LE REGIME A FABRIQUE UNE RUMEUR POUR COMBATTRE UNE AUTRE

La mort supposée de Faure Gnassingbé

LE REGIME  A FABRIQUE UNE RUMEUR POUR COMBATTRE UNE AUTRE

 

Les longs règnes ont des habitudes qu’ils perpétuent pour la bonne cause, coup d’Etat imaginaires, rumeurs distillées pour sonder l’opinion, montage de tout genre pour détourner l’attention. En tout cas, le régime en place vient de donner la preuve que contrairement aux apparences, il a gardé les bons reflexes. Tout être est une créature finie dont l’organisme peut souffrir d’un mal ou d’un autre. On peut mourir sans connaître une maladie tout comme on peut traverser la pire des maladies sans en mourir. Du fait qu’un sort commun nous attend, personne ne peut se réjouir du fait que son semblable soit malade ou qu’il soit mort, le sort même de votre pire ennemi ne dépendant pas de vous.

Si tout ceci est vrai, il n’est pas moins vrai que selon que nous soyons hommes publics ou citoyen ordinaire, les maux qui nous touchent ne mobilisent pas la même attention. C’est ainsi que, ces derniers temps, des rumeurs ont attribué des maux au chef de l’Etat, Faure Gnassingbé. Friant des voyages qui ne disent jamais leurs noms, au point d’être surnommé « pigeon voyageur », certains ont trouvé derrière ces voyages un motif médical.

L’information a circulé des mois et s’intensifiait tous les jours que Dieu fait. Mais pendant qu’il est tout récemment en voyage en Israël, comme une fumée, d’un portable à l’autre, d’un coup de fil à l’autre, il se répand que Faure Gnassingbé est mort. La plupart des messages que les Togolais auront reçus viendront de la diaspora. Des campagnes et villes de l’intérieur, tout le monde appelle Lomé pour en savoir plus. Les plus sceptiques confirment qu’il y a mort, les plus optimistes estiment qu’il y a crise mais on ne sait pas encore l’ampleur.  Psychose, panique ! Dans certains établissements, il semblerait que les élèves ont été libérés ; les gens ont vidé leurs comptes bancaires, d’autres ont fait des provisions.

On ne sait jamais, car les Togolais ont déjà gouté à l’expérience amère des suites d’une mort subite d’un chef d’Etat, « chat échaudé craint l’eau froide ». Dans les rangs des officiers et hommes de troupe, dans le monde des directeurs de sociétés, même dans le cercle fermé de ceux qui dirigent ce pays, les gens ont commencé par douter. Ici et là, on se réunit. Même dans les camps, un ancien ministre nous a confirmé que l’on a commencé par observer des mouvements. Il y a crise, de la part des premiers concernés par la rumeur, on attend une confirmation qui se fait désirer. Les rumeurs sur la santé existaient depuis des mois mais les premiers messages et coups de fils annonçant la mort ont commencé par circuler le mercredi surpassé. Les Togolais attendent, même dans le monde des détracteurs déclarés c’est une peur panique. On
se rappelle en 2005, quand un seul individu a quitté la scène, au moins 500 Togolais l’ont suivi. Le sentiment le mieux partagé était la psychose. Des ministres en déplacement à l’intérieur ont rejoint Lomé en catastrophe, d’autres sur le point de décoller ont annulé leur voyage. Après que cette trainée de rumeur ait pompé suffisamment les nerfs aux Togolais, et Dieu seul sait si certains n’ont pas fait des crises, que le Chef de l’Etat lui-même, se décide à démentir la rumeur. Eh oui, Faure est bel et bien en vie.

Le samedi dernier au soir, les messages Togocel ont circulé sur les portables invitant les populations à se rendre à l’aéroport pour accueillir le bien-aimé président. Annoncé à 14 heures, puis à 17 heures, le voilà qui atterrit à 18 H 45. La rumeur n’a pas eu raison de lui, au contraire c’est lui qui l’a tué, « grâce à Dieu » Faure est là. Au passage, nous pouvons estimer que, le Dieu qui a sauvé Faure des balles fatales de la rumeur est le même Dieu pour les nombreux détenus dont le sort reste encore lié à Faure. Espérons donc que le Dieu commun aux bourreaux et aux victimes touche le cœur de notre cher président au profit des victimes. Revenons pour dire que, pour qu’on ne dise pas qu’à son atterrissage il a été poussé dans une ambulance, c’est à pieds qu’il est rentré à sa résidence. Les fans peuvent respirer, les détracteurs doivent attendre encore longtemps. Faure espère qu’avec ce revers, les détracteurs eux-mêmes ne vont plus avoir le courage pour revenir sur la maladie. Voilà une rumeur qui vient étouffer une autre, pur hasard ou machination pour la bonne cause ? Mais une question reste sans réponse : Qui a distillé cette rumeur sur une mort qui n’existe pas?

Beaucoup d’indices portes à légitimer la thèse qui dit que c’est be let bien le régime en place qui a ‘’tué’’ Faure. Les rumeurs sur la mort sont parvenues à la délégation présidentielle en Israël des jours avant qu’elle ne rentre au pays.  On peut comprendre que ce régime n’ait aucune considération pour le bas peuple, mais qu’est-ce qui
empêchait que les messages Togocel qui ont circulé pour mobiliser les populations afin d’un retour triomphal, soient envoyés, ne serait-ce qu’aux autres poids lourds du régime, aux officiers et barons restés au pays pour démentir la rumeur dès les premières heures de cette salle fumée. En dehors de la petite délégation qui faisait le marathon avec Faure en Israël, tous les autres Togolais, toutes catégories confondues, attendaient Faure dans un cercueil. Si on peut laisser le vulgaire homme de la rue se débattre dans son tissu de rumeurs, pourquoi rien n’a été fait pour rassurer les grandes personnalités militaires et civiles ? Pourquoi la horde de journalistes qui a accompagné le chef de l’Etat n’a rien fait pour étouffer la rumeur dans l’œuf ? On sait qu’au moins six confrères de la presse d’Etat et cinq de la presse privée y étaient. La seule information venue d’un organe est que Faure va bien et qu’il a même marché sur cinq Km. Cette information n’a fait qu’ajouter au flou, car Faure n’est pas allé en Israël pour les jeux olympiques. Malgré les moyens d’Etat dont ils disposent, les confrères qui ont suivi Faure n’ont pas pu apporter un démenti à la rumeur alors qu’ils étaient à la source de l’information, la vraie. On dirait que les confrères  étaient tellement occupés à recevoir d’utiles conseils
qu’ils n’ont pas eu le temps de faire leur boulot. Même à un moment donné, certains confrères des medias publics restés au pays ont commencé par se plaindre de ce que les informations ne leur parviennent pas. Soit ces confrères ont délibérément passé à côté de la mission pour laquelle ils ont été envoyés aux frais du contribuable, soit une consigne leur a été donnée pour retenir l’information. Si des confrères ont écrit blanc et noir que Faure est mort ou qu’ils ont dit cela à leur micros, qu’ils subissent la rigueur de la loi. Mais ceux qui sont allés en Israël, en quoi ils ont été utiles pour décanter une telle situation? Nos confrères sont allés pour informer les Togolais, si malgré leur présence là-bas la désinformation fait des dégâts au pays, c’est que quelque chose n’a pas marché ou on a voulu que ce soit ainsi. Tout porte à croire que, la rumeur de la mort a été inventée pour tuer la rumeur de la maladie.

La mort étant la version la plus catastrophique de la maladie, depuis que l’histoire de la mort est rentrée dans les échanges, l’Etat de santé n’est plus un problème. Dieu merci, Faure, par son retour qu’il a voulu triomphal, a tué la rumeur de la mort. Mais s’il est vrai qu’il porte les maux qu’on lui attribue, même s’il descendait de l’avion en tenu de sport pour traverser tout Lomé en cross-country, cela ne guérit pas son mal. Notre souhait est que le chef de l’Etat se porte comme un charme, mais si malheureusement il y a un Etat pathologique qui inquiète, qu’on ait le courage d’informer la population. Ainsi, les fans accompagneront leur idole dans leur recueillement. Pour une guerre contre la rumeur, Faure a remporté un combat, mais pas la guerre. Il est aussi possible que Faure soit victime de sa gestion copinale où tout est caché aux autres. On se rappelle ce qui s’est passé dans la création de UNIR,  et nous vous en avions parlé dans l’édition surpassée. Seul le dernier cercle est au courant des informations de premières mains au sommet. Alors, dans des cas délicats, un nombre limité est consulté, et on ne prend pas la bonne décision au bon moment et on ne sait quel comportement adopté pour telle ou telle circonstance. Il ne peut pas en être autrement puisque ceux qui meublent l’entourage immédiats ne sont pas forcement les plus éclairés, pire, tout comme le premier responsable, le dernier rempart connaît très peu le terrain sur lequel ils dirigent les Togolais. Pourquoi on n’a pas voulu communiquer très tôt pour arrêter les dégâts ? On sait que Faure Gnassingbé est tout sauf un bon communicateur et sa cellule de communication, s’il en a une, vient de montrer ses limites. Dans certains pays, avec une telle situation au sommet de l’Etat, des têtes devraient tomber. Mais nous avons espoir que même s’il y a des inquiétudes, dame nature qui a envoyé un arc-en-ciel et une pluie pour accueillir Faure en Israël, fera son miracle pour notre esprit nouveau. Mais le hic est que dans certains milieux, un arc-en-ciel dans le ciel n’augure pas une bonne chose. Qui a fabriqué cette rumeur ?  L’Etat a les moyens pour faire une enquête et situer l’opinion afin que les audacieux soient punis, mais si on observe un silence c’est que les dirigeants en savent quelque chose.

Abi-Alfa

Le Rendez-vous N° 181