Présidentielle de 2015 et manœuvres propagandistes
26 pages d’articles achetées par le pouvoir dans “Jeune Afrique” pour ripoliner son image
. Pas moins de 135 millions de FCFA investis dans cette opération, des besoins urgents non satisfaits pour manque de moyens.
Le Togo qui avance (et même dépasse les pays développés) sous Faure Gnassingbé. Ce refrain est quotidiennement chanté dans les oreilles des Togolais à rompre les tympans par les griots du pouvoir, sur les médias locaux. Paix et réconciliation, réformes politiques et économiques, développement, réhabilitation des routes…, tout est crié, histoire de redorer l’image de Faure Gnassingbé. Mais visiblement, ces efforts (sic) ne suffisent pas, et le régime croit devoir faire de même sur les médias internationaux. Dernière illustration, vingt-six (26) pages achetées dans la dernière parution du magazine “Jeune Afrique” pour les besoins de la cause. Et on a cassé la tirelire pour les besoins de la cause!
26 pages (ou plutôt 45) achetées pour ripoliner l’image du pouvoir!
“Où va le Togo?” Voilà la titraille consacrée à notre pays dans la parution N°2792 du 13 au 19 juillet 2014 du magazine panafricain “Jeune Afrique“, dans la rubrique “Le plus de Jeune Afrique“. Sur vingt-six (26) bonnes pages! En fait, c’est ce qui est indiqué sur la couverture. Mais lorsqu’on s’amuse à compter, on dénombre quarante-cinq (45) bonnes pages où on trouve un mélange d’articles et de publicité d’entreprises étatiques, de banques et autres sociétés au Togo.
C’est un focus qui a été fait sur le Togo de Faure Gnassingbé vanté à volonté. On parle d’un pays “remis sur les rails“, des investissements et des réformes qui “s’accélèrent” après les législatives. Politique, économie, commerce, transport, tout a été abordé. Sur le plan politique, il est fait état de ce que le pouvoir aurait concédé à l’opposition ses principales exigences, d’un débat dynamique et des élections davantages apaisées et irréprochables (sic). Sur le volet du développement par exemple, on parle de “graines de succès“, le pouvoir poursuivant, à côté du méli-mélo politique, les réformes pour “améliorer le quotidien des Togolais“. Concernant l’action de l’Exécutif par exemple, le Premier ministre laisse entendre que “le gouvernement s’est beaucoup rapproché des populations“. “D’une planification stratégique du développement, nous avons évolué vers un développement centré sur l’homme, gage d’une meilleure inclusion de la croissance et d’une meilleure redistribution des revenus. Nous avons voulu entrer dans une démarche prospective à l’horizon 2013, en sondant la population sur ses aspirations. Ces dix dernières années, nous sommes passés d’une logique d’urgence à une logique de résultats, grâce à des documents de planification tels que le DSRP-C et la SCAPE. Il faut aller plus loin, mettre le cap sur l’émergence“, a-t-il dardé. Rien d’étonnant en fait. Et sur le fait que la croissance économique vantée (6%) n’impacte pas le quotidien des populations, le reproche traditionnel fait au gouvernement, Arthème Ahoomey-Zunu se cache derrière la poussée démographique et laisse entendre qu’il faut atteindre 10% avant qu’elles ne la ressentent. “Ces indicateurs démontrent toutefois que le pays est gouverné de manière plus sérieuse“, a-t-il dardé. Aux Togolais d’apprécier la justesse de ses propos.
Sur les volets économie, commerce et transport, le Port autonome de Lomé a été vanté (sans aucune allusion aux détournements de milliards de FCFA qui s’y déroulent loin des yeux et des oreilles indiscrets), de même que la création de l’Office togolais des recettes (Otr), l’afflux des banques, le développement du commerce (zoom sur une Nana Benz, silence sur les incendies qui ont détruit les commerçantes), les routes réhabilitées. “Ces ouvrages ont profondément transformé le visage de la capitale togolaise et donnent aujourd’hui un aperçu de la détermination du gouvernement à engager résolument le Togo sur la voie du progrès et de la modernité“, lit-on. Bref, c’est un Togo vu du bon côté (sic) qui a été peint. Il est alors aisé de répondre à la question: “Où va le Togo?“
Près de 200 millions FCFA investis
Cet intérêt du magazine “Jeune Afrique” est loin d’être gratuit. C’est avant tout une entreprise commerciale, et quand on sait que ce sont 26 bonnes pages (ou plus) qui ont été consacrées au Togo, on peut aisément se convaincre que le pactole investi doit être conséquent. Pour permettre à chacun de se faire une idée de ce qu’aura coûté cette opération (au contribuable), on est allé à la source.
Une insertion sur une page entière blanc noir dans “Jeune Afrique” coûte 6.400 Euros, soit 4.768.400 FCFA et la quadrichromie 7.900 Euros, environ 5.174.500 FCFA. Il faut préciser qu’il s’agit ici d’un publireportage qui doit être plus onéreux et que les pages consacrées au Togo sont toutes en couleurs. Un petit calcul sur la base des 26 pages indiquées donne une facture de 134.537.000 FCFA. Mais on le signalait tantôt, ce sont en tout 45 pages qui ont été consacrées à notre pays sur les 116 de la parution. La facture devrait logiquement être plus corsée et friser les 250 millions de FCFA.
134.537.000 FCFA, c’est au bas mot, le pactole qui devrait être mis dans la balance par le pouvoir pour acheter ces pages. Aucun sacrifice n’est trop grand lorsqu’il s’agit de la jeunesse, disait le père. Avec le fils, on dira qu’aucun sacrifice n’est trop grand lorsqu’il s’agit de ripoliner son image. Surtout avec l’approche de l’élection présidentielle de 2015 à laquelle il compte se présenter contre vents et marées, il ne faut ménager aucun effort pour séduire les naïfs. Visiblement, les médias locaux sur lesquels les griots et autres JMP (Journalistes en mission pour le pouvoir) braillent à longueur de journée ne suffisent plus pour faire l’affaire, et il faut aller sur d’autres tribunes plus huppées. Mais on se demande quel véritable effet cela peut avoir, car la réalité se vit au quotidien par les Togolais, et ce ne sont pas des artifices de ce genre qui vont les flouer.
L’investissement de ce pactole a de quoi scandaliser l’opinion, lorsqu’on voit les urgences qu’il y a à côté qui restent insatisfaites. Les travailleurs réclament une nouvelle grille salariale que le gouvernement rechigne à satisfaire, au motif qu’il n’y a pas de moyens. Au CHU-Tokoin, des besoins qui ne coûtent rien sont nombreux dans des services et le gouvernement hésite à les satisfaire, arguant le manque d’argent. Mais le pouvoir en trouve assez pour financer l’opération de polissement de son image sur la scène internationale. Il a visiblement ses propres priorités qui ne sont pas forcément celles de la plèbe (sic). Et c’est dans cette indifférence aux besoins des populations que le prince compte bien requérir leurs voix pour un 3ème mandat au pouvoir!
Tino Kossi
LIBETE N° 1744 du Mardi 22 Juillet 2014