remercie aussi tous ceux qui ont pris part à l’organisation de cette réception. Je  n’oublierai  pas  le  Togo,  pays  accueillant,  chaleureux,  généreux,  qu’on  quitte  les larmes aux yeux, et où je laisse de vrais amis.

Vive la France, vive le Togo et vive l’amitié franco-togolaise.

Je vous remercie./.

Seul le prononcé fait foi